Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 07:17

Parfois, il est inutile de publier une chronique pour apprécier l'actualité. J'ai le sentiment que dans certains cas, un nombre suffirait à exprimer ce que je ressens, car il a effectivement beaucoup plus de poids que tous les mots. Au cours de la précédente campagne hivernale, les Restos du Cœur ont en effet accueilli, dans leurs 2.000 centres, 700.000 personnes à qui ont été servis... 91 millions de repas. Qu'en sera-t-il durant cette saison 2008-2009 qui s'ouvre ? Il est quasiment certain que le cap fatidique des 100 millions de repas sera franchi, tellement la détresse est grande dans notre pays. Depuis la première campagne lancée par Coluche en 1985, le nombre cumulé de repas servis atteint plus d'un milliard, et celui qui nous attend sera largement supérieur.
Olivier Berthe, président des Restos du Cœur, quelques artistes "amis" et diverses personnalités politiques ont donné hier à Paris le coup d'envoi de la 24ème campagne des Restos du Cœur, dans un climat morose, alourdi par la déprime économique dont le pire est à venir. Soulignant que cette année, avant même l'ouverture de la campagne d'hiver, les inscriptions étaient en hausse de 5 à 10% par rapport à l'an dernier, le Président, qui doit être, comme celui des enfants de Don Quichotte, un dangereux gauchiste, s'est montré pessimiste quant aux effets à venir de la crise économique. Il n'a pas tort, car déjà, le mois de décembre s'annonce comme catastrophique, puisqu'on voit chaque jour  monter la précarité. Elle est dissimulée actuellement pas des expédients : non paiement des impôts locaux, non paiement des loyers (on sait que l'expulsion est impossible jusqu'au 15 mars), non paiement de l'électricité, car on ne peut pas en restreindre la fourniture dans cette période... et tout file vers les dettes qui apparaîtront au printemps ! Des sommes cinq à dix fois supérieures aux revenus de certaines familles vont s'accumuler, les conduisant à une « faillite » inexorable.
Le Président des Restos du Cœur a averti que l'aide exceptionnelle de 5 millions d'euros octroyée par le gouvernement aux Restos pour cette campagne 2008-2009, et l'augmentation de près de 80 millions du budget 2009 du Plan européen d'aide aux démunis pour la France, ne suffiront sans doute pas à faire face à la flambée des prix des matières premières et à l'augmentation de la demande... Ce qui arrive à cette association caritative n'est que le reflet actuel de la société ! La solidarité va devoir progresser à pas de géant dans un monde de plus en plus impitoyable, alors que tout conduit à penser qu'elle n'est plus dans les priorités gouvernementales. Désormais, il faut que la générosité compense les insuffisances de l'Etat Républicain qui a oublié que la fraternité et l'égalité faisaient partie de ses missions fondatrices.
Dans la même journée, on enterrait deux décennies de Revenu Minimum d'Insertion. Ce fameux RMI, inventé par ce pauvre Michel Rocard, qui avait justement mis la solidarité sociale au centre de ses préoccupations. Que n'avait-il entendu à cette époque ? Les plus grands adversaires du RMI dans sa forme actuelle ont été, justement, les libéraux, pour lesquels « le RMI était une usine à immobilisme, car il décourageait le travail ». Certains libéraux souhaitent même lui substituer un « revenu d'existence inconditionnel », versé sans condition de ressources.


UNE IDEE DE MAI 68
Peu de monde sait que l'origine du RMI remonte à... 1968, lorsqu'Henri Huot, adjoint au maire socialiste des affaires sociales à Besançon, teste dans sa ville le "minimum social garanti", importé de Grande-Bretagne. Rodée à l'échelon local (à Rennes notamment) par d'autres élus de gauche, l'idée fait son chemin jusqu'au siège national du PS, rue de Solférino, où elle devient l'une des mesures phares du programme de François Mitterrand pour la présidentielle 1988. Aussitôt réélu, le président charge son Premier ministre, Michel Rocard, de faire passer le RMI, qui entre en vigueur le 15 décembre 1988. Seuls trois députés avaient voté "contre" la loi, lors de son passage au Palais Bourbon. Et le dispositif, avec un transfert vers les conseils généraux - ce qui l'a singulièrement plombé faute de compensations financières suffisantes -, a résisté à toutes les alternances politiques car si, très vite, l'ensemble de la droite a dénoncé, comme décrit ci-dessus, un dispositif inapproprié, elle n'a jamais voulu en assumer les conséquences dues à la hausse exponentielle du chômage.

Certes, le RMI fournissait un statut, et permettait d'intégrer l'individu dans la société, mais alors, pour le RPR de Jacques Chirac, l'initiative renforçait "l'assistanat". Un mot que la droite va utiliser à profusion pendant deux décennies pour critiquer le système, sans pour autant jamais le « tuer », et pour même, ensuite, le maintenir à flot.
En cause, le volet "insertion", qui semble avoir été négligé par les services sociaux, en raison d'un manque d'encadrement, de formation et de moyens, ce qui en a dénaturé le fondement rocardien. Dans les années 90, plusieurs études confirment les effets pervers du RMI : ses bénéficiaires ne sont pas suivis, et ne parviennent pas ou ne « veulent pas se réinsérer ». Un calcul rapide des avantages à rester "Rmiste" dissuade certains bénéficiaires, en particulier les moins qualifiés, d'obtenir un emploi payé au Smic. Un constat qui conduit Lionel Jospin a créer la Prime pour l'emploi, en 2001, pour lutter contre cet "effet de seuil". Un dispositif détruit insidieusement l'an passé ! L'équilibre était rompu, mais jamais on n'a pris la peine d'expliquer les situations dramatiques causées par des décisions purement idéologiques.


HIRSCH A LA MANOEUVRE
Lors de la présidentielle 2007, le Parti socialiste avait pris le contre-pied de la majorité en proposant donc la mise en place du Revenu de Solidarité Active, déjà imaginé depuis 2005 par un certain... Martin Hirsch, alors président d'Emmaüs. La principale nouveauté consiste dans l'augmentation des revenus des travailleurs pauvres, encourageant ainsi le retour à l'emploi. Nicolas Sarkozy a repris, une fois élu, l'idée défendue par le PS, et chargé... Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, de mettre en place son dispositif. Le RSA « nouveau », qui concerne potentiellement 3,5 millions de personnes, doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain en métropole et, au plus tard, le 1er janvier 2011 outre-mer.
Pour le RMI, l'heure du bilan est donc venue. Michel Rocard, qui a imposé le principe à l'échelle nationale que son idée mise en forme en une période où il avait aussi imposé la Contribution Sociale Généralisée (elle aussi toujours vivante) "a sauvé de l'absence de ressources près de deux millions de Français". Il estime que "probablement 500 000 ou 600 000 personnes ont réussi leur insertion professionnelle" en vingt ans. "Le RMI était calibré pour fonctionner en période de croissance. Il est victime de l'échec de l'économie globale", ajoute-t-il, répondant aux détracteurs du dispositif qui mettent en avant l'échec du volet insertion. "Pour rendre les gens plus employables, il faut (...) qu'il y ait des offres d'emploi", a-t-il sainement rappelé. Ce qui veut dire que le RSA montrera vite ses limites dans un contexte extrêmement défavorable ! Il ne changera en effet absolument rien pour une personne qui ne travaille pas, car elle continuera à percevoir un « revenu minimum garanti » (RMG) égal au RMI actuel, soit 447,91 euros pour une personne seule sans enfant (671,87 euros avec un enfant).
Les personnes qui retrouvent un travail percevront, par contre, sauf exceptions, un complément de revenus plus intéressant et de plus longue durée avec le RSA qu'avec le RMI, afin de gagner plus que si elles restaient avec la seule allocation.
La France compte actuellement 1,1 million de Rmistes, deux millions de travailleurs pauvres selon les estimations, et quelque 7 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (60% du salaire médian, selon l'Insee)... et servira 100 millions de repas gratuits à celles et ceux qui se battent contre la fatalité sociale. Il leur faudra
, alors que souvent leurs problèmes physiques, moraux, matériels sont pires que ceux de leurs revenus, trouver un boulot, en une période où l'on annonce des dizaines de milliers de licenciements dans tous les secteurs d'activité... Autant dire que personne ne sait réellement quel sera l'impact financier d'une mesure qui devrait pourtant permettre aux patrons d'améliorer leurs profits, en embauchant des gens à bas prix avec le soutien de l'Etat !


ECLATS DE VIE
Samedi, les élus volontaires du Créonnais se sont relayés dans le hall du centre commercial local pour collecter des produits de base pour la Banque alimentaire. Malgré un contexte inquiétant, ils ont pulvérisé les tonnages récoltés. Un paradoxe qui s'explique par la peur qui envahit les familles : plus personne n'est à l'abri d'une descente aux enfers de la précarité. Le cadre endetté par sa maison, son écran plasma, sa voiture confortable et son gazon honorable, se fait jeter en un clin d'œil ! Il sait que désormais, s'il veut réellement conserver son confort, il lui faudra bosser jusqu'à 70 ans, et à condition qu'il retrouve un emploi à son âge. Les jeunes ont été souvent les plus généreux, car eux aussi sont préoccupés par leur avenir.
Dans un excellent papier, sur libération.fr, on trouve une description du public d'un centre des Restos du coeur. Un « éclat » émouvant de vraies vies, très différentes de celles qui envahissent les étranges lucarnes télévisuelles. « A l'étage, une petite dizaine de bénévoles distribuent des repas chauds à des sans-abri. Autour des tables, une trentaine d'hommes mangent en silence. Au rez-de chaussée, on distribue des colis. Du lait, du café, des yaourts, des fruits, de la viande, du shampoing...
« C'est pas grand chose, mais c'est déjà ça », sourit Henia, qui discute dans la queue avec ses voisines, en habituée qu'elle est. Il y a trois ans, un accident du travail l'a obligée à quitter son emploi d'assistante dans une école. Depuis, l'hiver, elle vient deux fois par semaine, pour elle et son fils. « En plus des colis, j'achète du pain et des pâtes, et on s'en sort.» Derrière elle, Michèle, cheveux gris coupés courts sous un béret rouge. A 64 ans, elle vient s'inscrire pour la première fois. Même parcours qu'Henia, à peu de choses près : cuisinière dans une cantine, un accident du travail la laisse sur le carreau, avec une mère malade à charge, et deux enfants trentenaires « qui ont déjà bien du mal à nourrir leur propre famille ». Avec 821 euros par mois de retraite et pension, elle s'est décidée, « un peu honteuse », à prendre le chemin des Restos. Sans en parler, ni à ses enfants, ni à sa mère: « Elle me renierait si elle savait! ». Et il y a une photo. On a une certitude en la regardant : le photographe n'a pas enlevé les bagues de Henia et de Michèle pour faire plus peuple. Elles en viennent, et elles y resteront !
Mais je déblogue...

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
L'existence même de ces Restos du Coeur, c'est une honte pour l'état !Honte ausi parceque c'est un histrion, un baladin tout ce qu'il y a de non politiquement correct qui a eu assez de coeur, comme ceux qui donnent et ne sont pas les plus riches, pour faire ce que les politiques et les nantis n'ont pas eu l'idée de créer.Qui n'ont rien fait non plus pour remédier à ce drame. Et que dire des bénévoles qui font marcher l'affaire ? Avec la retraite à 70 ans trouverat-on encore longtemps de ces fameux retraités privilégiés qui passent leur loisirs à aider les autres?Cette situation m'inspire une tritesse et une colère extrême.Mon pays mon beau pays, qu'es tu devenu ?
Répondre