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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 07:17

François Fillon a de la promotion. Il est passé du grade peu enviable de « collaborateur » a celui de « commandant ». C'est l'aveu qu'il a fait hier en présentant ses rapports avec Nicolas Sarkozy exactement comme ceux qu'entretiennent les gens de marine, partant pour des mers lointaines. Il a même osé comparer son mentor, avec qui il serait totalement en phase, comme étant un « amiral ». La ressemblance est peu évidente, mais elle mérite d'être analysée. Il semblerait que ce soient les Siciliens, à la croisée des mondes musulman et chrétien, qui aient abrégé une appellation arabe, en amiral. Le mot apparaît pour la première fois dans la langue française en 1249..., et appartient donc à l'histoire de France. Elle a eu cependant plusieurs significations, et surtout, elle a recouvert des réalités différentes.
Le terme désigne, aujourd'hui, un officier général, dans la plupart des marines militaires, ce qui donne réellement une tonalité inquiétante à la gouvernance UMP. La hiérarchie, avec le petit doigt sur la couture du pantalon, appartient à une culture plutôt angoissante dans un système démocratique. Et d'ailleurs, partout où les amiraux sont arrivés au sommet du pouvoir, ce ne fut jamais dans un contexte porteur pour la République. Loin s'en faut !
La fonction traditionnelle d'un officier général de marine est d'assurer le commandement d'une escadre depuis ce lieu symbolique que l'on nomme le « navire amiral ». Il faut pourtant convenir que, depuis des décennies, il est bien rare que ces gens là prennent le risque de se balader en mer, fidèles ainsi à la tradition voulant que le terme ait d'abord désigné des officiers de la couronne administrant les affaires navales, et ayant rarement le commandement d'une flotte... Mais il est vrai que personne ne peut nier que ça « flotte » un peu dans le gouvernement, puisqu'on se prépare à débarquer une part de l'équipage ! On va enrôler de nouveaux « officiers » en même temps qu' on va demander aux mécaniciens de monter sur le pont et aux gens de la passerelle d'aller faire un tour dans les cales, histoire de mettre les mains dans le cambouis. Tout le monde risque de trembler jusqu'au moment de la publication des rôles d'embarquement.
En fait, en dehors des références guerrières, il faut convenir que tous deux ont la responsabilité de conduire le navire France. François Fillon a assuré que les relations étaient au beau fixe, sur ce bâteau, entre lui et Nicolas Sarkozy. Il est "l'amiral et je suis le commandant qui fait tourner le bateau et son équipage"... On est loin de la blague de « Pincemi » et « Pincemoi » qu'ils ont pratiquée depuis plusieurs mois, de l'avis de tous les observateurs dotés d'un brin d'esprit critique. Impossible, maintenant que l'ordre de « machine arrière toute ! » a été donné sur de nombreuses pseudos réformes, et qu'il n'y a même plus de quoi payer le fioul pour éviter de rester an rade ! Il est vrai que l'uniforme peut sauver les apparences, surtout quand on le montre un peu partout de manière officielle, mais dans la tempête qui menace, le grade ne confère surtout pas l'efficience. On annonce en effet du gros temps, avec peut-être un sort similaire à celui que les Anglais réservèrent à l'invincible armada commandée par Philippe II, qui s'échoua sur des bancs de sable, coula ou brûla, et fut finalement entièrement décimée par des « corsaires », peu respectueux des conventions en matière de combats navals.

AMIRAL DE... FRANCE !
Fillon aurait pu aussi bien décerner le titre « d'Amiral de France », qui n'existe plus, mais qui avait essentiellement un rôle politique. Ce fut, en effet, une dignité équivalente à celle de connétable de France.
L'amiral de France a la charge des côtes de Picardie, de Normandie, d'Aunis et de Saintonge. En temps de guerre, il est chargé de rassembler les navires marchands français pour constituer la flotte. Il doit armer, équiper et ravitailler les navires pour la course, donner les lettres de marque aux corsaires de ses amis, qui doivent aller piller les fonds accumulés par les autres. En temps de paix, il s'occupe de l'entretien de la flotte royale, quand elle existe, mais surtout du commerce maritime et de la flotte marchande.
Durant l'ère moderne, peu d'amiraux de France ont été des marins - d'ailleurs, à l'exception de Claude d'Annebaut, aucun d'entre eux n'a commandé effectivement la flotte. Il faut dire que les pouvoirs réels de l'amiral sont plutôt minces, en partie à cause de la concurrence des autres amirautés (l'amiral des mers du Levant pour la Provence, l'amiral de Bretagne et l'amiral des mers du Ponant pour la Guyenne), et du généralat des galères. La charge a surtout beaucoup d'importance politique. Pourtant, la charge est lucrative : à l'amiral reviennent une partie des amendes et confiscations prononcées par les sièges d'amirauté, droit d'épave, droits d'ancrage et de congé, droit de naufrage, un dixième des prises de guerre... ce qui permettait de renflouer ses caisses. Pourquoi ne pas le remettre au goût du jour ?
François Fillon n'est pas encore allé aussi loin, car ce titre là n'a plus été attribué depuis... 1869. Une charge similaire fut pourtant créée pour l'amiral Darlan, sous le nom d' amiral de la Flotte. Actuellement, comme cela a été précisé dans l'article 4 de la loi de 1972, le titre de maréchal de France et celui d'amiral de France, constituent une dignité dans l'État. Amiral de France est donc, à notre époque, un titre et une dignité pleinement valables, nonobstant le fait qu'il n'existe pas de personne vivante qui en soit revêtue. Il aurait bien pu l'attribuer à celui qui modifie à loisir le sort des tous les équipages, et qui va « sauver le monde » d'une crise des « armateurs capitalistes » qui ont effectué des voyages vers des paradis fiscaux, avec des cales pleines de billets virtuels ! En fait, on aurait pu reconnaître sa capacité à faire du vent, et à l'utiliser !

TEMPETE SUR LE NAVIRE
On sait qu'il y a eu quelques mutineries sur le navire France. Elles ont été oubliées ? Pas certain, puisqu'on verra prochainement qui est renvoyé chez lui en canot de survie ou qui est pendu haut et court à la grande vergue ! Le porte-parole du gouvernement avait, par exemple, évoqué un échange « très franc » entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel le 12 septembre 2008. Il s'était d'ailleurs attiré les critiques de l'Elysée pour ce commentaire.
« Très franc », c'est également l'expression la plus juste pour qualifier les propos des ministres et du premier d'entre eux, sur l'état d'esprit et les états d'âmes au sein du gouvernement.
Ainsi, dans les colonnes de Paris-Match, François Fillon avait confié qu'il avait été « agacé » par les remarques de Nicolas Sarkozy à son égard, en précisant que « ces incidents de parcours » avaient été réglés. « Il arrive à chacun de commettre des imprécisions de vocabulaire », soulignait le "commandant", en récusant, une nouvelle fois, l'idée d'être le « collaborateur » décrit par le président de la République fin août. Le chef du gouvernement mettait en avant la « spécificité » de sa fonction, qui est «sa responsabilité devant le Parlement ». On a vu depuis, que chaque fois que des nuages s'amoncellent à l'horizon, il met bas les voiles, baisse pavillon et s'incline devant les actionnaires UMP du palais Bourbon.
Interrogé sur une intervention musclée du secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI le 2 septembre dernier, il avait souligné que les « proches » de l'amiral Sarkozy parlaient « en son nom », tandis que lui s'exprimait « au nom du gouvernement qui est responsable devant le Parlement ». C'était, selon le commandant de bord, « une différence importante », insistait-t-il. Cet épisode n'a pas, à en croire François Fillon, altéré les relations « de très grande confiance » entre le chef de l'Etat et lui. « On a surmonté cette situation très facilement. On s'est arrangés pour ne pas recréer un nouveau motif inutile d'événement politique.» La mise au point semblait pourtant avoir été ferme, à en croire le Canard enchaîné d'alors. Dans un écho en page 2, l'hebdomadaire rapportait des propos que Sarkozy aurait tenu à Fillon. « Il ne faut pas me prendre pour un con. Je vois bien quel jeu tu as joué: tu as voulu me mettre devant le fait accompli. Ça ne peut pas marcher comme ça entre nous. » Le Président n'avait pas digéré la sortie du Premier ministre sur les régimes spéciaux: « On n'attend plus que le signal de Nicolas Sarkozy.» Et l'avait fait savoir : c'est lui qui donnait l'ordre de départ de la flotte ! Pas les autres ! Le commandant se rend où il le voulait !
Tout est oublié. François Fillon a décidé de ne plus assumer la responsabilité de donner le cap. Il s'installe dans le sillage, laissant l'amiral prendre tous les risques : les cales sont vides, le scorbut économique menace tous les équipages, le vent de la croissance est oublié, les armateurs sont ruinés... Bref il règne une ambiance particulière sur les flots bleus. L'amiral s'agite dans tous les sens, sous le regard des foules attendant des miracles ! Attention, il ne voit pas les récifs !
Mais je déblogue...

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