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18 janvier 2008 5 18 /01 /janvier /2008 07:47
Il fut une époque où à l’école élémentaire ont apprenait que les serfs, au Moyen âge, devaient obligatoirement fournir des journées de travail gratuites au seigneur. Certaines et certains parmi vous se souviennent des explications de leur institutrice ou leur instituteur qui soulignait l’injustice de ces " corvées ". D’ailleurs on en a déduit la formule " taillable et corvéable à merci " qui a fini par déboucher sur la Révolution de 1789. Du VIIIe au IXe siècle, le grand domaine carolingien est divisé en deux zones d’exploitation : l'une est gérée en faire-valoir direct par le maître, grâce au travail des… serfs du domaine; l'autre est constituée de lots de terres attribués à des familles paysannes contre redevances et travail gratuit sur la réserve.La corvée, ce travail non rémunéré, constituait donc le lien organique entre la " réserve " (première situation) et les " tenures " (seconde situation) du domaine.
Selon les régions et le statut du paysan (libre ou non libre), le poids de la corvée, généralement fixé par la coutume locale, était variable de… trois jours par semaine à quelques jours dans l'année. Puis, la transformation du grand domaine en seigneurie foncière a modifié l'importance de la corvée : comme la part de la réserve s'amenuisait jusqu'à ne subsister que sous la forme de bois réservés à la chasse du seigneur, le travail du paysan pour son seigneur a tendu à disparaître au profit d’une taxe symbolisant le rachat de la corvée. Les besoins du seigneur ayant évolué, ce dernier réclame alors une participation gratuite du paysan à la réalisation de certains travaux : construction et entretien du château, curage des fossés, charroie, transport de bois, etc.
À son tour, le roi de l’époque moderne, essentiellement Louis XV impose à ses sujets des " jours de service " pour la construction et l’entretien des voies de communication. Permettant une nette amélioration du réseau routier français, cette corvée royale est cependant mal perçue des populations. Aussi, comme pour les corvées seigneuriales, la corvée royale tend-elle à disparaître au profit d’une augmentation des impôts… et donc aux rentrées financières directes.La corvée restera néanmoins pesante dans certaines régions et sa suppression apparaîtra dans les cahiers de doléances de 1789 comme une des premières revendications paysannes. De fait, elle ne s’estompera définitivement qu’avec l'abolition des privilèges lors de la nuit du 4 août.
Cette date avait été probablement oubliée par le gouvernement Raffarin qui avait décidé d’imposer un " jour de corvée " pour les seuls salariés en leur supprimant le caractère férié du jour de Pentecôte ! Il s’agissait de transformer en pactole financier une journée de travail destinée à la " solidarité ". Si le principe est acceptable l’application est injuste : il faudrait qu’il s’applique à tout le monde et pas seulement aux salariés… qui sont en définitive redevenus les serfs d’une société accordant des privilèges permanents aux professions libérales, aux rentiers, aux nantis de tous bords qui peuvent se dispenser justement d’être solidaires ! Par principe.
LE MIRACLE BESSON
L’aventure du lundi de Pentecôte avait donc seulement selon moi, une valeur symbolique et surtout pas économique. D’ailleurs un récent rapport du " social traître " Eric Besson donne raison aux adversaires de cette hérésie sociale. Il a présenté une analyse qui revient sur une idée aussi fausse que répandue : non, le travail du lundi de Pentecôte ne rapporte pas 2 milliards d’euros (car personne ne l’a chiffré sérieusement, en tenant compte des considérables coûts induits), ce qui rapporte, c’est la Taxe. Nous voici revenu aux choix de Louis XV et l’option des rentrées financières directes plutôt que celles du produit du travail… gratuit !
Il y reconnaît toutefois que l’idée de Jean-Pierre Raffarin " est un peu brouillée par la part de désordre liée à sa mise en oeuvre ", euphémisme délicat pour évoquer l’énorme pagaille générée par cette mesure surréaliste ! Il faut dire qu’il ne faut pas avoir été secrétaire national ayant en charge l’économie pour s’en rendre compte.
Pour cette réforme, trois scénarii sont présentés, sur lesquels François Fillon devrait trancher incessamment sou peu. Le premier serait de revenir à une journée obligatoire " travaillée le lundi de Pentecôte ou un autre jour férié ", sans possibilité de fractionnement. Ce scénario a peu de chance d’être retenu, ayant fait la preuve éclatante de son inadaptation.
Une autre hypothèse serait de conserver la situation actuelle, mais en améliorant la garde des enfants le lundi de Pentecôte (service minimum à la Darcos), et en restreignant le transport routier ce jour-là. C’est un scénario de statut quo frileux, qui ne résoudrait rien, ajouterait des règlements aux lois, pour aboutir à encore plus d’opacité. Ce scénario a des chances relativement faibles d’être retenu.
Enfin il reste selon Besson une dernière proposition : , le " caractère férié du lundi de Pentecôte " serait rétabli, et il donnerait " une totale liberté dans l'accomplissement de la journée de solidarité ". C’est ce scénario, très proche de la solution suggérée par les adversaires de l’abolition du lundi férié, qui a la faveur d’Eric Besson, et nous pensons que sauf obstruction du Premier ministre, c’est celui qui sera retenu. Il nécessitera un peu de travail législatif : modifier le texte de la loi actuelle pour supprimer la référence au lundi de Pentecôte comme jour par défaut, y inscrire la possibilité de fractionnement, et revoir les modalités d’accord. Rien de bien compliqué, et, ce qu’ils ont réussi à défaire, ils devraient bien réussir à le refaire. Reste que pour la Pentecôte 2008, il va falloir ne pas perdre de temps et surtout avouer publiquement que la mesure Raffarin était une absurdité !
LA LIBERTE DE SON JOUR DE CORVEE
Le ministre du Travail, Xavier Bertrand a donc vite rebondi. Il a souhaité que la journée de solidarité avec les personnes âgées et handicapées ne se tienne plus le lundi de Pentecôte, qui redeviendrait chômé, mais à une date fixée librement par les entreprises et les administrations, confirmait-on hier dans son entourage.
Lors de ses vœux à la presse il a marqué son accord avec le " remarquable rapport " (sic) sur le lundi de Pentecôte déposé en décembre par le secrétaire d'Etat à la Prospective Eric Besson, dont, a-t-il dit, " je partage l'analyse et la conclusion ". Le gouvernement va se prononcer " très vite sur le sujet ", a-t-il ajouté. Dommage qu’il ait fallu tant de temps pour s’apercevoir que les observations du Comité des Amis du Lundi (CAL) étaient justifiées alors que l’on a entendu des tonnes d’arguments fallacieux qui confondait " solidarité " et retour à la " corvée ".
Et encore la journée de travail gratuite serait évitée, en l(état actuel de la loi, par une infime augmentation de la Contribution Sociale Généralisée au aurait eu exactement le même effet avec une injustice en moins envers les seuls salariés ! 
La CSG a été créée à l'initiative du gouvernement de Michel Rocard pour diversifier le financement de la protection sociale. Elle est assise sur l'ensemble des revenus des personnes domiciliées en France : revenus d'activité, de remplacement, du patrimoine, ainsi que les revenus tirés des jeux. Elle est prélevée à la source dans les deux premiers cas. Les salariés ne sont donc pas les seuls à être ponctionnés au nom d’une solidarité de classe.
Au total, le taux de CSG représente 7,50 % des " revenus d'activité ", 6,20 % des " revenus du chômage " et 6,60 % des " retraites " (3,80 % pour les personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu) ; 8,20 % des " revenus du patrimoine et de placement " ; 9,50 % des revenus des " jeux ". La CSG n'est que partiellement déductible du revenu imposable. Elle est donc équitablement répartie et ne frappe pas uniquement un type de revenus.
En 2006, le produit de la CSG s'est élevé à 76,3 milliards d'euros ce qui en fait le premier impôt direct en France devant l'impôt sur le revenu. Elle représente environ 18% des ressources de la sécurité sociale. La CSG a un rendement de 10 Milliard d’euros par point Les trois quarts du produit de la CSG sont néanmoins issus des revenus d'activité et non pas des profits boursiers ou des spéculations diverses. Dommage que l’on ne se penche pas sur cette forme de solidarité plutôt que sur celle de la " corvée " imposée par un texte de loi totalement inégalitaire !
TOUT SIMPLEMENT UN IMPOT SUR LES SALARIES
En fait on en revient à une situation standard : quand on a besoin de fonds pour la vie collective on se tourne vers une taxe ou un impôt mais avec le lundi de Pentecôte on le cahe derrière un faux acte de solidarité active. Le principe républicain reste que tout le monde soit pourtant soumis à l’effort de manière équitable et qu’il y contribue en fonction de ses moyens. 
Rappelons simplement que, si la journée de solidarité des salariés rapporte… 2 milliards d’euros (statistique surévaluée) l’exonération du " paquet fiscal " a fait perdre près 15 milliards d’euros à un Etat exsangue ! A vous de chercher l’erreur ! Est-on certain que toutes celles et tous ceux à qui on a renvoyé les chèques de trop perçu après la mise en place du bouclier fiscal iront travailler plus pour la solidarité le lundi de Pentecôte ?
Et " pour une fois, déclarait Jean-François Copé dans un entretien à " Paris Match Pravda" lors du lancement de l’initiative Raffarin, il n’est pas financé par… une hausse d’impôts, mais par un jour de solidarité ". Sur le papier, son raisonnement est en effet imparable: pour financer ce plan, les cotisations patronales étaient augmentées de 0,3%, mais " remboursées " par une journée de travail supplémentaire, laquelle représente exactement 0,3% de la production nationale. Une vision totalement inégalitaire puisque d’abord d’une entrepriee à l’autre, d’une collectivité à l’autre, la journée n’est absolument pas traitée de la même manière : jour de RTT (NDLR : jusqu’à quand ?), cadeau patronal pur et simple, travail obligatoire, augmentation journalière de quelques minutes… Les situations sont aussi diverses créant une situation totalement absurde à l’échelle du pays.
Dans la pratique, " c’est bel et bien une augmentation des cotisations salariales, cachée derrière un mécanisme indolore", avait répondu à la création de cette corvée Xavier Timbeau, économiste à l’Observatoire français des Conjonctures économiques (OFCE). En clair: une hausse d’impôts qui ne dit pas son nom. Car rien n’indique que l’effort consenti ce jour-là par les salariés qui travailleront remboursera les entreprises. Il a en effet peu de chance de représenter les fameux 0,3% de croissance.
"Pour arriver à ce chiffre, il faudrait que toutes les entreprises de France jouent le jeu. C’est une vision, disons, optimiste",
Mais je déblogue…
confirmait alors Guillaume Mordant, responsable de la division des comptes trimestriels à l’Insee. il a enfin raison On traite donc dans le rapport Besson la forme de cet impôt pour salarié mais pas encore le fond. Et c’est véritablement la technique de ce gouvernement : couvrir le bouillon de la réalité avec une écume réformiste éphémère cachant la misère de ce qu’il y a dans le pot !
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