Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 07:17
Les rockers des années soixante avaient une volonté manifeste de se démarquer des chanteurs à l'eau de rose. Le cuir, les clous, les santiags et la... banane appartenaient à leur personnage. Chacun y allait de sa chevelure patiemment sculptée pour ressembler à l'un des premiers porteurs de cette protubérance capillaire : Elvis Presley ! Le King se dessinait un cylindre, caractéristique, qui évoquait une ressemblance avec la forme oblongue du fruit. Tout l'art résidait dans la manière de sculpter cet attribut identitaire, et de le fixer pour qu'il ne s'émancipe pas trop. Dick Rivers en fut un expert, et d'ailleurs, parfois, il a des similitudes avec l'agité de l'Elysée qui a expliqué, justement, à ses amis de l'UMP qu'il avait « la banane ! ». On veut bien le croire, et avec un zeste de morphing bien appliqué on pourrait aller vers des postures assez proches de celles du chanteur des chats sauvages. En fait, parfois, Nicolas Sarkozy gouverne la France en s'emparant du moindre micro pour déclamer des banalités comme l'ont fait durant une bonne décennie les Johnny Cash ou Gene Vincent, et c'est un rocker de la crise. Il choisit son public qu'il chauffe à blanc aisément, car il est constitué de fans inconditionnels. Malgré la crise, Nicolas Sarkozy assure « avoir la banane » et a exhorté les députés UMP à soutenir sa politique, qui « paiera » en 2012 car, à ses yeux, « on ne perd que quand on est faible ».
« Je me fais taper dessus mais j'ai la banane. C'est dur pour moi aussi, mais en même temps, je rêvais d'être président de la République et je le suis, donc ça va... », a lancé le chef de l'Etat qui recevait, au lendemain de son discours de Saint-Quentin, les députés UMP pour un cocktail à l'Elysée. Dans le fond, avec le concours de Carla pour les paroles, et de fiston pour la vente, il pourrait fort bien mettre en musique ces paroles historiques et participer à un CD au profit des victimes supplémentaires du Sida que vont faire les déclarations du Pape !
« Je comprends que c'est très dur pour vous, mais la crise nous rend notre liberté ,car on ne réfléchissait plus avant. La crise nous donne la possibilité de renouveler notre corpus idéologique », a-t-il ajouté, selon des témoins, lors d'un exercice de questions-réponses dans la salle de spectacle de l'Elysée qui accueillait tout ce beau monde aux frais de la République. On a même le titre du single : « La période est formidable, formi, formi, formidable » (à chanter sur l'air d'une chanson célèbre d'Aznavour). Car c'est extraordinaire, alors que toute la France est plongée dans l'angoisse, qu'une bonne partie de la population souffre, que quelques millions tremblent pour ne pas avoir de lendemains qui... déchantent trop, le Président trouve « la période formidable ! ». Voici en effet ses déclarations, répétées par un fan qui lui voulait du bien : « La période est formidable pour nous parce qu'on se tourne vers nous, les politiques. Les gens nous seront reconnaissants de tenir le cap. Pas une seule réforme qui ne nous apporte pas d'emmerdes (cf encore Aznavour avec mes amours, mes emmerdes !). On a besoin de vous et ça paiera », sous-entendu en 2012, a-t-il poursuivi. Fort de cette analyse optimiste, souriante, heureuse de la crise, il entame comme tous les rockers qui comptent une tournée des salles françaises rassemblant chaque fois un public ravi de sa situation !

PAS LE MEME MENU
Il n'y a que des critiques grincheux qui ne trouvent pas le concert quotidien à leur goût. Des « emmerdeurs », comme dirait le Président lui-même ! D'abord vous avez l'adepte du chant choral des montagnes pyrénéennes, dont le rock n'a jamais été la spécialité, bien qu'il ait toujours eu envie d'être au centre de la scène. Lui il ne risque pas d'avoir la « banane », car il ne va pas très bien en ce moment. François Bayrou, dont la vigilance, décidément, n'est jamais prise en défaut a vite réagi en entendant ses ex-partenaires politiques divulguer cette information sidérante.
La démonstration de l'agrégé de lettres modernes est implacable : d'abord, on apprend ce chiffre de 80.000 chômeurs supplémentaires en février ; le même jour, Sarkozy, au cours d'une conversation avec des députés UMP, déclare « avoir la banane », histoire de clamer que plus ça va mal, plus la crise s'aggrave, plus son énergie se démultiplie. Vous rapprochez les deux éléments et vous concluez que, selon Bayrou, 80.000 chômeurs de plus donnent « la banane » à Sarkozy. Il n'a pas osé se demander si tous les précaires, les chômeurs, les retraités de misère pourraient encore longtemps s'offrir des bananes compte tenu des difficultés qui les attendent.
Même réaction ironique de François Hollande. Il a qualifié hier de « décalée » et « déplacée » l'expression de Nicolas Sarkozy selon laquelle il aurait « la banane », alors que « les Français, eux, ont des peaux de bananes tous les jours...Cela ne les passionne pas de voir un président qui se réjouit quand eux glissent dans la précarité ». Il n'a pas tort, car ce sont des milliers d'employés, d'ouvriers, de techniciens, de cadres qui dérapent en permanence sur les « oublis » des tenants du profit. D'ailleurs, les observateurs du marché annoncent des chutes en série puisque le taux de chômage dans les trente pays de la zone OCDE pourrait approcher les 10% d'ici la fin 2010, estime l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un document remis hier à la presse à l'ouverture du G8 Social à Rome. Le taux de chômage dans la zone OCDE a atteint 6,9% en janvier 2009, soit une augmentation de près d'un point par  rapport  à l'année précédente, ce  qui signifie que sur une année, près de 7,2 millions de personnes ont rejoint les rangs des chômeurs dans la zone. Eux, doivent avoir une de ces... bananes!

LE DOIGT BANTOU
L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a jugé pour sa part que Nicolas Sarkozy devrait être « capable de faire preuve non pas de... banane, mais de vision, d'anticipation, de sagesse...On n'attend pas d'un président qu'il soit survitaminé, on attend qu'il soit sage », a-t-il ajouté à l'intention de son ancien rival, dont il a, de nouveau, critiqué la trop grande activité.
" La France va de réforme en réforme sans toujours se poser la question des résultats", a-t-il ainsi estimé, jugeant qu'il faut "se méfier de l'accumulation des réformes". Dans le travail du gouvernement, « il y a certaines erreurs qui pourraient être évitées », a aussi jugé l'ancien Premier ministre. « Dans un travail plus collectif, le gouvernement pourrait nous économiser ce qui ressemble à de la godille ou du surplace ». Ce constat, émanant d'un membre éminent de l'UMP, n'en a que plus de valeur. Il connaît bien la valeur calorique de la banane et donc il sait qu'elle peut masquer des défaillances en matière alimentaire, mais aussi apporter une activité exceptionnelle à celles et ceux qui suivent un tel... régime. En poète, Dominique de Villepin pourrait composer une ode à la banane présidentielle. Il déclinerait le fait que le fruit défendu du Paradis Terrestre n'était pas la pomme mais la banane. C'est pour cela qu'en Inde, elle est nommée « banane du Paradis ». La banane tire son nom du mot banana, « doigt » en bantou. Attention n'interprétez pas mal cette origine linguistique, car il est difficile d'admettre qu'un homme aussi bien élevé que Galouzeau de Villepin puisse avoir envie de faire un « doigt bantou » à son ex-Ministre ! On ne sait pourtant pas ce qu'il pense véritablement.
Dominique de Villepin, qui n'a aucun mandat électif, s'est aussi dit « gêné de voir, au sein de l'UMP, le temps que nous passons à nous parler à nous-mêmes. On a l'impression que le gouvernement, le président, passent davantage de temps à se parler entre eux, à se disputer entre eux, qu'à répondre aux besoin des Français », a-t-il déploré, souhaitant la fin de « ces querelles stupides ». Tiens donc, tout le monde n'aurait pas la banane au sein de l'UMP ? Il a aussi critiqué le discours de Nicolas Sarkozy à Saint-Quentin mardi soir, estimant que c'était « le président qui parle à l'UMP », ce qui pose « un problème de démocratie, de crédibilité de la parole politique ». En fait, un comportement d'ancien régime ! Impossible de faire mieux en matière de révolte, car là, le meilleur ennemi du Président y est allé de bon cœur.

DES SUCCES GARANTIS
Le rocker sait que, beaucoup plus que les déchainements sonores, c'est sa capacité à faire le spectacle qui compte. Devant ses fans, il faut donner des raisons de croire en vous. Nicolas a donc décliné ses tubes habituels, afin que toute la salle s'en imprègne. Le premier est flamboyant ; "En France, on avait trois handicaps : les 35 heures, les grèves et la fiscalité. On a réglé les 35 heures. Quand il y a une grève comme celle du 19, le pays n'est pas paralysé. Sur le bouclier, ma capacité à reculer n'est pas d'un millimètre. Prenez-moi bien en photo : je ne créerai pas une nouvelle tranche d'impôt, on n'abandonnera pas le bouclier fiscal." La plus belle de ses rengaines ! elle fait un tabac devant celles et ceux qui garnissent des salles où, comme dirait Bedos, les invités sont plus nombreux que les payants !
La seconde relève du conte de fées qui s'effondre : « Je veux une liste des paradis fiscaux et les faire sanctionner. Je ne veux plus que les banques travaillent avec les Caïmans, Hongkong et Macao. Sinon, je démissionnerai de mon poste de coprince d'Andorre. Monaco doit aussi s'aligner : j'en parlerai au prince Albert. Même la Suisse a cédé. » Il va finir par demander à ses fans de casser les chaises dans les salles de spectacles qu'il va faire à l'étranger et notamment à Andorre, Monaco, Saint Martin ou Saint Barthélémy !
Il enchaînera sur un classique : "On a un complexe en France avec ceux qui réussissent, qui gagnent de l'argent. Je parie que le candidat PS en 2012 ne voudra pas revenir sur ce qu'on a fait sur les droits de succession. Ne tombez pas dans le piège de la social-démocratie...Moi, je vais dans les entreprises toutes les semaines, et je monte sur la caisse."  Il est devenu chanteur de rues !
Et il terminera sur un couplet très inquiétant et susceptible de donner un point d'orgue musclé à ce récital habituel, mais reposant sur des phrases aisées à retenir : « Quand un préfet fait mal son travail, il dégage. C'est normal. Et qu'est-ce qu'on dit des directeurs de rédaction qui perdent des lecteurs ? Eux, ils sont pas changés. »
Le programme est attrayant pour certains qui y voient à la fois la puissance du rock qui, on le sait, ne plait pas trop aux poètes. Lui, c'est en plus du hard-rock, avec déchainement permanent de décibels et déluge de lumières. La romance, c'est fini. Dommage que le Peuple n'ait pas, lui aussi, la banane. Celle qui a grandi ces dernières semaines en Guadeloupe et en Martinique.
Mais je déblogue...
Partager cet article
Repost0

commentaires