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12 octobre 2006 4 12 /10 /octobre /2006 07:31
Durant toute la journée, une quinzaine d’étudiants issus de l’université de Poitiers où ils préparent un masters "d’aménagement spatial et de prospective des territoires" sont venus ausculter Créon sur quatre sujets : " le développement économique ", " l’urbanisme ", " la culture ", " la démocratie participative "… Ils ont enquêté, visité, questionné pour, dans la soirée, me mettre sur le gril. J’aime bien cet exercice, qui oblige à se poser des questions sur ses propres options politiques, sur son sens de la gestion locale, sur ses réalisations mais aussi sur ses insuffisances. L’œil critique extérieur a toujours une vertu que n’apporte pas toujours celui qui vous suit au quotidien. Mardi j’avais effectué le même exercice, face à un groupe de l’IUT animation de Bordeaux.
Ces étudiants ont une semaine à passer en commun sur le terrain, en ouverture directe de leur année universitaire. Ils vivent d’abord ensemble, et ensuite ils doivent rapidement se connaître afin de faire face à un objectif précis. Cette méthode qui consiste à vite plonger les étudiants dans la réalité donne des effets étonnants. En effet, ils ont été capables, dans une seule journée, d’effectuer un diagnostic d’une bonne qualité, avec beaucoup de contacts diversifiés au marché, dans les magasins au bistrot et auprès des services de la Mairie. Leur vision de Créon évidemment n’a pas été aussi poussée que celle des cabinets spécialisés utilisant les incontournables statistiques de l’INSEE. Elle était évidemment subjective, mais, dans le fond, quand on sait que les nombres officiels ont pas mal de retard, elle n’était pas inintéressante.
Souvent, dans l’exercice d'un pouvoir, le sentiment de solitude ne vient pas obligatoirement de la notion de prise de responsabilité. Le Maire, moins en France que dans bien d’autres pays, se retrouve en effet doté de pouvoirs exécutifs assez angoissants. En s’entourant d’une équipe, il ne peut qu’atténuer ce sentiment que chacun de ses actes officiels implique une prise de risques. C’est la raison pour laquelle j’apprécie les débats, les propositions, les critiques, car ils ouvrent nécessairement la porte qui permet de douter de son propre jugement. Cette méthode oblige donc à rechercher des arguments, à bâtir une stratégie, à chercher au plus profond de soi les raisons qui ont motivé son comportement et ses projets. On en ressort beaucoup plus solide que l’on y est entré.
Bizarre que ce besoin de se confronter à l’appréciation des autres pour vaincre son angoisse du mal faire. Le problème, c’est qu’il faut parfois des médiateurs pour véhiculer ce que les gens n’osent pas formuler en face. Et quand ils sont totalement étrangers aux préoccupations locales, ils n’en sont que plus crédibles.
La visite poitevine avait pourtant un caractère un peu surréaliste, puisque ces jeunes déjà très brillants étaient venus expressément pour " scruter " Créon. Il existe bien d’autres communes en France plus digne d’intérêt, mais leurs professeurs souhaitaient absolument que ce soit ici qu’ils analysent " la démocratie participative "… Provocation pour des Poitevins ? Souci de se mettre à l’abri de reproches éventuels ? Volonté de dépaysement de leurs élèves ? En tous cas, ils conserveront pour base de leur travail ultérieur " mon " analyse de ce que l’on présente comme la nouvelle gouvernance, initiée dans leur propre région. Je l’avoue : j’ai vécu un moment privilégié, car j’ai pu enfin avoir une vrai débat politique sur ma conception de la participation des citoyens à la gestion locale. C’est tellement rare, que j’ai même un peu fait durer le plaisir.

SYSTEME DIVERSIFIE D’INFORMATION
Depuis au moins deux décennies, j’ai en effet beaucoup réfléchi et agi pour mettre en œuvre cette fameuse "démocratie participative" qui est beaucoup plus ardue à concrétiser qu’à proclamer. En fait, j’en suis arrivé à penser que ce ne peut être qu’une fusée à quatre étages, dont le mécanisme peut s’enrayer à tout moment, ce qui rend l’édifice très fragile.
Le premier consiste dans la mise en place d’un véritable système diversifié de communication de proximité, partant du principe simple que l’on ne peut et que l’on ne doit pas s’impliquer dans un sujet quand on n'en possède pas les paramètres. Le niveau local est certainement celui où il est le plus difficile de décliner l’information, qui est étouffée par les grands médias (télévision notamment), qui ne colportent que des analyses sommaires, simplificatrices à outrance, basées parfois sur des apparences. Il faut donc redoubler d’efforts, avec peu d’espoir d’être perçu, dans ce tintamarre médiatique constant.
Depuis le 1er mai 1983, j’ai donc lancé le concept du "Créon Hebdo". Tiré en 1 500 exemplaires chaque semaine, il est intégralement écrit, chaque semaine, par mes soins, et s’efforce de coller au plus près à l’actualité locale pour que les citoyennes et les citoyens qui le veulent connaissent l’essentiel de la vie de leur commune. J’ai donc rédigé à ce jour un volume de plus de… 2 800 pages portant bientôt un quart de siècle d’action collective. Je le distribue moi-même, chaque vendredi soir et chaque samedi matin, dans les principaux commerces du centre ville car c’est une vraie occasion de partager la réalité économique des uns et des autres. Depuis cinq ans, il est mis en ligne sur le site de la mairie et donc accessible aux internautes qui le souhaitent. S’y ajoutent des publications sur des thèmes précis (l’eau, les déchets, l’animation culturelle, la vie associative) ou des événements ponctuels (Infos quartiers) qui permettent de s’adresser à des publics motivés pour les lire.
Au même étage, on trouve une ou deux " rencontres citoyennes " par trimestre, pour lesquelles tous les habitants reçoivent une invitation. Elles concernent, elles aussi, un sujet d’actualité locale précis. J'assure aussi une présence constante à la quasi totalité des assemblées générales des 82 associations locales. Sans ce socle de formation et d’information, il n’est pas envisageable de passer aux autres étages. Or, souvent, il est remplacé par un bulletin annuel de bilan, mais rarement de prospective.

CONCERTATION
Le second concerne la phase de concertation. Elle ne passe surtout pas par de pseudos commissions, réservées à des élus seuls, ou à des représentants classés par collèges jugés représentatifs d’entités plus ou moins démocratiques. Dans le cadre du code général des collectivités territoriales, on trouve en effet la possibilité de créer des Comités consultatifs locaux pouvant étudier un sujet de la vie collective. J’ai découvert, au fil des ans, que cette structure, largement ouverte à toutes et tous les volontaires, mais aussi aux personnes ressources désignées par mes soins, donnait une impulsion notable aux projets. Ces comités, dont la vie est ajustée sur le projet envisagé, a toute liberté de travailler et de réfléchir.
Certes, il serait malhonnête de prétendre qu’il peut se passer du soutien des élus pour apporter le grain à moudre, mais il n’y a aucune contrainte institutionnelle sur son fonctionnement. En général, il arrive à mener à bien son travail en quatre ou cinq réunions, et effectuer des propositions au conseil municipal. En 2006 fonctionnent des CCL sur " l’éducation et la jeunesse ", " la culture ", " le stationnement ", " le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du Plan local d’urbanisme ", " l’eau et l’assainissement "…impliquant une bonne centaine de personnes de tous les horizons sociaux, politiques ou philosophiques. Toutes les décisions y sont prises à l’unanimité. Ils se transforment parfois en associations de gestion quand les faits le nécessitent.

DECISION ET GESTION
Le troisième étage, trop souvent oublié, appartient aux élus que parfois on présente comme étrangers au dispositif. Il leur est demandé d’assumer les décisions et de vérifier que le projet ou le programme correspond à ses objectifs, et d’envisager les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Le principe créonnais repose alors sur la contractualisation. Il y a obligatoirement signature d’une convention entre les bénéficiaires de la mesure adoptée et la Mairie. Elle reprend les objectifs, elle définit la contribution financière ou matérielle municipale, de telle manière que la gestion soit sécurisée. Ce texte est un véritable contrat qui va permettre une délégation de gestion.
On en arrive enfin au dernier étage de la fusée " démocratie participative " qui consiste à mettre sur orbite une association autonome qui va permettre aux citoyennes et citoyens volontaires de s’impliquer réellement dans la vie locale, non pas comme consommateurs, mais comme acteurs. Plus de 300 personnes assument une responsabilité directe de gestion publique d’une activité collective. Ils ont un budget (associations communautaires comprises) au moins égal à celui de la commune, et emploient officiellement plus de cent salariés sous statut et convention privés, soit plus de deux fois le nombre d’employés communaux. Si l’on cumule le nombre des administrateurs gestionnaires, ils sont plus de 750 différents, venant de Créon et hors Créon. Des réalités à comparer avec les 22 élus qui ont été chargés d’administrer la commune !
C’est cette conception de la vie publique qui a étonné les étudiants poitevins, car ils étaient persuadés que la toute puissance d’un Maire venait de son pouvoir régalien, alors qu’à Créon il ne repose en fait que sur la capacité de le restituer aux électrices et aux électeurs qui lui ont confié. Une drôle d’obsession, que je n’ai jamais l’occasion de formaliser devant des gens intéressés. Pour moi pourtant, c’est de la politique locale. De la vraie.
Mais je déblogue… 
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commentaires

J
La démocratie participative se différentie de la démocratie representative. Cette dernière consiste à dire aux électeurs : élisez-nous! Ensuite, nous vous rendrons compte de se que nous avons fait et vous pourrez alors nous sanctionner en ne nous réélisant pas.L'autre, la "participative" est beaucoup plus difficile à mettre en pratique. Elle consite à faire participer les "administrés" (ne pas confondre avec les "militants"!). Ces administrés sont placés devant les réalités concrètes et doivent proposer quelque chose de cohérent dans les limites financières qui leur sont imparties.
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V
Bien sur qu'on la mesure notre chance... On est conscient de la chance d'avoir un maire à l'écoute et actif sur la commune.<br /> Seulement, un petit bémol sur la notion de démocratie participative que l'on met à toutes les sauces. Cette méthode de gestion est née dans les quartiers pauvres de Porto Alegre au Bresil et a permis aux habitants de ces quartiers de gérer eux-memes les priorites d'action à mettre en place. Chaque quartier décidait, avec un budget direct aloué par la ville, des actions (concernant surtout les infrastructures) à développer. Des représentants élus par ces comités locaux avaient à rendre compte auprès des habitants des actions en cours. Cette prise en charge par les habitants eux-memes des actions à mener directement sur le terrain permet: - de développer des actions qui concernent le plus de peronnes possible et donc de répondre aux demandes des habitants - d'impliquer les citoyens dans la vie de leur cité - de permettre aux élus locaux de répondre aux attentes des habitants en leur donnant les moyens d'actions.<br /> Transposée à notre société, la démocratie participative "à la JMD", n'est autre qu'une reconnaisssance des acteurs locaux et une réelle volonté d'implication des habitants dans la vie de leur commune. Bref, une vision de la démocratie que devrait avoir tout élu local... au moins ici, on a la chance que ce soit le cas...
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R
Créonnais, vous ne mesurer pas votre chance. J ' ai ecrit 2 mails à mon député-maire mais je n ' ai jamais eu de réponse...
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