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2 novembre 2008 7 02 /11 /novembre /2008 07:17

C'est Voltaire qui l'a écrit, et on peut avoir tendance à le croire : « Si vous voyez votre banquier se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui : vous pouvez être sûr qu'il y a quelques profits à prendre ! » Il faut se poser la question de savoir si, dans la crise qu'ils ont eux-mêmes provoquée, dans le secret de leurs bureaux calfeutrés, ils ne sont pas, en effet, en passe de se refaire une santé au détriment des contribuables. Après les soubresauts virtuels ayant provoqué des naufrages exemplaires, mais aussi des résurrections surnaturelles, on semble être entré dans une période de comportements décalés entre les volontés publiques et les effets constatés. Les tenants du libéralisme avéré tentent de nous persuader que l'auto-réparation constitue désormais la référence en matière de gestion des difficultés du milieu financier et maintenant économique. Selon le principe religieux de la confession de leurs « péchés », les « pénitents » vont effectuer, librement, le maximum pour réparer les fautes qu'ils ont commises. Une conception du monde qui laisse rêveuses les personnes « non croyantes » ! Les banquiers prêts à se flageller en place publique sont, d'abord, peu nombreux, mais en plus ils servent à camoufler les errements antérieurs ou actuels des autres, réfugiés dans le coffre-fort de leurs certitudes, car ils ne font que ce pourquoi ils ont été formés, recrutés et adoubés : faire du profit ! Le reste relève du conte de fées libéral.
En fait, le site Mediapart qui devient de plus en plus précieux dans le maigre équilibre des pouvoirs, rappelle opportunément que les « crimes » entre amis peuvent bénéficier d'une indulgence plénière. Ainsi Charles Milhaud, président démissionnaire du directoire de la Caisse d'Epargne, conserve un poste de bagnard de la finance, une sorte d'exil dont personne ne voudrait, une sinécure dramatiquement vexatoire. Il a en effet été maintenu, après une sanction terrible infligée depuis les Etats-Unis par son « ami » Nicolas Sarkozy, à la présidence du conseil de surveillance d'Océor, filiale de l'Ecureuil sur l'outre-mer et l'international.
Le secteur dont il aura la charge demande des efforts considérables, et des déplacements éreintants, puisqu'Océor possède une banque aux... Antilles, à la Réunion, à... Tahiti, en Nouvelle Calédonie et s'est développé à... l'Ile Maurice, en Tunisie, au Maroc et au... Luxembourg. Il ne manque que les Seychelles à prospecter, ou Bora-Bora . Il aura le temps de le faire car, rappelons-le, Charles Milhaud, président du directoire de la Caisse d'Epargne depuis 1999, avait annoncé sa démission le 19 octobre, à la suite de la perte de plus de 750 millions d'euros subie par la banque, à cause des risques inconsidérés pris par un, deux ou trois de ses traders en plein krach boursier. Les sociétaires du réseau des Caisses d'Epargne seront ravis de savoir que, pour ses vacances, le principal dirigeant aura au moins des points de chute convenables. Il a bien mérité de la Patrie ! Cette réalité devrait nous rendre extrêmement méfiants sur l'efficacité des déclarations tonitruantes du Président de la République, habitué à dissimuler, derrière les mots, des actes bien différents de ceux qui sont annoncés.

UN VŒU PIEUX
D'après un témoin direct, il a vertement tancé les patrons des principaux réseaux français de banques, à l'Elysée, jeudi soir. Ce fut dans le genre : « si vous ne jouez pas le jeu, je vais être méchant ! ». Un peu comme ces enseignants qui aimaient bien sermonner les mauvais élèves devant tout le reste de la classe. « Dernier avertissement avant nationalisation », a-t-il laissé entendre, comme aurait pu le faire n'importe quel bolchevik en d'autres temps ! Nicolas Sarkozy a fait la leçon, en présence des préfets silencieux et des trésoriers payeurs généraux (TPG) désormais chargés de surveiller l'encours des prêts accordés aux PME et aux particuliers, mais... pas aux collectivités locales ! Il faut en effet constater que les institutions financières françaises ont témoigné d'une extrême prudence vis à vis du plan gouvernemental. Ils ont boudé les fonds mis à leur disposition, refusant de se lier avec un Etat susceptible de venir ensuite regarder, enfin de très près, leurs agissements plus ou moins respectueux de la volonté politique. Les sanctions terribles infligées au Président du directoire des Caisses d'Epargne atteste... de la peur qu'inspire l'Etat dans un milieu où tout est secret, dissimulé, adapté dans des bilans opaques et incompréhensibles pour les non spécialistes.
Il paraît que jeudi soir, les banquiers sont sortis... « terrorisés » de l'Elysée. Imaginez un instant qu'ils soient éjectés de leurs fauteuils, sans parachute doré, avec des stocks-options taxés et... envoyés sur des îles réputées paradisiaques ou des paradis fiscaux ! Le bagne ! En fait, la seule peur légère qu'ils ont, c'est d'avoir, tout de même, des comptes à rendre à leurs actionnaires sur la diminution des profits habituels; et face à cette préoccupation, ils font bloc. On va sanctionner celles et ceux qui ont appliqué les directives sur les prêts déments consentis aux particuliers sans avoir les encours nécessaires pour les garantir.
Comment persuader les chefs d'agence qu'il faut désormais renoncer à absolument tous les repères antérieurs pour prêter, ouvrir des lignes de trésorerie, soutenir les « canards boiteux » ou abonder pour combler des déficits provoqués... par l'absence de carnets de commandes remplis. C'est demander à un banquier de se jeter par la fenêtre ! Il ne sera pas interdit de le suivre, puisque cette fois, il aura la caution de la puissance publique qui paiera, et que finalement il ne déboursera pas un euro... avec le risque de le voir s'évaporer. Dans le fond, on est en train de lui demander de...sauver le monde avec l'argent des autres. Un principe qui lui convient fort bien, tant qu'il n'est pas assorti de contraintes trop voyantes. La seule angoisse qui tétanise les dirigeants, c'est que Sarkozy s'inspire du programme d'Olivier Besancenot (il n'est pas à ce détail près), et qu'il re-nationalise les organismes bancaires... après avoir férocement demandé leur privatisation !

LE PARAPLUIE ILLUSOIRE
D'après une autre formulation célèbre : « un banquier est un homme secourable qui vous prête un parapluie quand il fait beau et qui vous le réclame dès qu'il commence à pleuvoir», au nom de ce qu'il appelle la loi du marché ! Jeudi soir, si j'en crois mon témoin, le président de la République a affirmé qu'un « pacte moral » (sic) avait été passé entre la Nation et les banques pour faire face à la crise financière. Celles-ci ont bénéficié d'une enveloppe de 40 milliards d'euros de fonds propres (dont 10,5 ont déjà été utilisés) et de 320 milliards d'euros de garanties pour les refinancements interbancaires (l'argent que les banques se prêtent entre elles). En échange, le président veut des engagements. "J'appelle les banques à leurs responsabilités. Dans les circonstances très exceptionnelles que nous traversons, les entreprises, notamment les plus petites, ont plus que jamais besoin de visibilité et de stabilité dans leurs financements bancaires. Je leur demande donc , sauf exception incontestable, de ne pas renégocier les termes et conditions de leurs engagements actuels"; en effet, il constate tout simplement que les banques ne veulent pas de ses fonds, car elles ne veulent pas que l'Etat mette son nez dans leur business ! Il s'acharne à privatiser la Banque Postale (ex-chèques postaux), alors qu'il brandit la menace de « nationaliser » partiellement les autres.
Si, dans l'histoire, les nationalisations ont trop souvent pris la forme de simples étatisations, leur vocation dans les politiques de gauche était de restituer à la collectivité nationale les moyens matériels, industriels ou financiers de la production et de l'organisation économique. Il s'agissait d'orienter l'économie dans un sens qui lui permette d'échapper à l'emprise du capital. La nationalisation, autrement dit, était un moyen de socialiser, de collectiviser certains secteurs de l'économie, pour déterminer de nouvelles logiques de production et de distribution. De substituer à celle du profit, celle de l'intérêt public... on en est encore loin, surtout qu'il n'y a pas eu pires ennemis de cette vision sociale que les femmes et les hommes actuellement au pouvoir ! Que n'ont-ils pas dit sur ce socialisme du tout Etat qui allait bloquer l'inititive, l'investissement, la concurrence, le renforcement de la compétitivité.
Les opérations en cours dans divers pays capitalistes dont le nôtre n'ont rien à voir avec ce que l'on appelle, abusivement, dans les médias, des nationalisations : non seulement il n'est pas question de remettre à la collectivité les pôles les plus solides de l'économie, mais bien au contraire, on demande à la collectivité de mettre la main au portefeuille pour fournir des béquilles à un système bancaire et financier, affaibli par la logique même de son fonctionnement naturel ; de lui donner, en somme, un souffle nouveau pour pouvoir reprendre le cours de son règne, sans partage, sur la planète. Il s'agit, pour Nicolas Sarkozy, au nom de la défense des plus humbles, de donner au « capital » de nouveaux moyens de poursuivre sa course, ralentie mais bien réelle, vers les profits. Ce n'est pas à la nationalisation des banques que l'on assistera, mais à la privatisation des fonds publics. Nuance.
Mais je déblogue...

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commentaires

P
Oui, les sanctions contre Milhaud, c'est du pipeau! oui, l'intérêt soudain de notre Président pour les clients des banques, c'est du pipeau! Oui, les menaces de Sarkozy contre les banquiers, c'est du pipeau, il n'arrête pas de le prouver! La seule chose qui ne soit pas du pipeau, c'est l'argent public mis à la disposition des banques pour tenter de réparer les "imprudences" des banquiers et leur donner un nouveau souffle, à nos dépens, pour leur permettre de reprendre leur course au profit....
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J
J'avais oublié cette citation de Voltaire...  merci de me l'avoir rappelée.  Merci aussi de mettre dans d'élégantes formes écrites ces pensées que j'ai, régulièrement depuis le début de la "crise", sans les exprimer à haute voix.Merci enfin, JM, de dire tout haut ce que je pense tout bas. 
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