Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 août 2006 6 19 /08 /août /2006 07:17
Ce week-end Puget-ville ne vivra pas sa fête locale annuelle. Elle a été annulée en raison du drame qu’a vécu le centre de secours local, après la mort de 3 sapeurs-pompiers volontaires au fond d’un ravin verdoyant. Bien évidemment, Nicolas Sarkozy sera de la cérémonie des obsèques, avec plus de 500 sapeurs-pompiers varois, venus pour rendre hommage à leurs collègues, ainsi que des centaines de gendarmes, policiers, agents de l'Office national des forêts, élus, et délégations de sapeurs-pompiers d'autres régions de France. De nombreux habitants de Puget-Ville, où l'accident a suscité une vive émotion, se sont également massés dans le stade, pour soutenir les familles des victimes. Cet événement dramatique s’estompera, comme ceux qui ont marqué l’histoire des "soldats du feu" de ce département, souvent touché par des incendies plutôt moins que plus accidentels. Une quarantaine de pompiers sont en effet considérés comme morts au feu, dans des accidents ou lors d'entraînements, en plus de quarante ans dans le Var, qui a donc payé un lourd tribut.
Je comprends particulièrement l’émoi d’un village comme Puget-Ville face à ce drame, car ce pourrait être Créon, qui a, depuis maintenant plus d’un demi-siècle, des liens particuliers avec les sapeurs-pompiers. Il ne se passe pas une semaine sans que je sois conduit à les accompagner, moralement ou physiquement, dans une sortie. Une cinquantaine de volontaires et bientôt 7 professionnels répondent à plus d’un millier d’appels dans une année sur une vingtaine de communes en premier appel. Malheureusement, même si globalement ils bénéficient d’une excellente image, il faut admettre que le citoyen contribuable ne connaît pas forcément ce que représente leur engagement personnel. Au-delà de l’émotion parfaitement compréhensible que suscite un accident du genre de celui du Var, on oublie encore une fois le quotidien, dont les exigences échappent aux caméras.

PAS DE CITOYENNETE SANS ACTES CONCRETS
Maintes et maintes fois, j’ai répété qu’il n’y a pas de citoyenneté sans actes concrets de solidarité. Solidarité financière par des contributions justes aux frais de la vie collective, solidarité en consacrant du temps à l’action publique, solidarité physique en apportant sa présence aux autres quand ils en ont besoin. La solidarité est le fondement de la République. Le seul problème, c’est que ce principe s’oublie aussi vite qu’il apparaît.
Envoyer un chèque ou déposer des pièces jaunes à la sauvette, à l’appel de Laurie ou de David Douillet, lavent plus blanc que blanc une conscience grise. Adhérer à un parti politique par internet, à un syndicat par habitude, à une association par calcul, appartient désormais au réflexe social à la mode. Pourtant, seule la continuité donne sa valeur aux prises de position. Ainsi, s’engager 365 jours et nuits par an à être disponible, pour aller forcément à la rencontre du malheur, de la détresse, de l’insolite, ne correspond plus tellement à la philosophie dominante. Or, il n’y a probablement pas d’acte citoyen plus fort que celui de se former, se dévouer chez les sapeurs-pompiers, chez les sauveteurs en mer ou en montagne, sans en faire son métier.

IMMENSE BESOIN DE SOLIDARITE
Comme vice-président du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS 33) après en avoir été administrateur, je consacre, depuis maintenant 10 ans, au moins une demi-journée par semaine au suivi de ce qui est une collectivité territoriale autonome, forte en Gironde de plus de 4500 personnes dont 1500 professionnels. En passant du terrain communal connu, à celui départemental beaucoup plus anonyme, j’ai pris conscience de l’immense besoin de solidarité indispensable à la société actuelle. Sur la route, à leur domicile, dans les forêts, sur les plages, sur les chantiers… les gens de tous les âges se trouvent tôt ou tard en difficulté, de manière totalement imprévisible. Et alors, le premier réflexe c’est d’en appeler à la solidarité des autres, avec une exigence particulière : la rapidité ! Les citoyens ne tolèrent plus qu’un service gratuit (car c’est probablement là qu’est le problème), dont ils ne perçoivent ni les contraintes humaines ni le coût financier, ne réponde pas  immédiatement à leur attente. En Allemagne, il y a 1676 personnes affectées à la sécurité civile (dont 1575 volontaires et 29 professionnels) pour 100 000 habitants, alors qu’en France on n’en est encore qu'à 382 personnes pour 100 000 habitants, dont 65 professionnels et 317 volontaires ! Une sacrée différence, quand on prend conscience de la réalité des missions, qui sont identiques dans les deux pays hors feux de forêts.
En effet lorsque l'on parle de sapeurs-pompiers, la première idée qui vient à l'esprit est celle de " soldats du feu " alors que cette réalité n’existe quasiment pas sur certains territoires. On oublie que l'incendie ne représente qu'une de leurs missions, et cette activité est d'ailleurs en régression, en raison de l'amélioration des normes de construction, des règlements de sécurité et de la sensibilisation des populations, pour ne plus représenter qu'environ 10% des interventions, mais c’est suffisant pour que des centaines d’entre eux paient de leur vie ces sorties dangereuses. Mais tout le reste, moins spectaculaire, moins télégénique, moins perceptible, prend une ampleur considérable et surtout exige une " technicité " toujours plus forte.
PART PREPONDERANTE DU CONSEIL GENERAL
Le financement du SDIS est actuellement partagé par les collectivité locales, avec une part prépondérante pour le Conseil général. Ce refus de voir créé, en France, un vrai système national de sécurité civile a introduit une forte différence entre les moyens alloués à ce secteur car, bien évidemment, la " richesse " fiscale d’un département va jouer dans les crédits dégagés. En 2003, la participation financière des conseils généraux au SDIS représentait en moyenne 46,36 % des contributions, (+ 16,94 % par rapport à 2002) et variait de… 99,90 % à 12,27 % du budget global selon les départements. En 2004, la participation financière des départements représente 48,53 % du total des contributions, soit une progression de 11,52 %. Où est l’égalité républicaine ?
Pour 2005, l'estimation, fondée sur les budgets primitifs, est encore de 6,2 %. Là encore, on constate un triplement des contributions depuis la départementalisation… Et ce n’est pas fini puisque les Députés, dans leur grande sagesse, ont décidé qu’en 2008 seuls les Conseils généraux financeront les SDIS, ce qui va 
entraîner une nouvelle envolée spectaculaire de la fiscalité départementale. A moins que l’on se décide à pratiquer enfin la transparence absolue, en instituant sur la feuille d’imposition une colonne SDIS qui correspondrait aux efforts accomplis pour répondre aux besoins de sécurité. Le faux sentiment que nous pourrions atteindre le risque zéro fausse la donne, car cette revendication génère forcément des dépenses impressionnantes.
SERVICE CIVIL OBLIGATOIRE
Le Centre de secours de Créon mériterait d’être beaucoup plus connu des élus locaux et des habitants du secteur qu’il dessert. En 2007-2008, plusieurs millions d’€ vont être engagés, à ma demande, pour  doubler sa surface et le moderniser, car il ne correspond plus du tout aux besoins. Mais ces efforts seront vains si le renouvellement des générations de volontaires n’est pas assuré.
Le service civil obligatoire aurait permis de trouver déjà une ouverture possible. En prenant en compte effectivement les jours passés par des citoyens dans ce service civil pour le calcul des  annuités de leurs pensions, en majorant leurs futures retraites s’il a été démontré qu'ils ont consacré du temps de 
leurs loisirs au service des autres,
en valorisant l’acte civique d’un engagement de longue durée, en " forçant " les jeunes à prendre conscience des conséquences de certains comportements par des stages dans les services de secours, on donnerait forcément une autre idée de la situation.
Les 3 malheureux qui ont laissé leur vie pour éteindre un incendie (dont on a oublié les causes : Accidentelles ? Criminelles ?) seront vite oubliés par la conscience collective. Ils rejoindront les six pompiers, dont cinq venant du Chili, qui avaient péri en luttant contre un feu de forêt dans le centre du Portugal, il y a seulement quelques semaines. Chaque fois que vous croisez ou entendez une intervention des sapeurs pompiers, pensez simplement que, sans eux, notre société d’indifférence serait bien démunie pour faire face au malheur qui… n’arrive qu’aux autres. C'est bien connu!
Mais je déblogue... 
Partager cet article
Repost0

commentaires

R
Je profite de votre article pour réagir sur deux points :<br /> - Je ne suis pas Sarkosiste mais je trouve normal qu'il aille aux funerailles des pompiers. Chaque geste ne doit par forcement être interprété comme de la démagogie.<br /> - je suis scandalisé par une pratique malheureusement frequente dans certaines cités : mettre le feu à des poubelles et attendre les pompiers pour les attaquer lachement avec des boules de petanques... J'ai vecu quelques années dans une banlieu chaude du 93, ce n'est pas facile tous les jours, mais pour ce cas, aucune excuse pour ces quelques abrutis minoritaires qui pourrissent la vie à tout le monde, en commencant par celle de l'extreme majorite des habitants de banlieu.
Répondre
J
Et si on faisait le choix de réprimer les comportements criminels des incendiaires et les comportements coupables des usagers de nos forêts? Ne trouve-t-on pas, ici ou là, dans nos forêts, des emplacements de "feu de camp" alors que nul ne peut décemment ignorer qu'il est INTERDIT de faire du feu dans une forêt? Ne trouve-t-on pas, dans ces mêmes massifs, des habitations qui ne sont pas DEBROUSSAILLEES (à la rigueur intra-muros, et encore! mais jamais aux alentours ("c'est pas chez moi, c'est pas à moi de le faire!") alors que la LOI REPUBLICAINE  actuellement en vigueur prévoit les sanctions contre ces comportements fautifs?Je suis de plus en plus convaincu que ce pays doit être tenu d'une main HUMAINE et par conséquent FERME! Notez que je ne dis pas "HUMAINE MAIS FERME" (comme si il y avait une contradiction entre ces deux termes).
Répondre