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9 mai 2007 3 09 /05 /mai /2007 07:37
Le 8 mai… Une date qui désormais se situera ou en fin d’une période agitée ou au cœur d’une autre. Tous les cinq ans on changera de position dans ce qui est devenu la semaine de Président de la République. Les cérémonies qui témoigneront de l’attachement de notre société à l’acte symbolique ayant mis un terme à la domination nazie auront donc un goût amer ou agréable.
N’étant pas encore élu en 1981 je ne garde pas un souvenir particulier du rendez-vous donné par mon prédécesseur au Monument aux Morts. Nous étions simplement dans l’expectative de ce qui allait se passer deux jours plus tard et nous le pressentions sans pour autant pouvoir y croire. François Mitterrand avait en effet réalisé 36 % des voix au premier tour et Georges Marchais… 12,60 % ce qui laissait entrevoir les 58,80 % que " Tonton " allait engranger le 10 mai. Je me souviens seulement du très fort investissement d’une poignée de militants socialistes sur le terrain afin de coller, distribuer et réunir. Giscard peu avare d’idées originales avait eu la fâcheuse initiative, pour favoriser l’entente franco-allemande, de supprimer le qualificatif de férié à un jour pourtant précieux. Il en paiera les conséquences !
Il fallut attendre 1988 pour que le contexte évolue puisque la France se rendit aux urnes le dimanche 8 mai… ce qui donna au vote en faveur du Président sortant une dimension encore plus forte. Mitterrand réalisera avec 59,30 % des voix l’un des meilleurs scores créonnais pour un candidat socialiste. Ce 8 mai fut donc une journée fort paisible qui attira plus de monde dans les bureaux de vote qu’au Monument aux morts. Ce fut le dernier qui déboucha sur une victoire de la gauche et le dernier qui correspondait à sa finalité.
Le portrait de Jacques Chirac apparut en effet une fois le 7 mai 1995 et une autre le 5 mai 2002. Ce furent les fameux deux rendez-vous manqués qui annonçaient le troisième… Le premier se situait à quelques semaines des municipales décalées en juin et ressemblait donc étrangement à celui de cette année alors que le second, venant après la mobilisation intense anti Le Pen, avait rassemblé beaucoup de gens soulagés d’avoir éliminé le FN sans se rendre véritablement compte qu’ils avaient donné un blanc-seing à un Président ayant oublié, 3 jours après son triomphe, les engagements souscrits. Etrange répétition de l’Histoire. La Gauche était sous le choc du départ de Jospin vers une retraite moins dorée pour s’habiter de son statut de fossoyeur du PS. Mon discours du 8 mai 2002 sentait la déception mais aussi peut-être la volonté de tenir bon dans des moments difficiles. Les cicatrices étaient fraîches. Le remords encore plus fort. Le courage manquait. Le fameux principe du " plus jamais ça ! " servait de trait d’union entre deux époques même si le contexte était différent.
Hier, la soirée de dimanche était passée par là. Il y avait foule au Monument aux Morts et à la réception qui suivit. Des jeunes, beaucoup de jeunes par rapport aux éditions antérieures. Des enfants, des adolescentes et des adolescents et peu de ces " moins jeunes " ayant voté à 75 % pour le tenant du Ministère de " l’immigration et de l’identité nationale ". Aucun d’eux ne se posait la question de savoir pourquoi le futur Président de la République, contrairement à Chirac, avait décidé de récupérer de sa folle nuit du… 6 mai au Fouquet’s sur un yacht, loin des cérémonies officielles parisiennes. Question identité nationale, il débutait sans tambours ni trompettes !
TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE
Ce 8 mai ne pouvait donc pas être totalement comme les autres tant il sonnait faux dans le contexte actuel. Comment célébrer la fin de ces 6 années noires ayant vu le racisme, la passivité, la délation, la collaboration, le pouvoir policier outrancier s’installer en principes clés de la vie sociale sans songer aux discours des années antérieures. La trilogie " travail, famille, patrie " résonnait encore en sourdine comme un fond sonore monté des campagnes françaises. Impossible de ne pas regretter que depuis des années il n’y ait pas eu plus de monde au cours des 8 mai antérieurs pour se souvenir vers où ces principes avaient conduit la France.
Impossible de ne pas évoquer des cas concrets de gens ayant apporté leur vie aux idées qu’il fallait défendre. Bien plus qu’un bulletin de vote, ces femmes et ces hommes, avaient donné l’exemple. Il ne peut donc y avoir de démocratie sans références à l’histoire. Certes c’est un peu passé de mode mais au diable les préjugés. Alors j’y suis allé…
Rappeler par exemple qu’il n’y aurait jamais eu de 8 mai à célébrer sans ces milliers d’étrangers ou de soldats arrivés d’Afrique ayant donné leur vie pour que nous puissions avoir la liberté… de les oublier.
Ces " Indigènes " survivants, sortis de l’actualité depuis que Bernadette Chirac avait pris pitié d’eux, attendent toujours que les promesses… chiraquiennes se transforment en réalités. Tout un symbole que ce constat spécifique à la vie politique hexagonale qui veut que les effets d’annonce aient été désormais institués en méthodes de gouvernement productives.
Près de 120 000 goumiers, tirailleurs et spahis, originaires de 22 pays du Maghreb et d'Afrique noire intégrés alors à l'Empire français, dont beaucoup s'étaient déjà distingués lors des durs combats de la Campagne d'Italie notamment autour de Monte Cassino, ont débarqué sur les côtes de Provence et ont été engagés dans la libération de la France puis en Allemagne jusqu'à la victoire de mai 1945. Ils étaient placés sous le commandement du Général de Lattre de Tassigny, chef de l'Armée d'Afrique, devenue l'Armée B, puis la 1ère Armée française. En 1947, le Général Leclerc, le prestigieux chef de la la 2e DB, avait réclamé que la France s'acquitte pleinement et sans marchander de la dette d'honneur qu'elle avait contractée auprès d'eux… C’était il y a soixante ans. Et ils attendent encore… alors que Chirac a pris lui sa retraite et que son remplaçant bronze au soleil de cette Méditerranée qu’on les avait plus ou moins obligés à traverser.
METTRE LEURS ACTES EN ACCORD AVEC LEURS CONVICTIONS
Impossible de ne pas penser ce qu’a pu représenter cette journée pour quelques milliers de Françaises et de Français de l’ombre bien plus nombreux en mai 45 qu’en mai 44. Les plus discrets, en ce 8 mai 45, n’étaient probablement pas les moins convaincus. Ils avaient su mettre leurs actes en accord avec leurs convictions au risque d’y perdre la vie. Les Résistants furent pour moi les plus parfaits des militants et je me suis toujours posé la question de savoir ce que j’aurai pu faire en une période telle que celle de 1940-1945. Le 14 mars dernier a disparu la plus emblématique des femmes ayant illustré cet engagement absolu au service des principes auxquels elle était tellement attachée.
Pour moi, comme pour maintenant quelques nostalgiques des parcours sociaux remarquables, Lucie Aubrac restera une dame admirable. Dans le contexte actuel elle devrait être portée au Panthéon des femmes humbles, droites, rigoureuses, sachant prendre les plus grands risques sans aucune ambition que celle de servir son idéal. Elle devait avoir son nom sur des places, des rues, des avenues des villes et villages de France. Pour elle il n’y avait que le partage de l’action qui permette véritablement de transmettre ses convictions. Cette femme qui a su rester jusqu’à son dernier souffle une militante inlassable de la mémoire de l’époque que nous évoquons aujourd’hui, a toujours eu, chevillée au cœur, le besoin de faire partager aux jeunes la réalité de ces moments où la résistance se traduisait par des actions et pas uniquement par des mots.
Lucie Aubrac disparue le 14 mars dernier a emporté avec elle ce comportement qui fait d’une citoyenne une véritable héroïne.
PAS DE DECALAGE ENTRE LES CONVICTIONS ET LES ACTES
Elle symbolisait le courage qu’il faut, dans le quotidien, pour ne pas connaître de décalage entre ses convictions et les actes qui les traduisent. Professeur agrégé d’histoire elle savait mieux que quiconque qu’il fallait obligatoirement s’oublier quand les circonstances exigent un sursaut de dignité. Elle avait pris tous les risques. Elle avait connu toutes les angoisses. Elle avait assumé toutes les responsabilités. Dans toutes les circonstances, même les plus préoccupantes, elle n’avait jamais renoncé à son idéal.
En plongeant dans la nuit noire de l’Occupation et en entrant dans la Résistance, Lucie et Raymond Samuel devinrent Aubrac. Ils le resteront pour jamais. Des héros ? Lucie Aubrac se fâchait toujours en entendant ce mot. " Les héros, sont d’abord ceux qui sont morts. " Elle savait que pour eux le 8 mai 1945 n’avait pas été une délivrance comme pour elle puisqu’ils n’étaient plus là pour la vivre.
" Lucie Aubrac n’est plus de ce monde mais jusqu’au dernier moment elles se sera battue afin qu’il soit moins injuste, moins horrible, moins meurtrier que celui qu’elle avait traversé. Ce jour, cette manifestation, lui sont dédiés comme une petite flamme qui subsiste après un départ. Elle éclairera le chemin de notre avenir commun ". Ce fut la conclusion de mon propos en ce 8 mai 2007 ! Nul ne sait ce qu’il en sera le 8 mai 2012 et si le besoin de résister animera encore quelques cœurs ! Je suis simplement heureux du présent et de pouvoir encore être des combats qui s’ouvrent.
Mais je déblogue…
 
JE VOUS AVAIS PREVENU MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU
Allez faire un tour sur Mitterrand-2007 : c'est un bijou de blog
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