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4 octobre 2006 3 04 /10 /octobre /2006 07:38
" La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes " affirmait Sir Winston Churchill. Ce qui permet à toutes les générations d'espérer l’améliorer. Du moins, chaque homme politique un tant soit peu imaginatif, recherche une solution pour lui tordre le cou ou pour lui donner une vie nouvelle. C’est ainsi que l’on vient d’inventer la démocratie participative après avoir vanté la démocratie conviviale, la démocratie parlementaire ou la démocratie institutionnelle… Le mot a une symbolique particulière, car des femmes et des hommes ont donné leur vie pour qu’elle puisse exister ou être rétablie, mais il perd lentement toute sa substantifique moelle. Le problème c’est qu’on l’affuble, en effet, de divers oripeaux, afin de lui donner un look acceptable. Et le résultat n’est jamais à la hauteur de l’espoir de ceux qui l’ont recherché.
Certes Churchill avait raison : il n’y aura jamais de démocratie parfaite, mais une approche plus ou moins acceptable du gouvernement du peuple par le peuple. Le principe numéro un du système que nos civilisations tentent d’imposer au reste du monde repose encore sur un principe simple : après un débat réel on tranche un sujet d’intérêt général grâce au vote majoritaire. L’idéal étant que le maximum de citoyennes et de citoyens participent à cette vie collective. S’il n’y a pas de débat il n’y a pas de véritable démocratie, car il n’y a pas d’appropriation possible des enjeux sociaux nécessitant une décision, et s'il n'y a pas de vote, il n'y a pas de pouvoir citoyen.
Mon grand-père, le maçon anarcho-socialiste, me contait les empoignades orales et physiques des campganes électorales sous les préaux d’école à la fin des années 20. Il faisait toutes les réunions pour aller apporter la contradiction à ces notables qui étaient censés être les représentants de la majorité silencieuse. Courageusement , dignement, énergiquement, il allait se battre pour ses idées, avec l’espoir de convaincre les autres sans intermédiaire, ou pour être dans l’air du temps sans médium.
Cette démocratie réellement participative, car reposant sur la confrontation des idées et non des personnes, a  lentement disparu. Elle a été remplacée par une autre forme de non-dialogue, puisque passive, car mettant le citoyen en position de spectateur de confrontations entre personnalités réputées détenir la vérité. C’est probablement par opposition à cette méthode, instaurée par l’apparition de la télévision, que l’on veut relancer la participation directe du maximum de citoyennes et de citoyens à la vie publique. Il faudra véritablement déboulonner les idoles, détentrices supposées du savoir, pour ouvrir les allées du pouvoir au plus grand nombre. Un chantier gigantesque dont on ne verra jamais l’issue, car le retard pris s'accumule. Et l'américanisation menace!
En fait, cette forme de démocratie paraît déjà mort-née, étouffée par celles et ceux qui prétendent lui donner un avenir. Ils étranglent cette idée en bas âge, en refusant d’abord le débat, puis en substituant, au principe même du vote, celui beaucoup plus confortable du sondage. Il n’y a pas en effet plus grand ennemi de la véritable démocratie que le sondage, quel qu’en soit le résultat et le but.

ON OCCULTE LES PRATIQUES DEMOCRATIQUES
En effet, grâce à cet outil, peu fiable car dépendant de multiples paramètres plus ou moins truqués, on occulte inexorablement les pratiques démocratiques. Tenez, je me demande pourquoi les partis politiques organisent des scrutins pour désigner leur candidat. C’est une absurdité notoire, puisque les responsables partent du postulat que l’essentiel, ce ne sont pas les bilans, les idées, les programmes des prétendants, mais la... victoire promise par les sondages. " Soyez réalistes explique-t-on dans les cercles d’initiés. Voulez-vous gagner ou souhaitez-vous perdre ? Pour le reste on verra après. L'essentiel, c'est l'annonce de la conquête du pouvoir ". CQFD ! Suivez les sondages et circulez, il n’y a rien d'autre à voir. Vos principes ? C’est dépassé ! Vos convictions ? C’est obsolète ! Les débats ? C’est inutile ! La notorité? C'est essentiel. L'image? C'est fondamental! Le sentiment? C'est incontournable! On est collectivement en passe de substituer à la fameuse démocratie participative, la " démocratie sondagière " consistant à imposer aux citoyens la loi de l’opinion supposée dominante pour éviter qu’ils ne commettent l’erreur d’examiner les arguments des uns et des autres.
La situation devient intenable pour celles et ceux qui refusent un diktat hypothétique. Au nom du réalisme, s’ils mettent en doute le choix unique imposé, ils sont, au nom de l’efficacité politique, cloués au pilori comme artisans de la défaite. Ils ne seront pas encore tondus pour collaboration suspecte avec l’ennemi. Mais ils se retrouveront vite traduits devant le tribunal populaire, pour avoir refusé la " victoire " promise par les sondages au nom d’on ne sait quel retard mental, imputable à leur grand âge idéologique catastrophique.
Prenons, par exemple, la vogue actuelle de mesure de l’incontournable cote de popularité des divers présidentiables. Comme Sarkozy demeure à ce jour le seul de son camp à avoir fait quasiment acte de candidature officielle, il paraît donc impossible qu’il n’apparaisse pas en tête des éligibles potentiels. C’est un peu comme si, pour un référendum, on demandait à des gens une option entre le oui… et le oui ! On serait certain d’obtenir un résultat conforme à l'attente. Il paraît donc inimaginable que Sarkozy n’apparaisse pas, pour les adhérents de l’UMP, comme le meilleur d’entre eux…puisque tous les sondages le placent dans ce rôle! 
Dans l’autre camp, c’est plus subtil (normal !) mais guère différent sur la finalité. Par exemple, avez-vous noté combien de fois on a donné, dans les journaux, le résultat d’évaluations de la popularité de l’un(e) ou de l’autre, chez les " sympathisants " socialistes" représentatifs ? Notez bien la nuance : aucun sondage médiatisé n’a été effectué chez les adhérents qui vont voter le 16 novembre, mais parmi celles et ceux qui… ne voteront pas ce soir là, et qui ont la redoutable particularité d’appartenir à un double échantillon, puisqu’il leur faut coller parfaitement à la sociologie de la France, et spontanément avoir des sympathies pour le PS… C'est bien plus fort que la ménagère de plus de 50 ans qui fait ses courses deux fois par semaine avec son enfant, dans un centre commercial à moins de 15 kilomètres de chez elle ! Le tri, dans la rue ou au téléphone ne doit pas être facile. Déjà, un sondage sérieux chez les militants relèverait de l’exploit scientifique, tant l’échantillonnage serait délicat, mais alors…chez les sympathisants, je vous assure que l'opération mériterait d’être brevetée avec garantie du gouvernement !

UNE MOTIVATION A TOUTE EPREUVE
Je me demande bien, après ces opérations multiples et récurrentes, pourquoi des gens adhérent encore à des partis politiques. Ils méritent le respect, car il ont une motivation à toute épreuve, sauf s’ils sont venus avec l’espoir secret de participer à la victoire… des favoris des sondages, et surtout pas pour une vision de la société à promouvoir ou à défendre.
On pourrait, à ces braves gens, leur éviter du temps perdu en discussions et en déplacements, en les faisant voter depuis leur canapé, chez eux, après les prochains débats télévisés, avec leur instrument favori d’exercice du pourvoir, le portable et ses fameux SMS. " Appelez PS 2007…Si un tel vous a plu tapez 1 ! Si une telle vous a séduit, tapez 2 ! pour soutenir le troisième tapez 3 ! Attention 0,40 € l’appel, hors conditions spéciales faites par votre opérateur sponsor ". On dépouillerait en quelques minutes, et on aurait inventé l’adhésion la moins chère du monde à 0,40 €…pour devenir militant. Imaginez le succès ! Non seulement ça ne coûterait pas le prix habituel d’un sondage, mais ça rapporterait à la chaîne de télé et au PS ! Je suis malheureusement certain que nous n’en sommes pas loin et que dans quelques années on y arrivera au nom de la… démocratie participative. On vous enverra un catalogue avec des photos, et vous choisirez celui qui vous convient, sans bouger et sans surtout confronter votre choix à celui des autres.
La première étape est en cours, avec les votes sur des sites Internet dont les urnes virtuelles sont plus aisées à bourrer que celles en verre ! Les sondages deviennent le virus mortel de la politique. A force de les magnifier les politiques se suicident. En effet, un jour, ils se retrouveront, faute d’avoir mis en avant leurs idées mais leur image, face à des vedettes réelles qui les écraseront. On le voit bien avec l’intrusion désastreuse pour les écologistes de Nicolas Hulot dans le paysage des présidentielles. Sans dire un seul mot, il marginalise Dominique Voynet et pulvérise quasiment tous les autres candidats.
D’ailleurs, je crois que je vais finir par soutenir, au nom de la vérité des sondages, l’abbé Pierre pour la Gauche alternative, David Douillet pour l’UMP, Guy Bedos pour le PS, Zinedine Zidane pour l'UDF (c'est un milieu de terrain), et que je voterai pour le facteur Besancenot sur son velo jaune sympa... Il parait que c'est ainsi que Schwarzenegger a conquis la Californie, et que Reagan est devenu Président des Etats Unis. A la place de Sarkozy je me méfierais des... visiteurs : Clavier est bien placé dans les sondages,et sait-on jamais, il pourrait avoir des idées!
Mais je déblogue...
 
JE VOUS AVAIS PREVENU MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
(Relire la chronique "Taisez-vous Elkabach")
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3 octobre 2006 2 03 /10 /octobre /2006 07:46
Dans les expressions françaises, il y en quelques-unes qui ont plus ou moins bonne réputation. Elles traînent même des connotations sulfureuses ou au moins ambiguës. Il en va ainsi de celle ci : " faire des affaires ! " Quand dans une conversation vous indiquez à votre interlocuteur que " vous faites des affaires " le caractère vague de cette indication n’est pas fait pour le rassurer. Il soupçonnera inévitablement un coté trouble à votre activité. D’ailleurs, dès que le mot " affaire "apparaît, il complique singulièrement l’approche que l’on peut avoir d’une situation. Le profit se montre  inexorablement derrière ce mot, et pas nécessairement le " profit " économique, mais celui "moral" tout aussi important. Si on affirme de quelqu’un qu’il a le " sens des affaires " ceci laisse également présumer chez lui une forte capacité à exploiter toutes les opportunités qui se présentent.
En fait, comme pour beaucoup d’autres domaines, la politique s’est emparée du concept et, désormais, il existe dans certains ministères, ou auprès des femmes ou hommes importants, des " monteurs d’affaires ". Ils ont en charge ce que certains appellent les coups tordus destinés à discréditer les adversaires potentiels. La plupart d’entre eux viennent du milieu médiatique, ou plus rarement, des services secrets. Leur technique est absolument identique : effectuer des enquêtes (bien évidemment les fiches des RG sont utiles en pareille circonstance), accumuler des preuves, attendre le bon moment, faire filtrer l’info dans un journal bien choisi, laisser arriver le démenti, et en remettre une couche pour achever l’ouvrage… En général il vaut mieux opter pour un journal national paraissant en fin de semaine afin que la " nouvelle " soit ressassée par les JT du week-end : le taux de pénétration augmente durant ces deux jours, et surtout les actifs sont présents devant leur poste. "L'affaire" est plus rentable!

LE POISON DU DISCREDIT
Aucune femme, aucun homme voulant un pouvoir ne peut se passer de cette cellule de renseignements qui peut distiller le poison du discrédit de manière plus ou moins efficace. L’existence de liens avec un journaliste dit " d’investigation " parait rapidement indispensable, car il suffira d’orienter son parcours vers les bonnes sources, sans pour autant lui " dicter " les faits à relever. Ensuite, ce n'est qu'une question de flair et d'écoute. 
Cette véritable manipulation médiatique reste un art très prisé. Elle existe depuis belle lurette, mais elle n’a jamais eu autant d’ampleur qu’au cours des 30 dernières années. Désormais, on ne se contente pas d'exploiter les " affaires ", on les monte de toutes pièces, on les ressuscite, on les amplifie, on les fait disparaître au gré des événements.
Au cours de mes années de journalisme, j’ai au moins eu trois dossiers brûlants à traiter. J’ai publié deux papiers qui firent sensation en 81 et 82 dans l'hebdomadaire "Bordeaux Actualités", avec des preuves irréfutables fournies par des gens lassés des agissements de personnalités au-dessus de tout soupçon. La troisième n’est jamais sortie, car on m’avait privé des éléments dont j’avais besoin pour étayer mes affirmations. Les articles sur Urba et la banqueroute des Girondins, passèrent quasiment inaperçus, pour ressortir des mois plus tard et devenir des " affaires nationales ". Il ne faut pas avoir raison trop tôt. Le moment des révélations est au moins aussi important que les révélations elles mêmes.
CETTE PRATIQUE N’A PAS PRIS UNE RIDE
Ce week-end, les affirmations sur l’identité du poseur de bombes du Rainbow Warrior a démontré que cette pratique n’a pas pris une ride. Elle vient, dans une année fertile en révélations savamment dosées et entretenues. L’histoire " courant clair " mériterait une étude approfondie, car elle témoigne d’un système sophistiqué de divulgations programmées, dont on ne peut pas lucidement croire qu’elles ne sont que le fruit d’un travail d’enquête des journalistes. Il faut obligatoirement d'abord un informateur, plus ou moins spontané, pour  ensuite pouvoir lâcher ses éléments de preuve à la personne idoine par … estime, par amitié, mais surtout par intérêt. Il est extrêmement rare qu’une "affaire" vienne à la surface spontanément. En règle générale, en cherchant à qui elle profite,  on identifie aisément l’auteur de la fuite. Habilement, certains jouent au billard à 3 ou 4 bandes pour se protéger, et utilisent des réseaux " hostiles " mais... " alliés " pour arriver à mettre leur adversaire en difficulté. Plus les circuits se compliquent, et plus ils protègeront la source. Ensuite, il est fondamental de bien choisir le support de diffsuion de l'affaire.
Si l’on veut, par exemple, lancer une polémique durable, le choix du " Canard enchaîné " s’avère idéal. Ses journalistes savent à merveille ne jamais trop révéler d'un seul coup,  afin de faire mijoter le client durant des semaines. Et on est certain qu’ils auront soigneusement étudié le dossier pour se prémunir de toute attaque frontale. En général, ils ne s’occupent que " d’affaires " de haut niveau, avec une redoutable efficacité. Le Canard constitue le seul véritable espace de liberté encore fiable.
Pour s’assurer d’une prise en compte de poids d’une affaire potentielle, il vaut mieux passer par " Le Monde ". Mais, attention, ce support de communication est réservé à une élite. Il n’a donc pas un impact électoral très fort car souvent il s’agit de sujets extrêmement compliqués et les autres journaux n’aiment guère reprendre une info venant d’un concurrent. Néanmoins, Le Monde donne un label de solidité, de professionnalisme aux révélations publiées.
Il reste l’assimilation entre " affaires " et " faits divers ". Elle frappe le grand public, car elle condamne par avance les auteurs de la faute, qui sont vite comparés à des délinquants ordinaires. Elle s’opère souvent via " le Parisien Aujourd’hui en France " qui s'est fait une spécialité du scoop destructeur. Ce n’est donc pas un hasard si la relance de l’affaire du Rainbow Warior est passée par ce quotidien… alors qu’elle traînait dans les blogs, qu’elle a été publiée par Le Point il y a plusieurs mois, et que rien n’avait véritablement bougé.
les hebdos (notamment Le Point) ne sont pas mal non plus comme outils. Ils possèdent des accointances avec les réseaux policiers et judiciaires assez construits pour garantir une médiatisation efficace d'une "affaire". L'avantage considérable d'un hebdo, c'est que ses informations ne meurent pas rapidement et son inconvénient c'est qu'il n'est pas toujours très lu dans les couches populaires. C'est un relais de confirmation, pas un relais de révélation.

UN TERRIBLE EFFET DESTRUCTEUR
Le " faiseur d’affaires " va donc travailler avec finesse sur ce panel de vulgarisateurs pour obtenir, sur la durée, un terrible effet destructeur. Clearstream fut une conjonction extrêmement habile de plusieurs fuites répandues sur tous les médias. L’impact a été extrêmement fort car elle a déferlé dans tous les publics : le " spécialisé " du Canard, le " valorisant " du Monde, le " généraliste " du Parisien, le "bien pensant " du Point ou du "Nouvel Obs"… En fait, ce fut " l’affaire " idéale, car mêlant politique, droit commun, argent, pouvoir, avec des comportements étonnants de la part de personnalités réputées soumises au secret.
Personne ne peut échapper à ce syndrome de " l’affaire ". Les accoucheurs travaillent en permanence sur tous les dossiers, fouillant le passé des uns, cherchant quel sera leur avenir, montant des opérations confidentielles, posant des bombes à retardement, enclenchant des processus délicats à manier. Pompidou avait eu l’affaire Markovitch. Chaban sa feuille d'impôts. Giscard a pris les diamants et les avions renifleurs sur la tête. Mitterrand n’a pas échappé au retour du faux attentat de l’Observatoire, et a été secoué par de multiples dégâts collatéraux liés à son entourage. Chirac s’est englué dans ses errances financières à la Mairie de Paris et une multitude de coups tordus, tant et si bien qu'il est devenu une mine pour les "affairistes". Maintenant, les présidentiables du PS vont découvrir que l’on est toujours rattrapé par son passé ou son présent.
Pour l’instant, il n’y a que le " maître des fiches " ayant ses meilleurs copains dans la presse, qui puisse dormir tranquille. Il contrôle absolument toute la filière et, sauf énorme surprise venant du Canard enchaîné, il sera protégé. Toutes les tentatives se sont avérées vaines et bizarrement se retournent contre ceux qui osent fouiller dans la proximité du " sinistre de la Place Bauveau ". Ils sont karchérisés !
Mais Sarkozy a tort, cependant, de croire que les électrices et les électeurs ne flairent pas " les affaires tordues " les "coups trop bien montés", les "aubaines trop visibles".Tous ne croient plus à l’opération du Saint Esprit dans la naissance de certaines attaques peu fines, et à ces anges Gabriel médiatiques qui ne font naître que le doute. Mais attention tout de même, le plus modeste homme public n'est pas à l'abri. Il n'y a jamais de petits profits, et même si les fiches ne sont plus cartonnées elles sont bien tenues à jour.
Mais je déblogue…
 
JE VOUS AVAIS PREVENUS MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
(voir la chronique "Un Fabius génétiquement modifié")
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2 octobre 2006 1 02 /10 /octobre /2006 07:39

C’est fait Laurent Fabius vient d’officialiser sa candidature comme " présidentiable " du Parti socialiste. Il n’y a aucune surprise, sauf pour quelques personnes généralement bien informées, qui avaient annoncé autour d’une table que Fabius n’irait pas au bout de sa démarche, et qu’il laisserait la voie libre à Lionel Jospin… La semaine écoulée aura totalement démenti ces affirmations, mais le doute a bel et bien était semé dans des esprits fragilisés dans leur engagement. Il ne reste plus demain à Jack Lang qu’à ne pas renoncer au dernier moment comme il a l’habitude de le faire. Il a imploré qu’on lui donne quelques signatures du conseil national afin qu’il puisse au moins avoir le choix entre une présence symbolique et un retrait négociable.

Il faut donc attendre ! Il y aura néanmoins 3 ou 4 bulletins de vote sur la table des sections socialistes le 16 novembre, et l’enjeu résidera immédiatement sur la tenue ou non d’un second tour. C’est devenu l’objectif essentiel de son fan club : éviter à tout prix un duel qui mettrait en évidence la fracture entre le résultat des sondages et celui, incontestable, obtenu auprès des militants. Tout l’appareil national va s’évertuer désormais à éviter cette fracture, afin de préserver son propre rôle après les échéances électorales, car un mauvais score d’un camp ou un bon de l’autre augureraient d’un congrès dangereux à bien des égards.

Laurent Fabius, et je l’ai déjà écrit à de nombreuses reprises, n’a pas appartenu durant 25 ans au monde de mes favoris politiques. Je ne l’ai pas rejoint par ambition ou par calcul (j’en ai maintes preuves) mais par pure conviction, née dans une rencontre bien antérieure au référendum sur le traité constitutionnel européen. Grâce à… Gilles Savary qui m’avait fait inviter, je me suis, en effet, retrouvé avec neuf autres élus locaux, au siège national du PS à Paris, pour deux heures de " plateau repas ". J’avoue avoir été très stressé de m’exprimer devant un président de conseil général (Haute Garonne), des maires de grandes villes (Montpellier, Maubeuge), des députés médiatiques (Bartolone, Weber…), alors que je ne représentais rien du tout, et surtout, je ne pouvais pas imaginer un seul instant les suites de cet entretien.

La majorité des dix présents n’avait effectué à cet époque aucun acte d’allégeance à leur hôte. La démarche m’a interpellé, surtout lorsque j’ai entendu un propos liminaire formulé ainsi : " je vous ai demandé de venir pour que vous me disiez, le plus franchement possible, quelles sont vos préoccupations, quelles sont celles des gens que vous rencontrez tous les jours. Je n’ai que des questions à vous poser. Je ne ferai qu’écouter vos réponses et vos propositions. N’attendez pas de moi la moindre certitude car je n’en ai plus après l’échec que nous venons de connaître. Allez-y…Qui commence ? ".

UN TOUR DE TABLE SANS CONCESSION

Au fil des cases du plateau repas, a été organisé un tour de table, véritablement sans concession, sur le 21 avril : abandon des valeurs de Gauche, éloignement des vraies préoccupations concrètes des Français, manque de proximité entre les " grands élus " et les électeurs, perte des repères électoraux pour les gens de Gauche… J’ai le souvenir d’une intervention particulièrement musclée sur l’insécurité de Rémi Pauvros, Maire de Maubeuge et Vice-président du Conseil Général du Nord, et une autre également sans concession d’Hélène Mandroux, qui deviendra après les élections régionales Maire de Montpellier. Personne n’avait épargné l’organisateur de ce déjeuner débat ! J’ai osé, pour ma part, une contribution sur l’importance du logement et du pouvoir d’achat à partir des constats effectués chaque semaine dans ma permanence libre du mercredi matin.

Laurent Fabius a interrogé les uns, puis les autres. Il n’a jamais ajouté un commentaire. Il s’est contenté de prendre avidement des notes… Vers 15 h (questions d’actualité à l’assemblée obligent) il nous a quittés, après nous avoir indiqué simplement qu’il doutait des orientations politiques qui avaient été les siennes et celles du gouvernement Jospin. " Nous devons reconstruire et renouer des liens forts avec notre électorat de base. Or, c’est par les élus locaux que passera cette reconstruction. J’ai besoin de vous pour y parvenir… " C’était la première fois que je le rencontrais physiquement. Le groupe s’est dispersé et je n’ai jamais revu les élus (en dehors de Claude Bartolone) qui le constituaient. En au moins trois autres occasions, j’ai en revanche pu dialoguer directement avec celui que j’imaginais distant, sûr de lui, peu enclin à l’écoute ou au doute. Lentement, je me suis construit une autre opinion sur lui.

Chaque fois, il a renforcé l’impression première que j’avais eue : il avait, lui aussi, pris une claque monumentale le soir du 21 avril 2002. Mais, à la différence de bien d’autres, il n’a pas fait porter l’échec sur le dos de ces Françaises et Français incapables de voter intelligemment. Il a acquis, peu à peu, l’intime conviction que ce n’étaient pas les femmes et les hommes socialistes que les électrices et les électeurs avaient repoussé, mais le décalage entre leurs actes avec leurs promesses.

SES POSITIONS EN ACCORD AVEC SON NIVEAU DE REFLEXION

Je n’ai donc pas été étonné quand il a pris position pour le non au Traité constitutionnel européen, car il mettait simplement ses positions en accord avec son niveau de réflexion. Il a été vilipendé, chahuté, décrié et n’a tiré aucun bénéfice, en termes de popularité, de cette première prise de position en accord avec son souhait de rassembler la Gauche. Et d’ailleurs, je n’aurais pas eu un avis personnel différent de celui que j’ai pris, même si Fabius avait approuvé le texte. On a d’ailleurs vite décidé de lui faire payer sa position jugée hérétique, bien qu’elle ait été validée par le résultat du référendum.

Tous ces faits cumulés ont renforcé ma confiance dans sa sincérité, car j’ai tellement vu de mentors échanger leurs convictions pour un plat de lentilles spéciales " ambition ", que je ne doute plus de sa sincérité. Il lutte avec constance et sérénité pour démontrer qu’il a évolué à contre-courant, ce qui n’est pas commun, car il a tiré les enseignements du 21 avril et du 19 mai

En effet, alors que tous les autres tendent vers une " social démocratie blairisante ", il prône le rassemblement de ces forces de gauche qui s’épuisent… à lui casser  du sucre sur le dos ! Paradoxe extraordinaire d’un homme d’Etat jugé comme " social traître " par une partie de son camp, et " social opportuniste " par ses partenaires, et qui continue à vouloir défendre malgré tout une ligne unitaire. Son courage politique de restituer aux idées leur valeur m’a séduit, car la facilité aurait été de s’aligner sur l’opinion dominante, calquée sur les sondages.

Pourquoi, s’il n’est pas sincère, défend-il le principe de la carte scolaire alors que l’on sait bien que les classes moyennes y sont opposées ? Pourquoi insiste-t-il sur la laïcité, alors que cette valeur n’atteint pas des sommets de popularité en raison de la montée des communautarismes ? Pourquoi lui, le bourgeois décrié (mais ses concurrents sont-ils des fils d’ouvriers ?) se préoccuperait-il du pouvoir d’achat des travailleurs, alors que les patrons sont supposés être ses protégés ? Pourquoi se mettrait-il a exiger une Europe sociale, environnementale, alors que la tendance est plutôt à fermer les yeux sur les dangers de l’extension de son territoire ? Ses convictions sont simplement les miennes, et j’en oublie sa personne.


LE CHANGEMENT NE PEUT VENIR QUE DE LA GAUCHE

Autant de prises de position résumées, hier, dans son texte de déclaration de candidature, dont j’approuve chaque mot : " J’ai décidé, si les militantes et les militants socialistes le veulent, d’être candidat à la Présidence de la République. J’ai pris cette décision parce que la France a besoin de changement. Parce que le changement ne peut venir que de la gauche, de la gauche rassemblée autour d’un projet novateur.

Le projet socialiste que je porterai comprendra d’abord l’amélioration du pouvoir d’achat, en particulier par l’augmentation du Smic, des salaires et des retraites. J’engagerai un effort massif pour l’emploi - qui implique des entreprises dynamiques - ; un effort pour l’éducation, la formation et la recherche ; un effort pour le logement et la santé. Avec le nouveau gouvernement qui sera constitué et qui sera composé à égalité de femmes et d’hommes, j’avancerai vers une République parlementaire nouvelle, organisant une vraie responsabilité politique, défendant les services publics et tenant bon sur le terrain de la laïcité. Enfin, je me mobiliserai pour relancer et réorienter la construction européenne sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan écologique face à la mondialisation et en respectant, bien sûr, les résultats du dernier référendum. Dans ce monde nouveau et rude, la tâche ne sera pas facile. Mais j’ai confiance. J’ai confiance parce que la France, ce pays magnifique et que j’aime, porte en elle des ressources puissantes. J’ai confiance parce que je me suis préparé pour cette tâche. J’ai confiance parce que je sais que la majorité des Français, en particulier les jeunes, ne veulent pas d’une société brutale et précaire que leur prépare Monsieur Sarkozy, mais qu’ils veulent comme nous une France forte, une France juste, une France sûre, une France solidaire : une France forte parce que solidaire ".

J’y retrouve mes préoccupations quotidiennes. Et je connais votre objection : pourquoi ne l’a-t-il pas mis en œuvre quand il était au pouvoir ? Peut-être parce que la politique n’est pas aussi simple sur les estrades que dans les bureaux des Ministères ? Peut-être parce que l’on peut se fixer des objectifs sans pouvoir les atteindre ? Peut-être aussi parce que la première qualité que doit avoir un vrai homme d’Etat c’est sa capacité à tirer les leçons des ses échecs et à ne pas trop se vanter de ses réussites, quand elles figuraient parmi ses promesses ? Peut-être que l’on devient mal voyant de la réalité sociale quand on est entouré de "conseillers en complots" et pas de "conseillers en actions" ? Après tout, ce n’est qu’une question d’intime conviction.

Et la mienne est faite… car pour ma part je suis de ceux qui soutiendont clairement et sans arrières-pensées le Fabius génétiquement modifié ! Un choix que j'assume, et je n'ai donc pas l'intention de raser les murs honteusement.

Mais je déblogue…

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1 octobre 2006 7 01 /10 /octobre /2006 12:36

J’ai bien du mal à me concentrer sur l’évolution de la campagne interne du parti socialiste, même si je crois sincèrement que nous n’avons encore rien vu tant l’ambiance devient détestable. Impossible d’exprimer un avis divergeant de ce qui doit être l’opinion dominante. La résistance mollit et les ralliements se succèdent, histoire de démontrer qu’entre les convictions et les ambitions il existe les petits arrangements entre amis.

Il y a pourtant des combats à mener, quel qu’en soit l’issue, afin de ne pas se noyer dans la masse et résister au nom de principes qui n'ont jamais été honteux. Le passage récurrent de l’ouragan des sondages lessive les consciences, la montée d’une forme d’intolérance transforme toute critique en crime de lèse-majesté, la " ringardisation " du concept de la gauche se profile, au profit d’une " pipolisation " permanente des idées. Tout conduit inévitablement à un résultat certes respectable, qui placera ceux qui l’auront voulu face à de lourdes responsabilités. J'ai beaucoup de mal à supporter ce contexte qui transforme tout porteur d'une autre philosophie en suspect potentiel. Dans ce cas le recul puis parfois la fuite permettent de se préserver.


SE LAVER L’ESPRIT

Alors, ce matin, j’ai donc décidé de me changer les idées. Et, franchement, je ne connais pas meilleur moyen de se laver l’esprit que d’aller, seul, parcourir les sous-bois à la recherche des cèpes. Cette quête, ancrée dans ma vie depuis que je sais marcher, constitue beaucoup plus qu’un acte cupide destiné à accumuler des kilogrammes de nourriture dans un congélateur. Il s’agit d’une démarche authentiquement rituelle qui révèle justement la véritable personnalité des femmes et des hommes qui la pratiquent. Il n’y a pas, en effet, de test plus efficace que celui consistant à lâcher dans une forêt un amateur de champignons. En l’observant quelques minutes, on sait de suite ce que l’on peut attendre de lui. L’avidité au gain transparaît vite, le goût du secret aussi, la solidité de sa solidarité également, son sens du partage se révèle, son respect pour les autres se niche dans sa manière de cueillir les cèpes, et son émotivité peut même s’exprimer dans une rencontre avec un bolet de qualité… Un homme qui reste totalement insensible face à une pousse collective de têtes noires ne sera jamais un ami fidèle, car il n’a aucun sens de la beauté de la vie.

Je suis par ailleurs formel sur ce sujet : le ramasseur de cèpes, en Entre Deux Mers, appartient en effet à l’aristocratie du genre. Il a des habitudes de plus en plus rares, qui sont issues de la typologie forestière très diversifiée, nécessitant un long apprentissage. Nul ne peut prétendre, en Créonnais, s’arrêter au hasard au bord d’une route, entrer sous des frondaisons et ressortir avec une récolte pléthorique comme dans d’autres départements. Ici tout se mérite et appartient à une culture du milieu, de ses particularismes et plus encore de la capacité à analyser plusieurs paramètres.


CATEGORIES ET CARACTERES DIFFERENTS

On trouve donc parmi les chercheurs de cèpes, comme dans la vie publique, des catégories et des caractères différents. Il y a, par exemple, les sentinelles d’alerte. En général, ce sont des inactifs, vivant de bric et de broc, des retraités discrets aux revenus modestes, ou de véritables passionnés très engagés dans leur passe-temps. Ils ont un comportement similaire aux commandos parachutés en territoire ennemi. En général, ils ne sont que des ombres furtives que l’on voit quitter dès potron-minet leur domicile pour entrer dans un royaume dont ils connaissent les moindres repères. Ils possèdent un sixième sens, celui d’effectuer une synthèse de plusieurs paramètres (climat, lunaison, exposition…) qui leur permet de dénicher les premières pousses.

Chaque village, chaque hameau d'Entre Deux Mers possède ses découvreurs annuels dont les troupes moins libres professionnellement épient les faits et gestes. Ils savent que plusieurs sorties de ces spécialistes signifient que la ruée vers l’or noir sera rapidement engagée. Dès le lendemain, on retrouvera le second cercle, qui grâce à ses services secrets a obtenu des renseignements précieux ou tente d’échafauder : type de pousse (noir ou roux), généralités sur les hébergements (Châtaigniers ? Charmes ? Chênes ?) définition du lieu des trouvailles (Lisière ? Bordure de ruisseaux, Clairière ?). Ces ramasseurs émérites filent donc, dès qu’ils ont une minute, vers leurs fameux " replats ". Ils se les transmettent parfois de génération en génération, et sont réputés adaptés aux circonstances particulières d’une époque.

AMOUREUX DE LA QUALITE

Ces gens de conviction sont des amoureux de la qualité, mais pas toujours de la quantité. Leur première satisfaction leur vient de la vérification de leur savoir faire. Il n’ y a rien de plus déprimant pour eux que de constater que leur science du cèpe a été prise en défaut en ne trouvant pas la pousse attendue dans un lieu connu d’eux seuls. En revanche, une jubilation intime les envahit quand ils se retrouvent face à la récolte espérée. Ils prennent leur temps pour les cueillir. Ils ne bougent surtout pas durant une poignée de secondes pour bien repérer le terrain avant d’entrer en terre promise, et bien mesurer l’importance du trésor. Ils respectent un silence religieux même si leur meilleur ami est à quelques mètres de là. Celle ou celui qui n’a jamais vécu cette sensation ne saurait appartenir à la caste des authentiques chercheurs de cèpes. Les instants sont magiques. Ils ne se partagent pas, et surtout ils se renouvellent à chaque découverte de ce type.

Il arrive ensuite dans les bois la troisième vague, celle des exploiteurs. Eux tablent toute leur stratégie sur celle du marathonien. Ils ne se posent pas de questions et arpentent les forêts pour racler tout ce qui y pousse afin de vendre leur cueillette. Ce sont eux qui ont creusé la tombe des cèpes, car ils s’apparentent aux stakhanovistes qui détruisaient, par leur soif de productivité, leur propre ressource. Peu de respect pour les sous-bois, destruction des champignons jugés parfois non comestibles par ignorance, interpellations bruyantes, révulsent les aristocrates de la recherche. Il gâche le plaisir des autres, illustrant les défauts actuels du système social : le profit et l’inculture prennent le pas sur la passion et le respect d’un art de vivre. Ils ne visent que la quantité, pour pouvoir, au bureau ou sur un chantier, éclabousser les copains de leur classe supposée.

LE SYNDROME DE ROBINSON CRUSOE

Partir un matin de bonne heure vers un endroit connu constitue en tous cas le bonheur parfait. Il doit être identique à celui qu’éprouvaient les marins en quittant le port pour une destination lointaine. C’est du moins ce que je ressens. Je romps les amarres avec un monde fait de certitudes, pour m’engager dans une aventure que je ne maîtrise pas. Entrer dans une forêt s’apparente en effet fortement à une sortie en mer. Je louvoie avec l’espoir de trouver un vent favorable. Je doute de mes analyses sur la route à prendre. Je m’émerveille d’une trouvaille exceptionnelle sur une " plage " de lierre, de feuilles sèches ou de mousse. Je ressors trempé mais heureux d’un périple aux objectifs incertains. Je suis fier, quoiqu’il arrive, du résultat, car je suis le seul à en porter la responsabilité. Je n’ai été, durant ma quête, tributaire d’aucun autre paramètre que mes propres décisions. Plus de pression extérieure. Plus d'interférence de concurrence. Plus de miroir pour déformer un raté ou minimiser une réussite.

Quand j’étais gamin, dans mes escapades dans les bois sadiracais, j’avais le sentiment de partager la vie de Robinson Crusoe : je devais trouver les bonnes solutions pour me procurer ma nourriture, et inévitablement j’envisageais de m’installer dans cette cabane dont rêvent tous les gosses libres. J’étais persuadé qu’en me retirant du monde des adultes, j’aurais la capacité de vivre dans les bois en parfaite autarcie. J’ai retrouvé ce syndrome qui n’a que rarement un sens pour les autres.

Ce matin, j’avais besoin de cette interruption momentanée des images habituelles, indépendantes de ma volonté. Durant trop peu de temps je ne devais plus rien à personne, et j’avais la certitude de la sincérité du milieu environnant. Je n’ai pas les moyens de la tentation de Venise, alors je me contente de celle des cèpes. Et faites-moi la grâce de me croire : le bonheur n’est pas que dans le pré, il est aussi dans les sous-bois !

Mais je déblogue…

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30 septembre 2006 6 30 /09 /septembre /2006 21:56
Brutalement, mon père vient de décider d’aller ailleurs. Epuisé par une lutte disproportionnée, il semble vouloir tourner une nouvelle page, moins dense, moins noire aussi, de sa vie. Hier, il a été installé dans son lit et il a entamé la plus longue des attentes, celle qui vous conduit vers le plus bref et le plus infini des voyages. Dans ma vie publique ou privée je rencontre souvent la mort chez les autres. Je ne l’ai cependant jamais vue arriver lentement, sournoisement pour me prendre l’un des miens. Je n’ai que le souvenir des périodes ayant précédé la disparition de mes grands parents, sans avoir pleinement conscience de la dureté de ces situations.
Mon père s’efface lentement, comme s’il était tombé dans des sables mouvants l’empêchant de s’exprimer, et le privant même du droit d' appeler au secours. Cette lente agonie me perturbe, car elle me place face à moi-même, et à une affreuse contradiction : tout faire pour ne pas qu’il disparaisse physiquement, et le savoir enfin soulagé de ne plus avoir à résister à un adversaire invisible qui le torture.
MON IMPUISSANCE ABSOLUE
Ces minutes silencieuses, dans sa chambre, seulement meublées par le faible rythme de sa respiration, me confinent dans une impuissance absolue. Rien n’est pire que l’attente d’un événement que l’on redoute, mais dont on ne connaît ri le début et encore moins la fin. Je cherche vainement à apprendre de ce filet de vie qui le relie encore au monde. La moindre anicroche, le moindre soupir, le moindre signe d’anormalité me plongent dans le doute. Je ne sais pas comment il me faudra réagir pour tenter de l’accompagner du mieux possible. Et, chaque départ vers ma vie publique me culpabilise au plus haut point. Il m’est impossible de ne pas penser que, quelques secondes après que j’aie franchi la porte, il peut nous quitter discrètement, sur la pointe d’un souffle plus court que les autres, alors que, paradoxalement, quand je suis assis à ses côtés, je ressens un dramatique sentiment d’impuissance.
Ses yeux fermés sur ce monde de supplices masquent une réalité intérieure difficile à imaginer. Revoit-il sa vie entièrement tournée vers les autres ? Qu’espère-t-il retrouver dans son monde du silence ? Quelles images passent sur l’écran désormais noir de ses journées sans soleil ? Qu’attend-il de moi ? Que puis-je lui donner comme signe fort de l’amour que j’ai pour lui ? L’incommunicabilité pèse terriblement sur près de 60 années d’échanges, peu démonstratifs, mais suffisants pour se comprendre. Je souffre de ne plus pouvoir partager avec lui le moindre signe de reconnaissance. Plus de paroles. Plus de regards. Plus de silences constructifs. Et je songe à tout ce que je voudrais maintenant lui confier, et que comme un idiot je n’ai jamais su lui dire.
Notre société renforce le concept de l’immortalité. Elle s’accroche au progrès comme le naufragé à une bouée. Elle espère secrètement que le médecin trouvera une solution à l’inéluctable. Elle se cache derrière la technicité de ses spécialistes, afin de ne pas voir le gouffre qui se profile tôt ou tard.

UN VERITABLE SUJET DE DEBAT
Il est exact que je ne crains pas la mort, car je sais qu’elle est probablement moins pénible pour soi (ne serait-ce que parce qu’on ne la ressens pas toujours) que chez les autres. On n’est jamais impuissant pour son propre destin, puisque l’on a toujours la possibilité de lui donner la direction que l’on veut. Abréger sa propre souffrance devrait être reconnu et admis tant que l’on en a la lucidité intellectuelle. En revanche, quelle terrible décision à prendre, pour aller au devant des appels de l’autre. Une situation d’autant plus exigeante que nul ne sait quelle est la part de désespoir ou de volonté réelle dans une pareille demande.
L’euthanasie deviendra un véritable sujet de débat. Je suis certain que personne n’osera le relever, car il va à l’encontre de l’opinion dominante, celle qui veut qu’une existence se poursuive dans toutes les circonstances, au nom de la souffrance expiatoire de ses comportements antérieurs. Des brèches dans cette position ont été imposées par des circonstances exceptionnelles, mais demeurent beaucoup trop marginales pour pouvoir imposer à la société de se pencher sur ce qui deviendra une vision humaniste de la fin de vie.
L’euthanasie est revenue d’actualité depuis le XIXe siècle, à partir du moment où les progrès de la médecine au niveau des traitements physiques et du prolongement de la vie ont poussé l’État, la profession médicale, les philosophes et les théologiens à débattre du sujet de la qualité de la vie. Il leur faudra tôt ou tard se pencher sur le droit, pour un être humain, de déterminer le moment où cette qualité s’est tellement dégradée  qu'il devient acceptable et licite de mettre un terme à son agonie et sa souffrance. Le nier, en cette période où l’on atteint des âges avancés, mais avec de graves dégradations de l’intégrité physique, c’est pratiquer la politique de l’autruche.
ELLE AVAIT TIRE SA REVERENCE
Dans la soirée, alors que j’écrivais ces lignes avec un coupable retard, le téléphone m’a replongé dans mes incertitudes. Il me fallait me rendre chez une personne décédée. Bizarre circonstance qui m’obligeait à aller à la rencontre de ce que je redoutais pour mon père. Une dame de 82 ans avait abandonné son époux (95 ans) en s’endormant définitivement sur sa chaise, dans une cuisine d’une autre époque, et une maison sans eau chaude. Sans crier gare, elle avait tiré sa révérence comme une princesse qu’elle n’avait jamais été.
Cette mort, qui m’oblige à me plonger dans des démarches administratives et surtout, avant son évacuation vers le funérarium, à lui poser un bracelet plombé au poignet, ne me perturbe pas. Elle est nette, propre, simple, facile à admettre, car elle tue l’espoir en une fraction de seconde. Elle était là, figée sur son siège comme ces personnages de cire que l’on place dans les musées pour illustrer le monde paysan. La table couverte d’une toile cirée luisante attendait un repas qui ne viendrait plus. La vie s’était figée. Elle me rappelait qu’en d’autres lieux elle pouvait "s’éterniser", comme diraient celles et ceux qui croient qu’elle n’est qu’un éternel recommencement.

DIMENSION INTEMPORELLE
Les voisins, rassemblés devant la porte, lui donnaient sa première dimension intemporelle, en évoquant sa personnalité, son quotidien, son courage au service de son mari, dans un contexte pour le moins fruste. Leurs conversations valaient toutes les homélies à venir. Je reste en effet persuadé que la mort n’est définitive que quand on n’existe plus dans les souvenirs d’une personne sur terre. L’éternité se limite, selon moi, à la fragilité des mémoires. Sombrer dans le néant passe par l’oubli des autres. Il suffit que quelque part, dans un esprit, vous existiez en image, en anecdote, en histoires plus ou moins graves, pour considérer que vous êtes provisoirement immortel.
Là bas, dans son lit, mon père glisse. Il ne cherche même plus à se cramponner au regard des autres. Lui qui n’a jamais refusé de tendre, en n’importe quelles circonstances, la main aux autres, il n’a plus la force de tenir la mienne. C’est moi qui m’accroche à la sienne, comme si je pensais être capable de lui restituer une part de la vie qu’il m’a donnée. Vanité impardonnable que celle-ci. Aussi absurde que celle qui voudrait que nous puissions retourner en arrière pour n’accomplir que des actes fondamentaux, et oublier les scories minables que nous impose un perception étriquée de ce que nous croyons être notre destin.
Mais je déblogue… 
JE VOUS AVAIS PREVENUS ET POURTANT VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
(Chronique à relire : "COMPRENNE QUI POURRA)
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29 septembre 2006 5 29 /09 /septembre /2006 08:11
Lionel Jospin vient de jeter l’éponge. Il abandonne, après avoir fait un tour sur le ring et s’être rendu compte qu’il y avait plus de coups à prendre que de supporteurs à gagner. Il est vrai que son retour dans l’arène ne réjouissait pas outre mesure les combattants actuels, qui y voyaient une intrusion destinée à démontrer qu'ils n’avaient rien compris au match. Un peu comme ces vétérans qui se permettent de damer le pion aux nouveaux arrivants, il venait narguer les vedettes du moment. Dans le monde des artistes, on connaît cette haine féroce que nourrissent les étoiles montantes à l’égard des anciens qui ne cessent de faire leurs adieux. Vivement que ces gars-là débarrassent le plancher de la scène…
En fait, Jospin s’est tout simplement trompé d’époque. Il a cru que le Parti socialiste était encore constitué de... militants. Il l’avait quitté ainsi, avec des gens de débat, prêts à prendre le risque de faire passer leur idéal avant le résultat, et il l’a retrouvé, quatre ans après, avec des... adhérents(es). Il a cru dans une fidélité aux concepts socialistes, et il a retrouvé des groupies n'ayant qu’une seule idée en tête : être de ceux qui auront eu le privilège de donner une leçon de réalisme aux vieux cons du PS, dont il était.
Jean-Luc Mélenchon, hier soir sur LCI, clamait son inquiétude en constatant que, grâce à un clic sur internet des gens pouvaient, en quelques semaines, sans aucune culture politique socialiste vérifiée, venir défier des gens qui, depuis parfois des décennies, ont débattu, agi, travaillé pour faire passer leurs idées. A ses yeux, le PS serait devenu un "hall de gare", ouvert à des "supporters" ou des "sympathisants tardifs" venus "voter comme à la "Star Ac"".
Il y a une forme d’injustice flagrante dans cette opposition latente entre des gens venus de nulle part et des " enracinés " ayant résisté aux bourrasques des défaites, ayant été portés par les vents chauds des victoires. Toute cette constance morale (rester militant alors que tout s’écroule autour de vous), ou matérielle (cotisations d'élu depuis des décennies, ce que beaucoup de donneurs de leçons ne font pas), apparaît comme totalement inutile et donc dévalue particulièrement l’investissement personnel durable. La vie politique n'en sortira pas indemne.

JOSPIN N’AVAIT PAS PREVU
Incontestablement, Lionel Jospin n’avait pas prévu que ces gens-là prendraient, d’une manière aussi prompte, le pourvoir au nom de la vérité des sondages. Ils n’ont cure du passé et, pour eux, Jospin appartient au passé. Ils veulent croire au futur, et en avoir pour leur argent, sans se rendre compte qu’une élection ne se gagne pas par un clic ou un bulletin, mais plus prosaïquement par la distribution de tracts dans les boîtes aux lettres, par la présence assidue dans les réunions, par le courage d’affirmer la priorité des consciences sur les consignes, par l'action solidaire partagée.
L’unité sur la candidature Jospin en 2002 avait masqué la réalité disciplinée des déceptions nées de son affirmation sur " son programme qui n’était pas socialiste ". Elle reviendra, c’est une certitude, malgré les cris effarouchés des vierges qui crient au loup sans l’avoir vu, et Jospin s’est aperçu qu’il ne symbolisait absolument pas cet espoir unitaire face à Sarkozy. Il en a tiré lucidement les conséquences !
Son bilan est oublié depuis belle lurette. Il ne restait de lui que son image austère, cassante, prude et surtout il n’a pas su incarner, comme les autres, un avenir illusoire mais prometteur. Ce gars-là ne relevait plus ni du temps des cerises, ni de celui des lendemains qui chantent !

DU STATUT D’ADHERENT A CELUI DE MILITANT
Les nouveaux arrivants devront passer du statut d’adhérent(e) à celui de militant(e). Un véritable challenge, car il leur faudra sûrement, pour certains, assumer les affres de la défaite et plus encore se préparer à être au rendez-vous pour bosser dans une campagne au service d’un(e) candidat(e) qui ne sera pas le leur. En trente ans de pratique politique, je n’ai jamais connu de pire épreuve pour la sincérité des idées.
Personnellement, j’ai toujours été confronté à cette situation. Rocardien de coeur et de conviction, je me suis défoncé pour que Mitterrand l’emporte. Déçu par la non-désignation de celui qui me semblait le plus apte à représenter le canton, j’ai avalé ma colère pour participer à la victoire de son concurrent interne. J’ai toujours signé des appels en faveur de celle ou celui qui portait les couleurs de la gauche, et pire, j’ai toujours voté en faveur du meilleur d’entre eux.
En revanche, j’ai vu passer bien des gens qui quittaient le navire dès que le cap ne correspondait pas à leurs ambitions, ou qui se cachaient, quand il fallait donner de sa personne. Mais je suis certain qu’il n’en sera pas ainsi des arrivants de 2006, et qu’on les retrouvera pour distribuer lors des présidentielles ou des législatives. On peut avoir une absolue confiance dans leur motivation et leur connaissance profonde des exigences du miltantisme. J'ai pourtant quelques doutes.
Le délai de présentation dans les sections du PS pour valider son adhésion était fixé à hier soir minuit. Il a expiré et a laissé sur le carreau des milliers de candidats au vote interne. Problème : la semaine dernière, 60% des nouveaux adhérents des Bouches-du-Rhône ou de l'Essonne, 40% de ceux de la Gironde n'avaient toujours pas montré patte blanche. A Paris, submergé par 9 500 nouveaux adhérents, on a tout simplement décidé de s'asseoir sur le règlement. Au-delà de ces constats techniques, c'est la philosophie de la campagne de recrutement qui est dénoncée et qui se trouve mise en cause.
Hier soir, en effet, il y a eu des litiges dans de nombreuses fédérations, et l’établissement des listes électorales mettra en évidence la réalité de cette campagne qui étouffe le militantisme, et provoquera certainement une dangereuse démobilisation, car l’expérience prouve que le temps est le véritable juge de l’engagement. Le plus dur au PS, ça n’a jamais été de remplir son bulletin d’adhésion : c’est de le renouveler !

DES DECISIONS COUPS DE COEUR
En fait, la réalité actuelle des comportements sociaux repose sur le zapping. Ce sera la manière de vivre des adultes de demain qui, dans beaucoup de domaines, prendront des décisions " coups de cœur ". Il est loin, le temps où une conception de la vie permettait d’avoir adhéré aux jeunesses socialistes à 16 ans et de partir avec sa dernière carte du parti dans le cercueil.
Rares étaient, par exemple, les instituteurs qui, au sortir de l’école normale, ne s’engageaient pas dans feu le Syndicat National des Instituteurs (SNI), ne signaient pas leur premier contrat d’assurance à la MAIF, ne sollicitaient pas immédiatement une adhésion à la MGEN ou n’achetaient pas leurs meubles à la CAMIF. Pour ma part, cette forme de participation à la mise en place concrète d’un idéal solidaire date maintenant de 40 ans, sans aucune défaillance. Cette fidélité dans l’engagement me semble bien désuète ou ringarde. Selon des modes, des emportements passagers, des calculs de rentabilité, des décisions strictement affectives, le va et vient est incessant entre les structures collectives de réflexion ou d’action et les individus. Hier, par exemple, le mouvement de grève, dans ce qu’il reste de l’éducation nationale, a démontré le profond décalage entre le respect de consignes et la perception de l’efficacité d’une action solidaire.

LE CONSOMMATEUR POLITIQUE EST ARRIVE
Le consommateur politique est arrivé sur le marché. Il faudra non seulement savoir l’attirer, le séduire, mais aussi le garder. Il vient en effet consommer un produit nouveau, s’offrir le droit de participer à une victoire, prendre sa part dans un montage à sa convenance, et il espère avoir la satisfaction de gagner. Dans le stade des idées, il s ‘est installé dans le virage sud, en supporter farouche et motivé, avec l’espoir de voir son équipe l'emporter. Mais supportera-t-il la désillusion d’une éventuelle défaite ? Reviendra-t-il soutenir " son camp " quel que soit l’adversaire, ou les soirs de mauvais temps ? Restera-t-il un abonné ou un spectateur occasionnel ? Acceptera-t-il aisément de ne jamais voir son ou ses favoris l’emporter durant des décennies ?
La versatilité de l’électorat, exacerbée par les médias, constitue en effet un phénomène méconnu dans ses causes et ses effets. Elle rejaillit sur le fonctionnement de syndicats ou de partis où l’on passe, pour picorer quelques mois ou quelques semaines d’enthousiasme, pour ensuite repartir s’installer ailleurs, ou tout simplement se mettre à la diète de l’action.
De très nombreux responsables associatifs confirmeront cette instabilité que l’on ressent d’ailleurs de plus en plus parmi les jeunes générations dans le domaine sportif, dans les études, dans la vie affective, dans les choix culturels. Impossible de prévoir un développement durable, car à la moindre déception, au moindre incident, au moindre échec, les gens se désengagent.
Il n’en sera pas ainsi au PS où , 2007 et 2008 étant des années électorales porteuses d’ambitions personnelles et collectives fortes,  tous les adhérents de 2006 passeront le cap du renouvellement de leur soutien à des idées, à un programme et deviendront, j’en suis certain, des militants actifs s’inscrivant dans la continuité. Il serait en effet extrêmement dommageable que leur engagement se résume à un passage dans la soirée du 16 novembre 2006… et à une présence sur une éphémère liste électorale.
Mais je déblogue… 
 
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28 septembre 2006 4 28 /09 /septembre /2006 07:17
Si l’on en croit le Canard enchaîné, il y aurait une sacrée envolée lyrique de Nicolas Sarkozy. Lors d’un énième déplacement "télé réalité", il y a une semaine, en Seine-Saint-Denis il aurait réuni à huis clos l’ensemble des responsables départementaux ayant en charge la sécurité. Certes, il s’était légèrement défoulé devant les stylos, les micros et les caméras, aimablement conviés à venir entendre la bonne parole, et surtout à la diffuser. Sa diatribe contre les magistrats du 93 restera comme un grand moment professionnel car elle dénote, de la part de celui qui brigue une place de " maître du monde ", un sens aigu du dialogue et de la démagogie triomphante.
Le " ministre-candidat-président " de l’UMP aurait secoué son auditoire médusé, puis accablé, après avoir reçu " un savon" destiné aux malheureux présents. Eux, qui se faisaient une joie d’accueillir le chantre de la Police répressive, en ont été pour leurs frais. D 'après des policiers, un peu secoués mais tout de même soucieux de conserver l’anonymat, Nicolas Sarkozy a piqué une somptueuse colère, à Bobigny, face à un parterre de cadres de l’Etat, dont le Préfet, ravi de se voir sérieusement tancé devant ses subordonnés. Le ministre de l'Intérieur les avait réunis après la divulgation d'une note courageuse de son représentant dans l’un des départements les plus sensibles de France, sur une délinquance non maîtrisée dénotant la possibilité de voir la crise des banlieues reprendre à tout moment.

"CRETINS, CONARDS, INCAPABLES..."
Le Canard enchaîné rapporte également les propos d'un des fonctionnaires présents à cette réunion : "Nicolas Sarkozy a invectivé à coup de "crétins !", "connards", "incapables"' les… personnalités présentes. Il était intenable", poursuit le fonctionnaire au Canard, "il s'est mis à hurler, à prononcer des mots très durs et blessants". Un autre policier rapporte à l'AFP : "C'était assez hard. Nicolas Sarkozy était très excité et énervé par la publication de la note du préfet. Il a eu des mots durs, moralisateurs, mais il n'a pas été grossier".Un collaborateur du ministre parle même de traitement "comme des gardés à vue".
Selon le récit du Canard, le ministre a repris le thème de la "parano" … qui semble être son leitmotiv dès que les faits ne sont pas conformes à ses souhaits. "Il nous a sorti la grande thèse du complot", explique un chef de service présent à la réunion. "A savoir que ses ennemis (…) cherchaient à s'en prendre au candidat à l'Elysée", poursuit-il dans les colonnes du Canard. "Ce sont des choses qu'il faut se dire entre nous, mais pas écrire", a-t-il ajouté, faisant allusion à la note du préfet Jean-François Cordet qui dénonçait notamment une recrudescence de la délinquance dans le département. Il a dû avaler sa casquette, ce pauvre fonctionnaire aux ordres, d’avoir été assez idiot pour porter sur un document… la réalité des choses. Il a d’ailleurs, selon ce policier, "a accusé le coup, puis a dû lui réaffirmer sa loyauté".
LE SYSTEME DU TRIBUNAL POPULAIRE
Voici une toute nouvelle méthode de gouvernement, qui n’est autre qu’une transposition des méthodes marxistes léninistes : on convoque le coupable devant ses pairs et on l’oblige à effectuer son autocritique que l’on accompagne d’un acte d’allégeance. Le système du tribunal populaire a toujours été le meilleur moyen de broyer les consciences et de les inféoder à des personnes.
Nicolas Sarkozy a dévoilé une face de sa personnalité qui, de temps en temps, de manière récurrente le conduit à déraper. Cette " racaille " policière aurait mérité d’être karchérisée, mais dans le fond, mieux vaut lui montrer qui est le véritable patron du pays en frappant fort sur la tête de ceux qui… en doutent ! La personnalité d’un chef d’état compte au moins autant que ses idées.
Dans ce marathon qui doit conduire vers l’Elysée, chaque concurrent doit tenir la distance, et démontrer une parfaite maîtrise de soi, du temps, et de l’espace politique. Incontestablement, les deux premiers dans les sondages manquent singulièrement de recul. Ils tirent quasiment à la mitraillette sur tout ce qui bouge, au prétexte qu’ils sont en situation de légitime défense. Impossible de les attaquer sur quoi que ce soit : ils ont décrété qu’ils jouissent d’une immunité spéciale. Nul ne peut douter de leur action, tant ils se montrent agressifs. Mieux ils accusent les autres de malveillance ou d’agressivité coupable à la moindre critique.
UN SERIEUX ATOUT
Nicolas Sarkozy, " ministre-candidat-président de l’UMP " possède une parade importante, qui calme toute velléité offensive à son égard : il nomme ou destitue les principaux fonctionnaires d’autorité. Or, quand on est candidat à l’élection présidentielle, c’est un sérieux atout. Il possède également le pouvoir régalien d’attribuer les subsides aux partis politiques et, ce qui est plus paradoxal, d’en contrôler l’utilisation. Il peut aussi susciter des candidatures, obtenir des renseignements sur les uns ou les autres, monter des opérations discrètes sur le compte de tout le monde, mettre l’appareil de l’Etat à son service. Au moindre bruissement ou pour un brin de contestation on agite le spectre de la répression potentielle.
La séance musclée de Bobigny va constituer une référence pour les prochaines semaines : le prochain qui bronche paiera l’addition ! " Sarko la Menace " pèse sur le pays de manière indirecte, et c’est extrêmement inquiétant pour la démocratie. Alors que, depuis le mois de juin, tout candidat potentiel aux législatives doit réfléchir au moindre des ses actes par crainte de les voir imputés à ses comptes de campagne dans un an, le " Ministre candidat président " sillonne l’Hexagone, déplace des meutes de caméras, utilise le personnel de son ministère, pour construire l’image qui lui servira dans maintenant 6 mois ! Heureusement qu’il dérape dans cet exercice et que, par souci de trop plaire à l’opinion dominante, il en oublie que l’exagération fait davantage peur qu’elle ne rassure.

IMPOSSIBLE D'ESQUISSER LE MOINDRE DEBAT
Dans l’autre cas, l’immunité est conférée d’une manière beaucoup plus subtile. La " zappaterreur " de Poitou Charente utilise en effet la protection que lui confère sa féminité. Grâce à une hallucinante série people du style Martine (Martine à la maison, Martine à la plage, Martine en bateau, Martine sur son lieu de naissance…) elle cherche à se construire un blockhaus féminin ! Impossible d’esquisser le moindre débat d’idée, car il est écourté par une réplique cinglante que j’ai déjà entendue : " vous dites cela parce que c’est une femme !… " ou alors formulée dans la forme interrogative : " est-ce que vous diriez cela à un homme ? ". Impossible d’oser la moindre critique sans recevoir une sanction suprême, pire que celle de naître en Inde dans la caste des intouchables : " misogyne, tu es misogyne ! ". C’est le bouclier absolu.
Par ailleurs, en criant assez fort que l’on vous assassine et que l’on vous malmène en profitant de votre faiblesse physique, vous recueillez la sympathie du plus grand nombre car votre courage face à ces " éléphants " vaut bien toutes les preuves de solidité. Elle ose leur répondre, leur résister, les agacer pour ensuite battre en retraite quand le ton monte. C’est bien connu, David a toujours été plus populaire que Goliath !
En tous cas, lorsque ce matin sur RTL, Lionel Jospin aura annoncé sa non-candidature, que dimanche à Fleurance Laurent Fabius aura confirmé officiellement la sienne, que lundi Jack Lang aura une fois encore changé de camp, en rejoignant sa concurrente, que mardi la volonté de DSK d’aller jusqu’au bout aura été entérinée, il faudra avoir une autre carapace que celle de la féminité outragée pour détourner les balles mortelles des réalités. Mais l’image aura été construite et ne s’effacera pas aisément... C'est tout bénéfice! 
Mais je déblogue…
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27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 07:55

 

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26 septembre 2006 2 26 /09 /septembre /2006 07:17
Incroyable : on vient de découvrir l’incroyable!. Bernadette Chirac, émue par la projection privée à l’Elysée du film " Indigènes" de Rachid Bouchareb, a décidé son mari le grand Jacques Chirac à revaloriser les pensions des combattants venus des anciennes colonies françaises, pour libérer le territoire de leurs ancêtres les Gaulois de la domination nazie. Une sacrée découverte effectuée par le Président d’une... République peu regardante sur les remerciements qu’elle doit à ceux qui l’ont servie.
Dans tous mes discours, pour le 8 mai ou le 11 novembre, je n’ai pas une seule fois manqué d’évoquer cette injustice détestable faite à des hommes qui ont eu, en définitive, le tort de ne pas se faire trouer la peau sur des champs verdoyants, des espaces enneigés ou dans la boue des tranchées. Ils voulaient tellement marcher vers une citoyenneté française reconnue, qu’à chaque guerre ils affrontèrent la mort pour l’acquérir.
 Ils furent les victimes d’une immigration non choisie… avant qu’on ne les oublie. Heureusement pour leur mémoire, que Bernadette Chirac vient, sur l'oreiller, de convaincre son mari de leur envoyer... quelques pièces jaunes complémentaires. Elle aurait pu le confier à Sarkozy afin qu’il fasse une belle annonce à Dakar, car là-bas, il existe des hommes qui n’ont pas perdu la mémoire.
LES FAMEUX TIRAILLEURS SENEGALAIS
La mobilisation des troupes coloniales, pour la guerre 1914-1918, y fut en effet sans précédent : environ 800 000 hommes ont été incorporés, plus de 70 000 y perdirent la vie. Lors de la bataille des Dardanelles, par exemple, les fameux " tirailleurs sénégalais " représentaient, à eux seuls, la moitié des effectifs engagés. Cet enrôlement de gré ou de force ne s'est pas fait sans difficultés; la solde et les avantages traditionnels n'étant plus suffisamment convaincants pour décider des hommes qui ne voyaient jamais revenir les premiers partants, on usa de méthodes plus coercitives.
Le premier député du Sénégal (de la ville libre de Saint-Louis), Blaise Diagne fut ensuite appelé à la rescousse au début de l'année 1918 pour convaincre ses électeurs. Il se prononça pour une généralisation de la conscription qui, dans son esprit, devait s'accompagner d'une marche progressive vers la citoyenneté : à l'égalité dans les tranchées et devant la mort devait correspondre celle dans la société. Du moins le croyait-il ! Ses arguments ne suffirent cependant pas à convaincre les réfractaires au départ sur les champs de bataille européens… et pour la première fois, ils avaient raison contrairement à ceux qui partirent, fiers de devenir Français, et ne revinrent jamais.
En effet, durant de longs mois, l'intérieur de l'Afrique Occidentale Française fut agitée par des révoltes contre les enrôlements forcés. Ces émeutes, réprimées par… les tirailleurs restés sur place, prirent une telle ampleur, que le gouverneur dût suspendre un temps les recrutements militaires et suggérer au gouvernement de mettre davantage l'accent sur la contribution économique des colonies. On ajouta donc une contribution importante en termes de main-d'œuvre afin de pallier les manques. L'exemple des travailleurs chinois est maintenant bien connu, mais ce sont plus de 200 000 travailleurs coloniaux (dont plus de 50 000 Indochinois seulement) qui vinrent assurer la relève des conscrits dans les usines françaises. Il en fut de même lors de la seconde guerre mondiale. La leçon avait été retenue en Afrique noire, mais pas encore en Afrique du Nord…

UN LOURD TRIBUT DES 1940
Avant 1939, la situation fut tout autre : les troupes coloniales furent d'emblée massivement intégrées aux plans de bataille et, placées en première ligne, elles payèrent un très lourd tribut lors des combats de mai et juin 1940, mais furent vite oubliées dans les camps de prisonniers allemands, où la mortalité fut terrible. On oublie totalement d’en parler. En 1944, ils représentaient là encore, la moitié des troupes ayant débarqué en Provence, qui furent cependant " blanchies "au fur et à mesure de leurs avancées. De Gaulle privilégia l'intégration des groupes de résistants à la célèbre Première armée et choisit, face à la pénurie de moyens, de désarmer une partie des bataillons de tirailleurs afin d'équiper ces nouveaux combattants.
La frustration de se voir déposséder d'un rôle central, les suspicions des autorités françaises sur leur loyauté à l’égard de la République, et surtout les promesses matérielles non tenues furent, par exemple, à l'origine du soulèvement du camp de Thiaroye (banlieue de Dakar). Le 1er décembre 1944, les troupes françaises ouvrirent le feu sur 1 280 tirailleurs en cours de rapatriement. Le lourd bilan (35 tués, 35 blessés graves...) suffit, à lui seul, à démontrer la complexité du rôle des troupes coloniales à la Libération. Fêtées en métropole par la population en liesse mais réprimées et ayant toutes les difficultés pour faire valoir leurs droits dès lors qu'elles réintégraient leurs régions d'origine, elles portaient en germes les révoltes ultérieures.
La fraternité qu’ils avaient rencontré, sur le terrain, au combat, disparaissait brutalement. L’égalité face aux balles ennemies, aux rations quotidiennes, laissaient la place à l’inégalité de la colonisation triomphante. La liberté qu’ils avaient défendue en métropole leur était refusée dans leurs villages. Mieux, on fit tout ce qui était possible pour les ignorer, et surtout les priver des droits fondamentaux qu’ils avaient contribué à redonner aux autres.

LA CRISTALLISATION MAINTENUE
Notre société ne vivant désormais, non pas sur des réalités mais sur l’apparence des images, il aura fallu un film, que peu de monde a d’ailleurs accepté de financer, pour que reviennent sur le devant de la scène des combattants octogénaires, malades, oubliés. Depuis le 29 décembre 1959, les autorités françaises avaient en effet " cristallisé " le montant des pensions des ressortissants des anciennes colonies ayant servi dans l’armée française. L’écart des pensions entre les titulaires français et étrangers n’a alors cessé de croître. Aujourd’hui, l’injustice est à son comble puisque les étrangers reçoivent de… 3 % à 30 % de la somme versée à leurs anciens collègues français, suivant leur nationalité
Au retour de son voyage au Sénégal où elle avait été vertement interpellée, la ministre de la Défense avait déclaré, le 9 septembre 2002, que " les décisions concernant les pensions des anciens combattants des pays de l’ex-Union française devraient être prises avant la fin de l’année ".
Le problème, c'est que la décision avait déjà été prise depuis plusieurs années. Le Conseil d’État, dans son arrêt Diop du 30 novembre 2001, suivi de dizaines d’autres arrêts, a tranché en jugeant que le fait de verser des prestations " cristallisées " aux anciens combattants et aux anciens fonctionnaires civils ou militaires violait la Convention Européenne des Droits de l’Homme et constituait une discrimination illégale. Les personnes concernées devaient donc enfin bénéficier de l’égalité des droits, si le gouvernement ne s’évertuait pas à contourner les règles de droit pour faire des économies sur le dos des étrangers l’ayant servi. Le gouvernement a joué le pourrissement et a bafoué les décisions de justice.
"NOUS AIDER A LIBERER NOTRE PAYS DU NAZISME"
"Il y a eu près de 40 ans pendant lesquels il n'y avait pas de reconnaissance du tout du rôle de ceux qui étaient venus nous aider à libérer notre pays du nazisme", a rappelé Michèle Alliot-Marie. Puis "nous avons essayé" d'établir "une équité par rapport au pouvoir d'achat de chacun des pays. Aujourd'hui, et à la demande du président de la République, nous allons essayer de passer (sic) à une phase suivante qui sera une reconnaissance au même niveau nominal de la reconnaissance de la Nation à ceux qui sont intervenus", a-t-elle dit. "Bien entendu, cela représente un coût relativement important, mais je crois que la reconnaissance que nous leur devons le mérite", a ajouté la ministre, précisant que l'argent nécessaire au financement de la mesure doit encore être débloqué par... le ministère de l'Economie. " Selon le ministère des Anciens combattants, le coût d'une telle mesure serait en effet de l'ordre d'environ 400 millions d'€ par an et interviendrait dès... le 1er janvier 2007. Quelque 80.000 personnes de plus de 65 ans, originaires de 23 pays (Maghreb, Afrique noire francophone, Madagascar et ancienne Indochine), pourraient bénéficier d'une telle "décristallisation".
En attendant encore un an, on peut espérer à Bercy qu’ils soient encore moins nombreux… il suffira que le débat traîne un peu, que le film sorti soit éclipsé par un autre, que Bernadette perde la mémoire et ils ne seront plus que 70 000 ! Patience : un film n’est pas éternel surtout si personne ne va le voir, et demain soir TF1 aura à vanter les mérites de Sarkozy. L’idée n’est pas de lui. Alors, autant revenir à cette " racaille de Cachan " qui attend que l’on se rappelle que l’un d’eux a peut-être un grand-père qui est mort pour la France !
Mais je déblogue…
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25 septembre 2006 1 25 /09 /septembre /2006 08:09
La précarité dans le monde du travail devient une règle permanente. Pour diminuer les statistiques du chômage, il est indispensable de considérer que tout travailleur qui décroche le moindre contrat est un demandeur d’emploi en moins. Et, il faut voir avec quelle hâte, les statisticiens de l’ANPE font disparaître les malheureux qui ont pleuré pour obtenir plus de 15 jours de boulot. Il y a pourtant un métier plus exposé que les autres : celui d’entraîneur de club de football professionnel. C’est fou la vitesse avec laquelle vous vous retrouvez condamné à regarder votre équipe à la télé depuis un canapé qui n’a pas les charmes du banc de touche. Si les mêmes principes existaient dans le monde politiquee les Ministres n’useraient guère le fauteuil de leur bureau.
Ainsi Nantes, Créteil et Istres viennent de demander à celui en qui ils avaient entièrement confiance il y a quelques semaines, d’aller chercher fortune ailleurs alors que nous n’en sommes pas encore à des moments décisifs des championnats. On murmure que d’autres pourraient vider leur casier durant les jours qui viennent. On ne connaît pas de contrat plus précaire que celui-ci puisque, en quelques jours, vous passez de la pression du résultat à la morne attente qu’une place se libère ailleurs pour démontrer votre talent. Il est toujours vrai que le malheur des uns contribue au bonheur des autres.
Dans mes contacts avec le milieu du football professionnel, j’ai connu de très nombreux personnages qui avaient en charge un groupe de joueurs souvent mieux payés qu’eux. Tous avaient conscience que leur horizon se découvrait après chaque match et qu’une mauvaise passe les condamnerait immédiatement. Ils devenaient sombres, méfiants, réservés et surtout irritables, car persuadés que les médias portaient une part de responsabilité dans leur échec. Ils avaient oublié que parfois, ils n’avaient pas craché dans la soupe quand tout allait pour le mieux dans le meilleur du monde du ballon rond. Mais j’ai eu beaucoup d’admiration pour quelques-uns, car il faut un sacré talent pour parfois gérer un groupe de "nombrils" riches sans même le vouloir.
A Bordeaux, par exemple, depuis 2001 je n’ai jamais remis les pieds dans un milieu où j’ai passé plus de 20 ans et je me suis arrêté à... Elie Baup. J’en ai croisé ou rencontré quelques autres, plus ou moins longuement, mais sur des dizaines d’entre eux, je n’en ai vu qu’un seul qui ne doutait jamais : Guy Roux. Les autres avaient peur du week-end suivant. La plupart du temps, ils ont d'ailleurs été limogés avant la fin de leur contrat, et quasiment jamais dans des conditions très claires, car le complot couvait avant leur départ. En fait, on sent les choses se gâter quand le dialogue n’est plus possible, quand le silence l’emporte, et que les critiques sous le sceau du secret se font précises. Certains le devinent et devancent le camouflet en allant tenter leur chance ailleurs (Elie Baup vient de le faire cette saison entre Saint Etienne et Toulouse, Jean Fernandez également entre l’OM et Auxerre…) à l’intersaison. Ils sont rares. D’autres attendent la sentence avec fatalisme, en sachant que ça fait partie des risques de leur métier. Ce n'est pas pareil en politique !
UN PERSONNAGE DE ROMAN
Au Haillan, le premier que j’ai pu rencontrer fut ce vieux renard de Raymond Goethals. Une figure, un monument, un personnage de roman de Siménon. D’abord fumeur invétéré, il grillait cigarette sur cigarette, tout en parlant avec son interlocuteur qui n’avait même pas de question à poser. Il parlait tout seul, en utilisant sur la table du café tous les objets à sa disposition pour donner de longues et passionnantes conférences tactiques. Il déplaçait, tel un général sorti du rang, les cendriers, les couverts, les verres, pour vous convaincre qu’il avait déniché le coup imparable pour terrasser l’adversaire. Pas un cheveu blanc, car il se faisait régulièrement teindre pour éviter que l’on voit qu’il se faisait du… mauvais sang et surtout qu’il avait un âge respectable. Doté surtout d'un accent inimitable, " Raymond la science " m’impressionnait par son sens extraordinaire du détail. Rien ne lui échappait. Il connaissait tous les joueurs, tous les clubs sur le bout du doigt et ce que l’on prenait pour de la sorcellerie ne reposait que sur une parfaite connaissance du milieu. Il ne livrait ses secrets qu’aux véritables amis, et pour gagner sa confiance, il fallait absolument devenir un ténor de la… belote, car il passait tout son temps libre à regarder tous les matches possibles à la télé, et ensuite disputer quelques " mille " avec des complices de circonstance ou des habitués. C'était un autre temps !
Il avait redressé une situation désespérée laissée par un autre personnage, Luis Carnaglia arrivé d’Argentine par le miracle d’un ou plusieurs transferts, plus ou moins louches. Lui, ne faisait absolument rien. Il était en vacances en Europe et vivait sur sa légende argentine. Lors du premier entraînement au stade de Galin, il avait pris un ballon, pieds nus et torse nu, pour faire le tour du terrain en jonglant. Puis, il s’était approché du groupe de journalistes pour lui signifier, dans un français d’opérette, qu’il n’était pas question, vu la démonstration effectuée, de mettre en doute son talent technique. Il restera en poste… une vingtaine des semaines, et sera viré avec une belle indemnité.

L’ECOLE DE L’EXIGENCE
Dans un tout autre genre, Aimé Jacquet arriva au Haillan sur les conseils du plus merveilleux des joueurs que j’ai pu rencontrer : Bernard Lacombe, actuellement dans l’ombre à Lyon, mais pourtant décisif dans le choix des hommes. Anxieux au possible, méticuleux jusqu’au bout des ongles, consciencieux, sérieux, travailleur infatigable, observateur avisé, le nouveau venu péchait par son manque de charisme dans ses relations avec les médias. Ce fut l’opposé de Goethals.
Joueur de devoir, il avait été formé à l’école Snella, celle de l’exigence et pas celle des paillettes. Il avait connu le travail manuel, la réalité de la vie, car son professionnalisme venait d’une ascension sociale réelle. Il appartenait à la génération des gens qui savaient tout devoir au sport, et pas à celle, qui arrivera plus tard, des pros à qui le sport devait tout. Il ne parvenait pas se dépêtrer des micros et caméras qui l’assaillaient quand les Girondins accumulaient les titres et les campagnes européennes. Il ne sortait que des phrases stéréotypées, dont l’impact s’usa au fil des neufs saisons passées à Bordeaux.
Il eut la chance de diriger un groupe extraordinaire, constitué de joueurs de devoir (Girard, Tigana, Dropsy, Bracci, Domenech, Thouvenel, Specht, Tusseau, Trésor, Battiston…) et de vedettes ne se prenant pas pour des vedettes (Giresse, Lacombe notamment). Tout se gâtera pour lui quand on lui imposera des joueurs moins fiables, avec des têtes mal faites et vides, et que des histoires, sans rapport avec le football, émailleront la vie du groupe. Sans que ceci ait quoi que ce soit de péjoratif, Aimé Jacquet était un " laborieux ". Opiniâtre, ancré dans ses choix, parlant simplement mais directement à son groupe, suscitant par sa droiture le respect autour de lui, il ne m’a pas laissé la même impression quand je l’ai retrouvé, brièvement, à la tête de l’équipe de France. Il était déjà beaucoup plus distant, et avait appris à se protéger davantage, ce qui fit que la presse ne lui pardonna rien. Il fut limogé des Girondins par un Claude Bez dans la spirale de la faillite, et sans avoir compris pourquoi, tout à coup, on avait engagé des artistes, alors qu’il ne réclamait que des ouvriers qualifiés ayant une solide expérience. Ce sont eux qui ont eu sa peau, car ils ne respectaient plus rien sur le terrain et hors du terrain. Lui, qui finira Champion du monde, quitta Le Haillan après tout ce qu’il avait fait, comme un malpropre ! Il n’ira même pas au bout d’une saison ! Il aura sa revanche, mais la blessure était en lui.
UN SOLIDE BON SENS PAYSAN
Elie Baup ressemble à cet Aimé Jacquet des débuts, mais en moins introverti, en plus roublard et avec un humour capable de sauver toutes les situations. Il adore instituer des rapports de forces mais quand il accorde sa confiance, elle est durable. En revanche, son regard noir, sous la visière de la casquette, peut foudroyer quiconque. Solitaire, doté d’un solide bon sens de paysan ariégeois, matois, capable de prêcher le faux pour connaître le vrai, il a fini par être victime de tueurs internes, de tueurs avisés, qui visaient tout simplement sa place sur le banc de touche ou qui ne souffraient pas de voir leur recrutement mis en doute. Elie Baup a la rudesse de son Ariège natale et il faut se lever de bonne heure pour le faire changer de cap. Il saura toujours dynamiser un groupe ou le faire progresser, car il ne pardonne pas l’infidélité ou la trahison sur la pelouse ou en dehors. Il sait tenir dans la bourrasque et ne pas se tromper de route.
A l’inverse, le plus fragile de tous aura été Alain Giresse que Charles Bietry, Président du PSG, couvrait de fleurs avant... quatre mois plus tard de le virer, lui aussi, comme un bon à rien. Le plus pittoresque restera Rolland Courbis dont la faconde, la malice, le parler vrai et le sens inné de l’embrouille, pouvaient faire croire, provisoirement, qu’il réalisait des miracles. Il sortait des résultats de son chapeau, ou dénichait des talents qu’il savait faire… fructifier sur de courtes périodes. Rolland Courbis est le César du ballon rond. Toujours en train de jouer une énième pièce de théâtre, et fataliste quand tombait prématurément le rideau. Etre viré ne lui pose aucun problème, car il sait que ça viendra tôt ou tard et qu'on le fera revenir pour réaliser un miracle !
Bizarrement, je n’ai pas vu l’un d’entre eux quitter les Girondins, la tête haute, le regard fier. Ils ont tous été virés au nom de la dure loi de la rentabilité. Je suis certain que les entraîneurs actuels seront rassurés. Ils pourront bientôt travailler tranquillementj puisque les clubs de football vont entrer en boursej et l’on sait que, par les temps qui courent, les actionnaires préfèreront la belle incertitude du sport, au… détriment de leurs dividendes.
Mais je déblogue...
 
JE VOUS AVAIS PREVENUS MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
http://permanent.nouvelobs.com/medias/20060925.OBS3300.html (cf chronique "Taisez-vous Elkabach" de L'AUTRE QUOTIDIEN)
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