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23 octobre 2006 1 23 /10 /octobre /2006 23:59
L’exercice du pouvoir, quel qu’en soit le lieu et le degré, nécessite une belle dose d’optimisme car il est inévitable que l’on éprouve un sentiment permanent d’insatisfaction. D’ailleurs, même si vous ne l’éprouvez pas, on se chargera de vous mettre face à cette réalité.
 Quoi que vous fassiez, vous pouvez être assuré en effet que l’on ne trouvera que les mauvais côtés de votre comportement afin de les mettre en exergue. Impossible, en plus, de répondre à de telles affirmations sans mettre en cause les personnes, et c’est là que se situe la fracture. D’un côté vous avez ceux qui affirment sans crainte, et de l’autre vous avez celui qui ne peut rien dire sans compromettre des équilibres patiemment concoctés.
On a le sentiment d’être un équilibriste traversant un précipice dans d’incessants va et vient. Le balancier ne protège que faiblement des vents extérieurs, des défaillances possibles, des erreurs les plus bénignes. Il faut pourtant assumer la marche en avant car tout renoncement est vite transformé en une coupable faiblesse.

 L
ES PROCUREURS, LES SILENCIEUX, LES AMIS
D’abord, vous êtes vite dans le collimateur des procureurs, ceux qui prônent de grands principes qu’ils n’appliquent jamais, mais qui en constituent leur fonds de commerce. Elle leur permet de se considérer comme des martyrs de la démocratie. Ils voudraient la voir appliquée partout, mais ne prennent jamais l’initiative de la mettre en œuvre. Quoi que vous fassiez, quelle que soit la liberté que vous leur accordez, quels que soient les égards que vous pouvez prendre, vous portez inéluctablement le masque du tyran, puisque vous incarnez le pouvoir. On vous en affuble chaque fois qu’il y a une crise, sans pouvoir faire valoir des faits précis, car l’essentiel réside dans l’accusation elle-même. Avec le recul du temps, j’ai appris que surtout, dans ces cas-là, il ne fallait surtout pas réagir, car vous accréditez les faits. Vous attendrez simplement qu’une argumentation soit développée pour répondre. Et encore…
Ensuite vous découvrez que les plus dangereux ne sont pas les plus bavards, mais plutôt les plus silencieux. Ils attendent que vous vous plantiez pour se ranger du côté du plus fort, et éventuellement vous conforter ou vous abattre. Dans les batailles, ils baissent la tête, griffonnent sur une feuille ou regardent leurs souliers, gênés qu’ils sont par la moindre réplique un peu musclée.
En général, ils reprocheront au plus véhément des protagonistes son attitude supposée belliqueuse. En fait, ils sont " poulidoristes " et n’aiment guère les vainqueurs, car ils mettent en évidence leurs propres inhibitions. Ils basculeront plus aisément du coté du pauvre vaincu que de celui du large vainqueur. Ces gens adorent le silence qui les rassure, et leur évite souvent de prendre position.
Ensuite, vous n’échapperez pas à vos amis. Ce sont les plus redoutables car, contrairement à ce que l’on croit, on ne peut être trahi que par… ses amis et jamais par ses adversaires. Vous les sentez glisser entre vos doigts comme ce sable fin du désert. Souvent ils deviennent inquiétants, quand ils fuient votre regard, trouvent une belle excuse pour ne pas être à vos côtés quand il y a un avis de tempête, ou quand ils oublient de vous prévenir de ce qui se trame.
En fait, ils cherchent à l’extérieur un moyen de se démarquer en utilisant un tiers facilitateur. Ils filent à l’anglaise pour vous laisser seul régler les comptes. Ils savent qu’en revanche, vous ne pouvez que leur apporter votre soutien, car vous ne souhaitez pas que l’on vous accuse de trahison. Ce fil à la patte de l’amitié et de la parole donnée, a le même effet pour l’homme de pouvoir que le boulet pour le bagnard.

LE CONSTAT EST LE MEME
Observez bien dans la période pré électorale actuelle combien ces typologies sociales sont répandues. Au plus haut niveau de l’Etat comme au plus bas de l’échelle, le constat est le même : il vaut mieux se garder à gauche, se garder à droite, ne jamais tourner le dos et toujours se méfier d’une réaction trop vive. On peut, par exemple, oublier de vous convoquer ou oublier de vous informer, mais ce n’est pas à vous de le faire remarquer. Toute tentative pour justifier votre absence, tout débat sur la forme, seraient vains. Force est de reconnaître que l’on vous accusera vite de refuser le débat, alors que vous n’osez même pas l’entamer. En revanche, si vous réagissez à une attaque imprévue et dans laquelle vous n’avez aucune responsabilité, on y verra justement la preuve de votre intolérance et de votre tyrannie. Il faut choisir la bonne tactique au bon moment.
Tout l’art de " gouverner " repose sur votre capacité à voir venir les événements. Les meilleurs femmes ou hommes de pouvoir sont celles et ceux qui ne se fient jamais à leurs bons sentiments et à leurs amis… apparents. Je ne cesse de répéter que, pour mériter la confiance des autres, il faut avoir conquis quelque chose, mais surtout pas en avoir hérité. Et l’on sait que toute conquête fait des morts, des blessés et des insatisfaits… mais quand une fois vous avez figuré dans la liste de l’une de ces catégories, vous pouvez ensuite être plus efficace.
Par exemple, il est indispensable de savoir que plus une personne prétend vous soutenir, plus vous devez vous en méfier, car si elle n’a pas d’arguments véritables, son appui s’effondrera en quelques minutes. Mieux, évitez de rendre, surtout les gens sur qui vous comptez, redevables de quoi que ce soit : ils finiront par devenir vos ennemis car ils savent que vous savez et ils vous le feront payer. Je constate chaque jour ou presque que ce principe constitue la base des comportements. Vous n’en faites jamais assez pour certains. Vous constatez que vous en avez trop fait pour d’autres.

DES CHAMPS EXPERIMENTAUX EXTRAORDINAIRES
Les partis politiques, faits pour conquérir le pouvoir, sont des champs expérimentaux extraordinaires. Surtout ceux dans lesquels on a semé des graines à la hâte. Le syndrome de l’efficacité militante a toujours pris le pas sur toutes les autres considérations. Dans ce champ clos où tout le monde est censé appartenir à la même armée, l’ami d’un combat peut devenir l’ennemi d’une guerre. Il n’y a pas, dit-on, de vainqueurs et de vaincus, mais des majoritaires et des minoritaires. La nuance est importante car dans le premier cas vous aurez du mal à revenir à la surface alors que dans l’autre il suffit de mettre son drapeau dans la poche au bon moment pour changer de statut. Accepter de construire son pouvoir sur le terrain très limité d’un parti conduit inévitablement à perdre son intendance. Mieux vaut le savoir en arrivant. Un rapport de forces redistribué en permanence va décider de votre avenir.
Le maillot jaune a besoin d’une équipe solide pour contrôler les échappé(e)s éventuellement dangereux. Partout la situation est la même. Plus un coureur annonce qu’il ne veut pas autre chose qu’un bouquet de temps en temps, et plus il faut se méfier de ne pas lui laisser prendre trop d’avance. Il est donc plus prudent de ne pas montrer sa force trop souvent, et de se préserver pour le sprint final ou le fameux dernier kilomètre… Il vous faudra des jambes et beaucoup de lucidité, car il n’y a jamais de victoire acquise avant que vous ayez passé la ligne d’arrivée.
Dimanche, une proposition a surgi dans le paysage : le contrôle antidopage. Il serait effectué par des jurys de citoyens tirés au sort, ce qui permettrait d'instaurer "une surveillance sur la façon dont les élus remplissent leur mandat". Ils fonctionnerait "à partir d'un certain nombre d'indicateurs que l'on pourrait démocratiquement mettre en place". Un vaste programme, qui verrait les femmes et les hommes de pouvoir traduits devant des tribunaux populaires et perdre ainsi toute légitimité sur le principe politique numéro 1 de la vie sociale actuelle : celui de la Star’Ac et de la télé réalité. Je suis certain qu’il y a des villages où le spectacle sera à la hauteur des espérances de la productrice ! Je suis certain que les vocations pour le jury seront plus nombreuses que celles pour y comparaitre!
Mais je déblogue… 
 
JE VOUS AVAIS PREVENU ET VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU.....
Relire la chronique "Place nette partout" du 22 août dernier
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23 octobre 2006 1 23 /10 /octobre /2006 07:34
Je vais finir par croire que l’expression libre dans notre pays est un exercice théoriquement possible mais réellement impossible. Depuis maintenant plusieurs jours que je diffuse sur L’AUTRE QUOTIDIEN une rubrique quotidienne, je ne cesse de recevoir des messages divers et variés correspondant à des menaces larvées. Jamais directement, mais plus insidieusement à travers des propos tenus dans des conciliabules moins secrets que leurs espoirs ; par des échanges de mails récupérés me mettant en cause; par des coups de téléphone comminatoires; par des détournements du regard quand je rencontre les personnes réputées influentes; par la gêne de mes amis qui ne supportent plus mes publications. Je le vérifie sans trop d'efforts. Je le sens à travers beaucoup de signes avant-coureurs. Dramatique pour la conception que j’ai de la démocratie, mais révélateur de ce qui nous attend dans les prochains mois.
Il me faut donc faire face à trois types d’attaques similaires reposant sur un nouveau concept démocratique : celui qui cherche à exister, sans intérêt financier, sans ambition politique, sans un pouvoir à conquérir, est forcément un traître à abattre, une sorte de Ganelon dont on ne comprend pas le comportement.
Le milieu médiatique se pose des questions sur mon attitude, et ne se gêne pas pour réagir en douce ou me mettre au ban des renégats. Les élus ou les responsables politiques de tous bords sont unanimes, et se demandent quelle mouche m’a piqué. Ils cherchent à savoir qui je peux bien servir, car pour eux, comme beaucoup, aucune vérité n’est bonne à dire sauf quand elle revêt un intérêt majeur pour sa carrière. Mes pires ennemis se trouvent parmi celles et ceux qui devraient soutenir mon initiative, et se dire qu’il vaut mieux que ce soit moi qui occupe ce créneau du parler vrai que d’autres à qui on le laisse trop facilement. En plus, bien évidemment, quand le pouvoir royal sen mêle, la lettre de cachet n’est pas loin. Derrière mon clavier, en entre Deux Mers, j’agace singulièrement. J'en ai encore eu conscience hier.
Les entourages chargés de faire du lobbying en faveur de celles et ceux qui doivent être les seuls à s’exprimer, et donc à exister, ne m’aiment guère car je perturbe leurs plans de communication. Je dévoile ou détruis parfois les salades qu’ils doivent vendre à un public non averti. J’ai  ainsi traversé des moments difficiles avec des annonces " que je n’aurais pas du faire " ou des analyses "qu’il ne faut faire qu’autour d’une table" dans le secret supposé de l'arrière salle d’un café. La méfiance s’est installée et, au nom de l’amitié qu’ils me portent, certains d’entre eux ne cessent de m’inciter à me calmer. Des mots doux du genre " A bon entendeur salut ! " me sont adressés par leurs conseillers.

LE DOUTE DOIT ANIMER CHACUN DES ACTES
D’abord les plus virulents sont ceux qui ont l’habitude de faire la pluie et le beau temps dans les médias. Ces professionnels de tous bords scrutent discrètement le contenu de ce qui leur parvient le matin. Et voir un blog qui essaie d’être indépendant drainer, chaque jour, plus de 1 100 lectrices et lecteurs différents et avoir nettement plus de 225 abonnés fidèles commence à inquiéter.
Il serait de fait interdit, au nom de je ne sais quel principe, pour un citoyen ordinaire, de participer à l’information des autres. Cette tâche incomberait aux professionnels dont on sait qu’ils sont habilités à délivrer la vérité. L’AUTRE QUOTIDIEN ne prétend justement pas à la vérité et donc ne saurait leur faire de la concurrence. Personne n’est d’ailleurs obligé de respecter ce qu’il propose, car personne n’effectue un acte d’achat d’un outil de presse. Son rédacteur n'est redevable à l'égard de personne, et  n’a qu’une seule et unique certitude : le doute doit animer chacun de ses actes ! J’essaie donc de ne rien prendre pour information respectable. Je fouille. Je cherche. Je creuse, pour essayer de me rassurer et ensuite de pouvoir transmettre ce que je ressens. Il y a donc une source directe ou indirecte à chacun des faits rapportés et je peux en justifier l’origine car Internet permet au minimum de se documenter avant d’écrire.
Ensuite, bien évidemment, toute analyse a sa part de subjectivité, mais au moins la mienne est assumée et reconnue. Pour ne pas employer la langue de bois, je suis bien obligé de reconnaître que je n’ai plus beaucoup de relations très amicales avec un grand quotidien régional très connu. Il suffirait que je conte par le menu la tonalité de quelques conversations pour en apporter la preuve…
Mais moi aussi, comme beaucoup d'autres, je suis contraint de pratiquer l’auto-censure. Je l’assume en toute conscience et je le reconnais : je ne peux pas tout vous raconter pour ne pas aviver un conflit latent. J’ai donc réussi, en un an, à me fâcher avec les tenants du pouvoir médiatique local, car ils n’aiment pas qu’on leur tienne tête. Je suis considéré par ces gens qui comptent comme un traître… et peu d’entre eux osent depuis plusieurs semaines me téléphoner ou déjeuner avec moi. Bizarre, mais ils ont oublié mon numéro !

LES REPRIMANDES SONT DISCRETES
Dans le milieu politique j’ai réussi à faire l’unanimité contre L’AUTRE QUOTIDIEN. Les réprimandes sont discrètes (sauf une lettre qui aurait circulé mais que je n’ai jamais reçu), mais réelles. Mes connaissances à l’UMP (eh oui, j’en ai) ou mes amis supposés du PS sont sans indulgence. Pour les uns je suis devenu dangereux et pour les autres j’appartiens à la pire des catégories, celle des " sociaux traîtres ".
En général, cette classification dans une caste méprisable est décidée par une autre catégorie dite des " sociaux opportunistes "… Elle n’aime pas du tout, mais pas du tout, que l’on mette en évidence ses arrières pensées sur les routes du pouvoir. Toute vérité n’est surtout pas bonne à écrire, car les complots se préparent uniquement oralement. J’ai été déjà " convoqué " pour m’expliquer, en tête à tête ou avec témoin, avec des personens qui affirmaient avoir été maltraitées. J’ai déjà eu le privilège de recevoir des courriers de lecteurs courroucés par le ton et le contenu de certaines chroniques.
Mes amis ne sont pas mieux, car ils me reprochent implicitement de mener un combat qui les met mal à l’aise et j’en suis arrivé à éviter de citer des noms pour éviter de me faire attaquer au " pénal " interne.
J’ai souvent l’impression que je vais trop loin, avec trop de sincérité et de passion, et de mener un combat que personne ne m’a demandé de mener, ou n'a pas trop envie de me voir mener. J’éprouve les mêmes sensations qu’un soldat en première ligne sur qui l'on tire alors que les officiers son tranquillement installés dans les casemates. J’attends la balle qui va me clouer au sol et me ramener aux réalités. Je prends date avec cette chronique, car j’en ai déjà entendu deux ou trois siffler à mes oreilles. La prochaine...

FOURBIR LEURS ARMES
Il me reste à surveiller mes arrières, car les tueurs à gages des idées différentes viennent de fourbir leurs armes. J’ai entendu le cliquetis dans quelques bureaux, et les " services secrets " dont on a forcément besoin pour survivre m’ont donné deux ou trois tuyaux. Ces gens-là sont parfois plus exigeants que leurs commanditaires. Ils savent fomenter une pseudo révolte, préparer un guet-apens, monter une embuscade. On ne les voit jamais, car le propre de leur action c’est la discrétion. Ils ressemblent un peu à des gardes du corps idéologiques, comme il existe des gardes du corps physiques. L’AUTRE QUOTIDIEN leur pose un problème réel, car ils ne savent pas par quel bout le prendre. Trop l’attaquer, c’est le valoriser. Trop le dédaigner, c’est risquer une mauvaise surprise. Il faut donc essayer de le surveiller et de temps en temps envoyer un signal d’alerte vers son auteur " bien vivant ".
Classé samedi matin troisième et hier matin quatrième sur 406 978 blogs de la plate-forme " over blog.com ", et toujours second (devancé par un blog professionnel du FN) des 5 048 références de la rubrique " politique ", L’AUTRE QUOTIDIEN est devenu un sachet journalier de poil à gratter, et un enjeu qui me dépasse. Il n’est pas lié à un mandat électif à conserver, à un statut national à valoriser, à un courant à médiatiser, à un club à populariser, et c’est probablement là son principal malheur. Dans le fond, c’est bien fait pour moi. Je n’ai jamais su me contenter des apparences. Il suffirait que je la ferme, et que je le ferme, pour m’enlever un gros poids sur la conscience et me redonner les huit heures du sommeil de l'indifférence.
Mais je déblogue… 
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22 octobre 2006 7 22 /10 /octobre /2006 09:38
On prétend que les Français les plus privilégiés peuvent actuellement pratiquer les fameux "trois huit" que le code du travail a eu du mal à digérer. Cette périodicité rythme leurs journées quand il n’y a pas de vacances. En effet, selon les analystes nous devrions effectuer en règle générale 8 heures de travail, 8 heures de loisirs et 8 heures de sommeil réparateur. Ce serait le meilleur déroulé pour tenir longtemps dans la vie.
Il fut une époque où les épuisantes "trois huit" avaient une toute autre signification.
En fait, l’idéal de cette répartition d’une journée a beaucoup évolué au fil du dernier siècle, avec l’apparente réduction du temps de travail, et le soit-disant accroissement de la durée des loisirs. Les réalités sont en effet bien différentes de ce que l’on croit, tant des contraintes nouvelles pèsent sur notre emploi du temps quotidien.
J’ai la certitude que vous avez toutes et tous pensé que 24 heures maintenant ne correspondaient plus aux 24 heures d’antan. Nous avons l’impression que le temps s’est réduit en raison du nombre de sollicitations dont nous faisons l’objet. Nous n’avons, selon une expression permanente, " jamais le temps de tout faire ! ". Ce paradoxe sur la journée vient essentiellement de la pression des événements, et de ce que nous appelons nos obligations. Nous courons après l’espoir d’arriver à remplir parfaitement une journée.

POUVOIR D’ACHAT ET QUALITE DE VIE
Dans le monde du travail, on voit bien que la polémique autour des 35 heures va se situer au coeur de la campagne présidentielle. La loi Aubry, dont il faut avoir le courage de reconnaître qu'elle est plus ou moins difficile à appliquer selon les secteurs d’activité, va se faire dépecer, pour que la notion de revenus et de pouvoir d’achat l’emporte sur celle de la qualité de vie. Il est certain qu’en dehors de Laurent Fabius, tous les autres candidats actuels, de droite ou de gauche, vont avec délicatesse ou robustesse, mettre à mal ce qu’ils considèrent comme une erreur politique.
L’évolution qui n’a pas été prise en compte dans le calcul de ce fameux temps de travail effectif, c’est l’impact croissant qu’ont, sur le rythme quotidien des gens, les déplacements. Quand un salarié, ayant été obligé de construire ou d’habiter à plus de 30 kilomètres de son lieu de travail, passe sur la rocade bordelaise et laisse une heure de son temps le matin et le soir, nul ne songe à les rajouter à ses 35 heures. Or, on sait bien que ces heures sont perdues pour son employeur mais aussi pour… ses loisirs ou son sommeil.
Quand un collégien du Créonnais se lève effectivement à 6 h 30 et regagne sa maison à 18 h 30 pour emprunter les circuits de ramassage scolaire, ou quand un lycéen non pensionnaire part de chez lui durant 12 voire 13 heures, il est difficile de croire en une véritable amélioration des temps de vie. Et encore, ces réalités sont bien pire dans la région parisienne où les déplacements " mangent " une vie active au moins autant que d’autres obligations professionnelles.

GRANDS, MOYENS ET PETITS DORMEURS
En ce qui concerne le sommeil, la situation n’est pas meilleure. Chez un adulte, en moyenne, sept heures et demie à huit heures sont nécessaires : il y a ainsi 60 à 70 % de moyens dormeurs. 10 à 20 % des individus sont de grands dormeurs pour qui neuf à dix heures sont indispensables. Restent 4 à 10 % de petits dormeurs qui peuvent se contenter de quatre à six heures. En fait, quelques heures supplémentaires ne seraient pas superflues pour certains d'entre eux...
Les besoins augmentent après des travaux physiques ou intellectuels accrus, lors de changements de vie, d'activité, parfois en période dépressive ou de tension, lors d'une maladie, des menstruations, de la grossesse. Et, bien sûr, ils varient avec l'âge. Mais malheureusement, peu de parents tiennent comptent de cette réalité. On sait qu’en France, une part de l’échec social et scolaire vient de ce non respect des besoins en terme de repos pour les enfants et les adolescents. Parfois ce sont les contraintes même du système scolaire qui conduisent à ces aberrations (transports + travail à la maison) mais souvent, il ne s’agit que d’une marque de faiblesse de l’autorité parentale. Il n’y a pas une nuit, quel que soit le climat, où l’on ne trouve des groupes de mineurs, déambulant dans les rues de Créon, ou consommant du carburant en tournant des heures en rond avec leurs scooters.
A la naissance, les enfants dorment en moyenne 17 heures par 24 heures, à 1 an, la durée de sommeil est de l'ordre de 15 à 16 heures , entre 3 et 5 ans, à l'âge de la maternelle, la moyenne est de 12 heures dont environ 10 à 11 sont nocturnes, entre 6 et 9 ans, la fourchette est de 11 à 13 heures… et au collège on estime qu’un adolescent a besoin, pour être opérationnel le lendemain matin, d’une nuit de 9 heures; or de très nombreux enseignants constatent que, durant les cours, le taux de " dormeurs " physiques devient de plus en plus important. Il n’est plus rare de constater qu’un lycée ronfle littéralement par manque de repos. Il existe donc déjà un fort déséquilibre dans les rythmes.

ABSORBER LE DEBORDEMENT DES AUTRES
Pour les loisirs, c’est un mythe de croire que le temps qui leur est consacré a augmenté. Ce ne sont que des apparences, car le troisième tiers d'une journée absorbe les débordements des autres. On prend souvent sur cette fraction de la vie quotidienne, les nécessités imposées par les occupations complémentaires du temps de travail qui n’existaient pas antérieurement. Ce temps libre devrait permettre de participer à plusieurs activités autres que de survie ou de reproduction, ainsi s’investir dans des associations, des partis politiques, des clubs sportifs, développer ses compétences ou exercer une activité différente de celle que l’on pratique professionnellement.
Il est extrêmement difficile de déterminer si le phénomène a été accompagné ou non d’un développement de l’activité intellectuelle, alors que les sports libres de plein air (randonnées pédestres, vélo, natation….) se répandent.
Difficile aussi de savoir si ne se développe pas une sorte d’activisme des loisirs, qui nous amène à neutraliser nous-même en activités diverses ce qui aurait pu constituer, avant mobilisation à d’autres fins, un temps le loisir. Force est de constater, par exemple, que le problème du manque de temps semble en augmentation et non en diminution depuis les années 60 au moins dans les grandes villes et même dans les villages : qui trouve encore le temps aujourd’hui, d’une partie de belote hebdomadaire au café avec des amis, qui trouve le temps d’aller au cinéma de proximité, qui trouve le temps d’aller dans un musée ? C’est fini.
Internet est en train de ronger une bonne partie du temps libre, au détriment des sorties. Nous ne nous dépaysons que virtuellement, et beaucoup moins physiquement. D’ailleurs le monde du tourisme est de plus en plus inquiet sur ce phénomène qui, avec le DVD et l’explosion des chaînes de télévision, réduit considérablement l’envie d’aller voir ailleurs ce qu’il peut y avoir d’intéressant.
La mutation des " trois huit " est en cours. Elle va bouleverser les rapports sociaux et ne laisser à la vie collective qu’un espace réduit.
La fatigue physique, le stress vont accentuer leur pression sur un temps de travail paradoxalement réduit mais beaucoup plus exigeant. Le sommeil va perdre de son importance et la médication, naturelle ou pas, va s’accentuer pour gommer les effets néfastes de sa diminution.
Les médecins sont formels : les déséquilibres deviennent extrêmement préoccupants dans la mesure où la chronologie biologique des individus ne se modifie pas fondamentalement. D’ailleurs, je vais aller au lit… de suite, pour retrouver une apparence de rythme normal de vie.
Mais je déblogue… 
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21 octobre 2006 6 21 /10 /octobre /2006 07:48
Il fut une époque où, dans les écoles de la République, on ne supportait pas l’utilisation de la main gauche. J’ai souvenir d’un malheureux copain à qui on attachait le bras dans le dos pour le forcer à utiliser sa main droite. Impossible pour lui de s’exprimer, ou de protester contre cette torture morale, car l’opinion dominante n'admettait pas que l’on soit différent. Elle prédisait aux gauchers un sombre avenir, et leurs souffrances morales furent parfois terribles.
Impossible, dans notre société moderne, de se réclamer sans risque de cette particularité physique, mais il apparait pourtant que 10 à 13% de la population reste gauchère, en dépit de la pression sociale. Les " gens de gauche " doivent posséder un atout évolutif caché, une sorte d’inspiration que les autres n’ont pas. Il n'est pas possible de déterminer si leur préférence à être de "gauche" est un phénomène génétique ou si elle est liée à l'imitation des parents. Mais, il faut bien convenir qu’il y a, dans les familles, un fond social important puisque moins de 10% des enfants qui ont deux parents droitiers sont gauchers, alors que plus de 35% des enfants de gaucher le sont également… Si on ne naît pas à gauche, il faut bien admettre qu’on est donc fortement influencé par le milieu dans lequel on va grandir.
Si de savantes études montrent que les "gauchers" ont toujours existé, ils restent minoritaires. Mais cette stabilité est étonnante : si être de gauche présentait un avantage, le phénomène aurait dû se généraliser et, inversement, la "gaucherie" devrait disparaître si elle était un handicap. Or, par les temps qui courent, cette théorie est en train de tomber. Il ne parait pas très productif de faire valoir sa différence en une période de modernisme triomphant. A en croire même certains, il faut être ambidextre pour réussir ! En fait, quand on se penche un peu sur les analyses réalisées, on classe rapidement les " anormaux " en trois catégories : les gauchers " méprisés ", les gauchers " tolérés " et les gauchers " admirés ". Inutile de chercher d’autres cas répertoriables, ils n’existent pas.
Bien des expressions du langage courant, " être gauche ", sinistre individu ", "se lever du pied gauche", "être le bras droit de quelqu’un", " faire preuve de droiture morale ", " levez la main droite et dites je le jure "… témoignent de préjugés séculaires qui considèrent que la gauche est inférieure à la droite. Si les différentes théories en présence ne permettent pas de savoir avec exactitude pourquoi l'homme a choisi d'être droitier, on peut penser que la résolution de cette question se trouve moins du côté de la physiologie que du côté du symbolique. La supériorité de la droite, dans les systèmes de croyances primitifs, est conçue comme un idéal auquel l'homme doit se soumettre. Et la Bible va, en de nombreux passages, affermir cette tradition. Il est évident que le côté droit désigne le juste, la vertu tandis que la main gauche cristallise tous les tabous et toutes les craintes des sociétés.

IL VAUT MIEUX ETRE "ADROITE" QUE DE "GAUCHE"
Les pratiques magico-religieuses, les superstitions, les coutumes, les rites de la vie quotidienne, les références culturelles confirment cette opposition symbolique. Dans les relations sociales, la prééminence de la main droite sert à magnifier les comportements et à organiser les rapports hiérarchiques entre les personnes : elle garantit la pérennité de l'ordre établi. En s'affirmant gaucher, l'homme défie les équilibres de ce monde, que Dieu lui-même avait voulu de droite. Or, on assiste à un retour en force de l’ordre établi et surtout des normes sociales les plus simplistes possible. Etre de " gauche " c’est donc appartenir à un monde désuet qui n’a plus lieu d’être. Désormais, il vaut mieux, depuis quelques temps, être " adroite " que " gauche " tant la notion d’image policée est importante. Baudelaire a parfaitement illustré ce sentiment de mal être qu’éprouvent les idéalistes ayant en plus le défaut d’être gauchers.
" …Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid..! "
C’est la sensation que peuvent éprouver certains militants quand ils se retrouvent confrontés avec l’image que leur renvoie l’opinion dominante. Les médias ne cessent de leur rappeler qu’il n’y a plus de crédibilité chez les " gauchers " qu’il ne faut surtout pas confondre avec les " gauchistes " et les " gauchos ". Il arrive même que, comme les menuisiers, des commentateurs bien pensants s’efforcent de " dégauchir " les esprits. C’était extrêmement perceptible sur la folichonne chaîne de télé parlementaire mardi soir, après le débat entre les présidentiables. Fabius parait être le " gaucher de service ", celui qui ne porte pas les valeurs du moment. Une véritable "curée" de génies le poursuit, afin de lui verrouiller l’esprit, pour qu’il revienne à son mode de pensée antérieur. Ils étaient tous unanimes, c’est un " gaucher contrarieur ! " La pire espèce après celles des " gauchers repentis ! " Non et non : pas de ça chez nous!

COMBAT POUR LA SURVIE D’UN CONCEPT GENEREUX
La mode actuelle ne tolère plus de références à ce que l’on considère comme des débats dépassés. C’est ainsi que l’on forge lentement mais sûrement le concept du " gaucher méprisé ", celui dont l’avenir n’a aucun intérêt. Il y a des scientifiques, dont le travail consiste à vulgariser l’idée que leur combat pour la survie d’un concept généreux, reposant sur la liberté, l’égalité et la fraternité ne correspond pas à l’air du temps. Ils existent depuis des décennies et passent leur temps à expliquer qu’ils ne sont pas de droite mais qu’il ne faut surtout pas tolérer les forces de gauche. A titre d’exemple, Léonard de Vinci qui fut certainement " l’homme de gauche " le plus célèbre, fut accablé par une série de commentateurs " avisés " pour en arriver, en 1899, à l'avis symbolique d'Eugène Müntz qui affirma, sans sourciller, au sujet de celui qui démontra un génie aux multiples facettes : "une sorte d'infirmité cependant se mêlait à ces aptitudes extraordinaires : il était gaucher".
Rien n’est épargné à ceux qui se trouvent dans l’impossibilité de supporter autre chose que le diktat d’une manière d’agir non conforme avec leurs sensations profondes. Il faut savoir que l'intolérance à l'égard des gauchers culmine entre le dernier tiers du XIXe siècle jusqu'à la première Guerre mondiale, car la culture bourgeoise domine la pensée, et rejette tout ce qui ne contribue pas à l'ordre et à l'uniformité. Mais, paradoxalement, les gauchers ont aussi eu à souffrir des valeurs humanistes et républicaines, défendues par l'école, puisque l'instruction publique imposait l'usage de la main droite pour écrire. Le mépris à leur égard sous tend parfois une volonté de ne penser qu’en terme d’utilité, en considérant qu’ils ne sont que marginaux dans la société actuelle.

ILS NE GENERENT AUCUN DANGER PARTICULIER
Il arrive que l’on trouve aussi des gauchers " tolérés " car leur comportement ne génère aucun danger particulier. On accepte qu’ils développent leur talent, et même parfois on les utilise quand les nécessités du moment l’exigent. On les utilise parfois sur des chantiers pour des tâches particulières qu’eux seuls peuvent accomplir. On leur demande d’exprimer leur différence en sachant que ce ne sera que temporaire, qu’ils auront ensuite à batailler dans le monde de droite avec leurs seules capacités d’adaptation pour surmonter l’adversité. Ils arrivent à se rendre indispensables pour améliorer les résultats collectifs, et les droitiers savent les flatter pour obtenir d’eux un coup de main gauche.
La particularité de ce statut tient au fait que ces gens se constituent souvent en réseau et qu’ils cherchent à toujours rester avec les " normaux ", à ne pas se distinguer, à obtenir le soutien du plus grand nombre. Il ne leur viendrait pas à l’esprit de tenir un discours qui fâche et, au contraire, ils s’accrochent à ce qui doit leur permettre la meilleure intégration. Les gauchers " tolérés " ont pignon sur rue, et leurs adversaires leur reconnaissent une certaine originalité et un certain talent, tant… qu’ils ne se montrent pas trop supérieurs aux autres.
En revanche, le clan des " gauchers admirés " est très restreint. Si la gaucherie était une aberration physiologique qui contrariait la logique du monde, la capacité du gaucher à accomplir tant de choses, en domptant sa main gauche, a pu parfois forcer l'admiration. Platon, César, Napoléon, Chopin, Einstein, Picasso auraient été des hommes de gauche si l’on se fie à certains récits les concernant. Or, ces personnalités n'étaient en rien gauchères et ont sans doute bénéficié du "syndrome Leonard", qui est le modèle du génie universel et la figure de proue des gauchers. On ne prête qu’aux riches !
Peu importe, dans le fond, de savoir à quelle catégorie on appartient quand on est entré dans le monde de la Gauche, car l’essentiel c’est s’assumer son choix. Que l’on y soit méprisé, toléré ou admiré… il ne faut pas rêver : on y est condamné à la réussite ou à la marginalisation.
Mais je déblogue…
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20 octobre 2006 5 20 /10 /octobre /2006 08:11
J’ai quitté la maison hier matin à 7h 30, et me voici à l’approche du basculement dans aujourd’hui, seul face au rectangle blanc d’une nuit noire. Plus de 16 heures consacrées à la vie publique, à courir de Créon à Bordeaux, du Conseil général au Conseil régional, pour aller plaider la cause d’un dossier européen sur les places des villes bastides, pour récolter une aide pour un projet autour du développement de la voie verte Lapébie, pour tenter de convaincre le Président de la région de s’engager dans une véritable politique en faveur du vélo, pour préparer justement la journée du 1er décembre, où Créon inaugurera ses aménagements en faveur des déplacements doux. Sur la pointe des pieds, aussi discrètement que possible pour ne pas froisser des susceptibilités, j’ai tenté de " pousser " des opérations en préparation. Le travail est extrêmement ingrat, car il faut avoir un moral d’acier pour croire en son influence dans un monde où tout relève désormais du lobbying.
Quand les réalisations arrivent, elles ne sont que la partie visible d’un iceberg d’efforts. Rares sont celles et ceux parmi les citoyens qui en ont conscience puisque rien, absolument rien, ne permet de mesurer cette réalité. On ne perçoit que les qualités ou les défauts de ce qui apparaît. On ignore que, parfois, il a fallu antérieurement des mois, voire des années, pour franchir les obstacles, et se sortir des sables mouvants administratifs.
Je ne donnerai jamais tort aux personnes qui affirment, qu’en France, il ne faut pas avoir d’initiatives… originales, ou qui n’entrent pas dans les normes technocratiques. D’ailleurs, souvent, l’astuce consiste à travestir son concept pour le glisser adroitement dans le tiroir que souhaite votre interlocuteur. On a toujours le temps ensuite de lui restituer sa destination initiale, quand il a accordé son soutien et les fonds qui vont avec. Cette tactique dite de " l’adaptation fonctionnelle " suppose au moins autant de créativité que celle qui est nécessaire pour monter le dossier. Elle n’est possible qu’en renonçant à son ego, car il faut souvent concéder à votre interlocuteur qu’il a eu l’idée avant vous, et lui démontrer qu’il en tirera tout le bénéfice. Cette journée ne m’aura pas persuadé de l’évolution de ces constats. Bien au contraire.

UNE IMMENSE USINE A GAZ
Si je voulais en effet démontrer que l’Europe n’est qu’une immense usine à gaz, sans aucun intérêt réel pour une collectivité de base, je cèderais à la facilité de vous conter les avatars du programme Interreg proposé, avec les villes neuves du Moyen Age, espagnoles et portugaises, par le Centre d’Etudes des Bastides, et notamment celles de Gironde. Il a fallu une conviction passionnée des responsables du CEB, les conseils avisés d’une éminente spécialiste des fonds européens, des dizaines d’heures de travail collectif pour déboucher sur une approbation miraculeuse par le Comité de sélection du programme proposé. En effet, seulement deux des dizaines de dossiers présentés furent retenus pour une exécution sur 3 ans entre 2004 et 2007, dont le nôtre. Ce succès flatteur allait en définitive générer une cascade de problèmes. Fournir des kilos de documents originaux, veiller à ce qu’il ne manque aucun tampon, faire et refaire des attestations pour seulement avoir le droit de prétendre au label " Interreg ", créneau destiné à favoriser les rapprochements entre régions frontalières…
Il est ensuite impossible de narrer les péripéties de cet aventure hors du commun, consistant à mettre en œuvre des directives européennes, tant elles paraîtraient exagérées. Et pourtant, après des réunions multiples, des ajustements techniques permanents, des contrôles pointilleux, de nombreux justificatifs, nous n’avons pas encore touché, trois ans plus tard, un seul des € promis… Une dramatqiue course de lenteur existe, dans un maquis de procèdures, toutes plus tordues les unes que les autres. Les règles changent. Les remboursements aussi. Les fonds restent sur des comptes d’attente : même Kafka ne s’y retrouverait pas.

TROIS ANS APRES TOUJOURS RIEN
Il est vrai que le cheminement est simple : l’association girondine doit par exemple transmettre ses dépenses, dans un créneau temporel déterminé, au chef de projet (le CEB) qui les rassemble, les adresse ensuite à une cabinet d’expertise comptable, avant de les envoyer au… Conseil régional de Midi Pyrénées qui doit les vérifier et les tamponner. Les pièces partent ensuite au … Comité Interreg Sud-Ouest européen basé à San Sébastien pour finir des mois et des mois plus tard sur le bureau d’un fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur du gouvernement central espagnol, à Madrid, qui calculera la part subventionnable. Trois ans après il n'a toujours rien calculé. Résultat simple : les associations sont en cessation de paiement, car elles n’ont absolument plus de trésorerie ! Du coup, leurs responsables bénévoles se demandent ce qu’ils sont allés faire dans cette galère. Ils sont obligés de financer, sur leurs propres deniers, les emplois créés et assumer tous les frais inhérents au projet.
Hier, je suis allé tenter de trouver une porte d’entrée, pour bénéficier de crédits Feder (ce ne sont pas les mêmes que les autres) destinés à la rénovation de la Place centrale de la bastide. Notre interlocutrice nous a demandé quelques jours de réflexion, car il lui faut une interprétation pointue de textes européens aussi abscons que restrictifs pour trouver un " angle d’attaque " du dossier. Tout l’art consiste, en effet, à dénicher la bonne filière. Résultat : à peine 40 % des crédits européens attribués à la France sont consommés et le reste, inutilisé, repart dans les caisses à Bruxelles faute de projets conformes. Une véritable catastrophe pour les porteurs d’une initiative de base. C’est devenu tellement absurde que des cabinets spécialisés privés se font maintenant rémunérer au pourcentage sur les subventions obtenues. Ils aspirent donc une bonne part des crédits alloués… qui ainsi partent vers de l’abstrait, alors qu’ils devraient servir à des réalisations effectives. Cette Europe du quotidien, de base, détachée des grands enjeux économiques ou politiques, donne une image pitoyable d’un système complexe à souhait.

DENICHER L’OISEAU RARE, ACTIF, DYNAMIQUE
La France n’est pas en reste, car elle prend un malin plaisir à accentuer la distance entre le départ de l’idée et l’arrivée des soutiens. En effet, si une commune veut s’engager dans une coopération européenne autour d’un objectif précis, il lui faudra désormais avoir l’aval de son intercommunalité (communauté de communes) et surtout, depuis quelques années, elle ne pourra bouger le petit doigt qu’avec la bénédiction de son... pays. Pas l’Etat, mais un conglomérat d’intérêts disparates, qui est censé réguler et harmoniser les politiques sur un territoire, mais qui, en fait, ne sert qu'à ralentir tous les dossiers. Pour l’Europe, le département n’existe heureusement que très peu… Vous vous rendrez donc à la case région  en passant donc par celle de votre Pays. Mais attention, pour entrer dans une filière européenne, il est indispensable que vous trouviez un ou des partenaires éligibles aux fonds Feder en France ou à l’étranger. C’est pire que jouer au loto ou au Millionnaire, car seule la chance vous permettra de dénicher l’oiseau rare, actif, dynamique, compétent, prêt à prendre le risque de payer pour ne rien avoir !
Vous devrez donc vous rendre dans des sortes de foires aux projets européens, où viennent des associations ou des élus de diverses nations, avec une table, et des photocopies dans toutes les langues de leur dossier, et vous tenterez d’accrocher au passage l’intérêt de l’un de vos collègues. Un bon contact et c’est peut-être le début de longs voyages en Europe, à vos frais, pour négocier le partenariat et formaliser les accords possibles. Il est important de savoir qu’il vaut mieux mettre le cap vers l'Est et les fameux pays émergeants qui sont maintenant prioritaires pour l’attribution des fonds européens. Ainsi, pour l’aménagement de la Place de la Prévôté et ses arcades, la destination Pologne, Lituanie, Roumanie, Estonie, Hongrie... est fortement recommandée, car il y aurait des " villes neuves du moyen âge " à rénover !
Retour vers votre " pays " (la fausse bonne idée des regroupements territoriaux) qui peut accepter ou refuser de " porter " le bébé. Si vous êtes expédié aux pelotes, il sera nécessaire de tout recommencer avec vos partenaires dans leur pays (leur Etat), dans lequel le mille-feuilles est moins complexe…du moins en apparence.
Ce qui est certain c’est que, dans la très grande majorité des cas, vous montez dans la voiture balai, sans trop d’illusion sur un fonctionnement démocratique de l’Europe. Il ne s’agit malheureusement pas d’une caricature, mais d’une tranche de la vie d’un élu cherchant désespérément à faire reconnaître ses projets.
Je rappelle, au cas où vous douteriez de la sincérité de ce "roman" qui pourrait être encore plus noir, que le Point relais vélo de Créon inauguré le 23 juillet 2003, attend encore les 130 000 € de subventions accordées par un arrêté du Préfet de la Gironde, garant de la loyauté de l’Etat. Si je suis sage et méritant, j’ai un espoir de voir les fonds arriver sur le compte communal en 2008, car, pour l’instant, le trésorier payeur général paie les dettes de 2001 !
Mais je déblogue…  
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19 octobre 2006 4 19 /10 /octobre /2006 08:17
" On va gagner ! on va gagner ! On va gagner ! " Les supporteurs de tous poils ne connaissent que ce refrain et le lancent à gorge déployée avant tous les matchs… Ils se gavent de cette pseudo certitude, en recherchant dans les moindres détails ce qui leur permet de… se rassurer. Hier soir, le slogan montait des travées où je me trouvais. " On va gagner ! ". Il se passait de bouche en bouche comme un psaume destiné à conjurer je ne sais quel mauvais sort. Peu importe la manière, l’essentiel c’est que " on va gagner! ". Tactiquement tout est au point.
On a recherché les meilleurs récupérateurs, les attaquants les plus percutants, les gardiens du temple les plus sûrs. On a fait et on a refait les équipes, en prenant sa place dans la file d’attente. On tente de repérer un voisin, un ami, un camarade que l’on n’a pas vu depuis longtemps, afin de donner un gage de partage des convictions. Il fallait pour les plus motivés être absolument présents afin de pouvoir affirmer que l’on a été de ceux qui ont concouru au succès. Chacun y allait de son conseil, de son commentaire, de sa certitude à partir de tuyaux d’enfer, sur les forces en présence, puisés dans les médias. Les véritables "supporteurs" avaient étudié les pronostics et en avaient déduit que l’issue de la confrontation ne faisait aucun doute. D’ailleurs, chacun ajoutait son analyse, pour espérer trouver la bonne formule, celle qui plairait forcément au plus grand nombre, afin justement d’améliorer la confiance du groupe.
Selon les " chargés de com ", il arriverait des gens de partout et de loin. Ils se presseraient tellement au guichet qu’il faudrait les canaliser, les encadrer pour qu’ils gardent leur foi dans une issue victorieuse. Ces nouveaux supporteurs ne doutent pas un seul instant de l’enthousiasme qui va régner autour de leurs favoris. En fait, ils trouvent mille et une raisons d’affirmer qu’il n’y a pas d’autre choix que celui consistant à participer à la victoire, et malheur à celles et ceux, innocents, qui ne suivront pas les consignes, en espérant la manière plutôt que le résultat. Ce n’est plus de circonstances: " On va gagner ! On va gagner ! ". La consigne parcourt les fauteuils ! "On va gagner" et donc il faut oublier tout le reste, au nom du réalisme. La société actuelle n’aime que le succès potentiel et oublie facilement les valeurs qui permettent de l’obtenir. Alors, autant appliquer le réalisme en toute circonstance. Cette préoccupation devient tellement omniprésente que les absences peuvent parfois interpeller. Il restait beaucoup des fauteuils vides comme si à force de crier " on va gagner ! On va gagner !" on décourageait les pauvres malheureux qui s’évertuent à expliquer que rien n’est joué d’avance sur la base d’une analyse objective de la situation. " On va gagner ! On va gagner !… car nous sommes les meilleurs et les plus forts."

L’ENTHOUSIASME DEBRIDE DES NOUVEAUX
En réunissant les habitués les plus motivés, en compagnie des nouveaux, on espérait que l’enthousiasme débridé des derniers arrivés dégèlerait l’ambiance et complexerait ceux qui sont encore bêtement attachés à des principes. Ils n’ont rien compris, et finiront pas se taire pour se marginaliser, face à cette vogue voulant que la fidélité à des idées ou des personnes jugées passéistes, ne soit plus d’actualité. Vous avez toujours dans l’assistance, à quelques places de vous, les " vieux ", qui disent avoir connu des épopées d’un autre style. Ils évoquent des noms et des périodes que les moins de vingt ans de présence ne peuvent pas connaître. Mais peu importe : on a l’ivresse de l’espoir, sans avoir à se poser trop de questions.
Durant le "match", ces habitués soulignent qu’ils en ont vu des vertes, des rouges et des pas mûres… et qu’à leur époque on n’aurait pas fait le même choix, ils ne convainquent pas, car les pronostics tiennent lieu de bible. Ils ont pourtant des idées bien arrêtées, des exigences concrètes, des faits précis en mémoire, mais ils ont bien du mal à les exprimer, car ils ont vite la posture du traître, de celui qui refuse de se déchaîner avec la majorité, de sauter sur place pour témoigner de son engagement. Eux doutent.
Or, il faut, en entrant dans l’enceinte où se déroule le "match", n’avoir qu’une certitude : les états d’âme n’ont pas leur place dans le monde des supporteurs. Et comme désormais la télé toute puissante ne prépare pas à la critique, mais au statut d’inconditionnel, il n’y a pas beaucoup de place pour les défenseurs de l’éthique, quand toutes les grandes retransmissions ne servent qu’à juger, à apprécier, à valoriser sur les apparences.

IL A MANQUE LE FOND
Hier soir, il a manqué le fond. On est resté sur la forme. Incapables de tenir le jeu, de forcer la décision, de créer une brèche dans la défense adverse. Au grand dam de ses fans, l’équipe réunissant les anciens et les jeunots a tout tenté pour convaincre qu’elle allait gagner, qu’elle était la seule à pouvoir ramener la victoire. Les prévisions ne peuvent pas se tromper, d’autant que si on se fie à celles du Café du Commerce, des marchés, dans la salle d’attente chez le dentiste, dans les repas entre amis, les " Rouges " (les Reds en anglais) n’ont plus d’avenir nulle part. On est convaincu que tous les signes positifs avant-coureurs valent toutes les analyses médiocres. L’équipe inspire la confiance aux autres, et doit donc être soutenue inconditionnellement, même si elle ne correspond pas à vos vœux.
Au tout début les chants des " Rouges " sont vite étouffés par la ferveur populaire des autres. C’est l’habitude ! Lorsque l’on évolue à l’extérieur, il est difficile de renverser la tendance, surtout quand l’assistance a été préparée. Etre minoritaire, c’est accepter d’effectuer beaucoup plus d’efforts que les autres pour être entendus ou saisir le bon moment. " On va gagner ! On va gagner ! Vous n’avez pas d’autres solutions ! C’est écrit dans les prévisions ". On a bien observé les équipes en présence : les " Rouges " ont fait leur temps. Ils ne semblent pas très solides dans leurs lignes. Ils ont certes un passé mais ils ne correspondent plus à l’époque. Ils bafouillent dans leur "championnat ". Ils hésitent dans leurs arguments, vite rabroués quand ils en reviennent aux fondamentaux. L’essentiel n’est pas là, puisque les augures l’affirment, " on va gagner ! ". L’engouement est tel que rien de néfaste ne peut arriver. Les lieux sont trop petits. Les foules se déplacent. Les signes sont patents. Avant même que la rencontre débute, on sait que son équipe affiche une santé resplendissante, permettant de l’emporter à coup sûr !

IL VAUT MIEUX LAISSER FILER LE TEMPS
Il y a des moments où il vaut mieux laisser filer le temps, car il est impossible de faire entendre sa différence au milieu des supporteurs. Ils se moquent du scepticisme. Ils ne déclinent que les qualités, que les atouts, que les avantages de leurs idoles. Ils ne voient que le tableau d’affichage. Au moins, au début du match, car ils ont encore leurs illusions. Ils trouvent dans chaque acte une raison supplémentaire de rêver ou de consolider leur conviction.
Hier soir, un débordement d’un ailier gauche, un tacle infligé à un arrière droit, un arrêt aérien, un coup de tête, ont entretenu l’espoir et soutenu le moral général. " On va gagner ! On va gagner ! On va gagner ! " scandait un virage pendant que des gosiers entamaient, en face, le célèbre " you’ll never walk alone " (vous ne marcherez jamais seuls). Impossible de glisser un mot sur les fondamentaux, qui paraissaient absents, car on ne peut jamais opposer la raison à l’impression, l’argument au sentiment, l’adhésion à l’admiration.
Assis au milieu des autres, j’ai eu l’impression de ne pas voir les mêmes événements, de ne remarquer que les tirs manqués, les passes imprécises ou en retrait, le manque d’arguments offensifs, les erreurs profitables à l’adversaire. Ne pas applaudir devient un acte suspect, récriminer sur des vedettes qui n’en sont pas sur le terrain mais uniquement dans l’esprit des supporteurs constituent des actes graves.
Tenter une analyse différente du match prend des allures de crime. Il valait mieux rester chez soi, devant la télé, car c’eût été moins décevant. Le déplacement, le retour délicat, la fatigue de la journée, aggravaient les regrets. Aller assister à un match où il est parfois question d’Europe exige une volonté particulière : celle d’admettre à priori que l’on sera déçu et que l’on n’a jamais rien compris. On range son idéal. On oublie ses prétentions. On cache ses convictions.
Ah ! j’oubliais. Ce n’est pas en politique que pareils comportements existeraient. Il n’y a que dans le sport que des supporteurs se manifestent, et qu’on les voit confondre le fond et la forme. Hier soir, j’ai perdu, et ils ont gagné… Il faut l’admettre je n’ai jamais eu l’âme d’un supporteur. Je suis nul et je ne sais pas chanter " on va gagner. On va gagner, au bon moment ! un bon moment ". Mais je suis idiot.
J’ai oublié de vous le préciser : hier soir, je n’étais pas au stade Chaban Delmas à Bordeaux, mais à une réunion entre militants. Au fait, qu’ont fait les Girondins ? On a gagné ?... Rassurez moi!
Mais je déblogue…
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18 octobre 2006 3 18 /10 /octobre /2006 07:32
Lorsque l’opinion publique se penche sur un événement,  il faut bien convenir qu’elle ne cherche pas le grain de la vérité sous la paille des apparences. Ainsi, quand les médias ont rendu compte de la prise de position des députés sur la négation du génocide arménien, bien des gens de qualité ont vite souligné qu’il n’appartenait pas aux parlementaires de légiférer sur l’histoire. Il est vrai que la facilité consiste toujours à réclamer la liberté de penser à sa guise, afin d’éviter de se poser des questions.
Tenez, il serait bon qu’un jour les élus du peuple se penchent sur la nuit du 17 octobre 1961, et que justement ils rétablissent la vérité sur un massacre que la République Française ne devrait pas supporter. Les Turcs pourraient nous réclamer des comptes sur ce qui s’est déroulé à Paris ce soir-là. Même si, comme sous tous les régimes coupables, tout a été fait pour laver les mémoires, pour éviter que l’on puisse garder un souvenir quelconque d’un drame prémédité, il en reste des traces.
Il y a en effet quarante-cinq ans, la police parisienne a fusillé, massacré à coups de crosse et noyé dans la Seine des dizaines d'Algériens, qui avaient été appelés par le FLN à manifester pacifiquement contre le couvre-feu décrété deux semaines avant par le préfet de police de la capitale, un certain… Maurice Papon, dont on sait combien il fut une serviteur zélé des " nobles " causes.
Il avait gardé, d’une autre période, des habitudes vieilles de 20 ans. Le 5 octobre 1961 il publia un communiqué, dont le contenu était déjà édifiant. " Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes, des mesures nouvelles viennent d'être décidées par la Préfecture de police. En vue d'en faciliter l'exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20 h 30 à 5 h 30 du matin. (...) D'autre part, il a été constaté que les attentats sont la plupart du temps le fait de groupes de trois ou quatre hommes. En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police. Enfin, le Préfet de police a décidé que les débits de boissons tenus et fréquentés par les Français musulmans d'Algérie doivent fermer chaque jour à 19 heures ". Le couvre-feu interdisait donc aux Français musulmans de circuler la nuit et intervenait, surtout, dans un contexte tendu puisqu’en deux mois, les commandos du FLN avaient abattu onze policiers. Le 2 octobre 1961, Maurice Papon avait déclaré: "Pour un coup reçu, nous en rendrons dix. On vous couvrira, vous serez en état de légitime défense…" Cette déclaration avait conditionné les responsables du service d’ordre en leur offrant par avance l’impunité totale. Elle était pire qu’un blanc-seing !

LA POLICE A JUGE AU FACIES
Le FLN appela les Français d’origine algérienne à manifester, et quelque 20 à 30.000 personnes avaient répondu à son appel. Au cours de la nuit, sur ordre et sous le regard des passants, la police a jugé au faciès qui devait être arrêté ou tué ou battu à mort. Selon le ministère de l'Intérieur, dirigé alors par Roger Frey, les violences, des "règlements de comptes entre Algériens" feront… 3 morts et 64 blessés.
Le président de la République, Charles de Gaulle, et son Premier ministre, Michel Debré, couvrent Papon: "La manifestation était interdite. Le préfet de police avait reçu mission et avait le devoir de s'y opposer. Il a fait ce qu'il devait faire", déclara le président.
Le journaliste Claude Bourdet qui avait recueilli le témoignage de policiers la nuit même de la ratonnade, interrogea Maurice Papon, dix jours plus tard, au conseil de Paris. Silence de l'intéressé. La presse était muselée, les livres furent saisis, les archives interdites d'accès. Aucun responsable ne fut inquiété, ni aucune procédure judiciaire engagée. La nuit fut vite oubliée, enfouie dans certaines mémoires, ou omniprésente dans d’autres. Il faudra attendre plus de trente ans pour que la dure réalité vienne à la surface. Les photographies d'Elie Kagan, un des rares journalistes à couvrir les événements cette nuit-là, témoigneront en effet de l'horreur.
En 1991, Jean-Luc Einaudi a publié "La Bataille de Paris, 17 octobre 1961" (Seuil). Lors du procès Papon, il accabla l’ex-Secrétaire général de la Préfecture de Bordeaux et relanca l'affaire. L'ancien préfet de police porta plainte en diffamation. Jean-Luc Einaudi gagna ce procès, ce qui permettra d'établir officiellement la réalité du massacre, et d'ouvrir les archives du ministère de la Justice, du Parquet de Paris, des Hôpitaux de Paris, de la Gendarmerie, de la Préfecture de Police, des Fonds d’action sociale… Le massacre prit forme.
Le bilan de la terrible nuit du 17 octobre 1961 sera enfin établi : au minimum 120 morts, voire 200 selon certains historiens, 200 disparus, hommes, femmes, enfants. 12.000 arrestations. 2.000 Algériens envoyés dans le camp d'internement de Béni Messous, à Alger… Les cadavres, dans la Seine, furent vite repêchés, les victimes enterrées à la hâte, les représailles contre les familles trop bavardes ou révoltées bien menées : une chape de plomb tomba sur la France, peu soucieuse de se révolter contre de tels agissements.

UNE PLAINTE A ETE DEPOSEE POUR GENOCIDE
Ce que l’on ne sait pas vraiment, c’est qu’une plainte pour " génocide " a été refusée, après qu’en 1961, toutes celles qui avaient été déposées par des victimes ou des proches d'Algériens assassinés aient été étouffées. En 1998, neuf autres plaintes ont été avancées pour "crime contre l'Humanité". La justice française les a opportunément jugées irrecevables. En revanche la Cour Européenne de Justice a été saisie. Elle pourrait condamner la France, pour avoir refusé de reconnaître la réalité du crime… dans les prochains mois, et mettrait ainsi un point final d’honneur à un véritable " crime d’état ", semblable à celui que la Turquie a été sommée, par nos vaillants députés, de reconnaître sous peine de sanction.
Le Code Pénal (Article 212-1) est pourtant clair sur le sujet " La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivies de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civil sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité. "
Le crime contre l'Humanité est constitué lorsque des actes inhumains ou des persécutions sont perpétrés par un État contre une collectivité raciale ou religieuse, ou contre des opposants politiques. Il est imprescriptible.
Bien que les crimes du 17 octobre 1961 relèvent du crime contre l'Humanité, le juge d'Instruction à qui la plainte a été transmise a refusé de l'informer. Il a invoqué les raisons suivantes : le crime contre l'Humanité tel que défini par le Tribunal international de Nuremberg ne peut concerner que les agissements des puissances de l'Axe (Allemagne, Italie et Japon). Ce n'est qu'en 1994, avec le nouveau Code Pénal, que cette loi a été modifiée et intégrée à la loi française. Or il n'est pas possible d'appliquer une loi rétroactivement. A cet argument, le juge a ajouté que les faits reprochés relèvent de la loi d'amnistie, promulguée le 31 juillet 1968, qui interdit que soient poursuivies les exactions commises au titre de la poursuite de la guerre d'Algérie.

UNE MEMOIRE ENTRETENUE AVEC CONSTANCE
On ne parle guère de cette nuit de la mort, car le 8 février 1962, quelques mois après la manifestation des Algériens, le Parti Communiste Français organise une manifestation pour exiger que soit mis fin à la Guerre d'Algérie. Les policiers chargent, et huit personnes trouvent la mort. A leurs obsèques se rassemblent plusieurs dizaines de milliers de personnes. La mémoire des martyrs de Charonne sera entretenue avec constance par le P.C.F. et, au-delà, par l'ensemble de la gauche française. Cette nuit restera pour tous le symbole de la violence de l'Etat pendant la Guerre d'Algérie, et l'expression de l'engagement anti-colonial du P.C.F.
On aurait pu penser que cette répression sanglante en rappellerait une autre, encore récente et permettrait de mobiliser contre l’un des plus grands massacres perpétré par des policiers français dans l’exercice de leurs fonctions. Dans les faits, c'est le contraire qui se produit : le 17 octobre 1961 est entièrement occulté par Charonne ! Les témoins se raréfient. Les acteurs disparaissent. Les faits sont totalement oubliés. Ce fut rapide.
Dès le début de l'année 1962, avant donc que ne commence le travail collectif d'oubli et d'amnistie des crimes de la guerre, il semble en effet que la manifestation des Algériens ait déjà disparu de la mémoire collective. Il est bien difficile d’admettre que ce qui distingue les manifestants de 1961 et ceux de 1962 ne peut être que la… couleur de peau et les droits qui y étaient attachés. La commémoration régulière de Charonne constitue une manière d'oubli volontaire du 17 octobre. Elle permet aussi une confusion persistante entre les deux événements : dans des livres d'histoires, au cours d'un journal télévisé, les photos du 17 octobre ont, par exemple, servi à illustrer les violences… de Charonne.
Il existe donc au moins un génocide pour lequel on ne sera pas obligé de légiférer contre ceux qui voudraient le nier. Ce ne sera pas, dans ce cas là, la loi qui fera l’Histoire, mais bien l’Histoire qui ne veut pas d’une loi. Qui a célébré hier les 45 ans de la nuit du 17 octobre ?
Mais je déblogue…
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17 octobre 2006 2 17 /10 /octobre /2006 08:08
Chaque métier génère des risques. Que ce soit le marin pêcheur, le sapeur-pompier, l’assistante maternelle, le professeur de collège, le banquier, le conducteur d’engins, l’aide ménagère ou le chauffeur routier… tous ne peuvent pas affirmer qu’un jour leur responsabilité ou leur vie ne seront pas en jeu. A tout moment, dès que nous quittons notre canapé, nous prenons le chemin d’un danger potentiel. Le problème, c’est que notre culte du risque zéro voudrait que quelqu’un qui s’engage dans l’armée ne soit jamais exposé dans une guerre, ou que quelqu’un qui fait un choix délicat de vie soit préservé de tout incident ou accident. Il faudrait que tout soit soft, et sans aucune vision d’un avenir incertain. Le policier, par exemple, ne souhaite jamais être confronté à la violence, alors que par essence même, son boulot consiste à affronter cette dure réalité. Il sait pourtant, selon le milieu dans lequel il évolue, que le danger fait partie de son environnement et que, malheureusement, ce phénomène n’est pas en régression. Il faut retenir que chaque incident relatif à cette nécessité d’aller au devant des porteurs de ce ferment de révolte que la société refuse d’admettre, déchaîne des réactions surréalistes. 
Que l’on réagisse vivement quand un enseignant, dont ce n’est absolument pas la mission, est agressé car ce n’est pas dans son engagement initial à servir la collectivité, paraît logique. Impossible de rester également insensible à la détresse de familles qui voient disparaître en mer un père, un fils ou un ami, entraînés par le fond par un sous-marin anonyme. Je ne nie pas la peine que doivent éprouver les parents ou les proches d’un charpentier tombé d’un toit, d’un terrassier enseveli dans une tranchée ou d’un agriculteur écrasé par son tracteur renversé. Je ne pleure pas, en revanche, sur le sort d’un rugbyman professionnel qui prend une pigne sous la mêlée, pas plus que sur celui d'un CRS qui reçoit un projectile. Il est en revanche véritablement impossible de rester de marbre quand une personne âgée, une femme, un enfant, perdent la vie à cause d’une agression, indigne de notre degré de civilisation.

NIER LES OBLIGATIONS D’UNE PROFESSION
La tendance actuelle consiste pourtant à nier les obligations d’une profession ou d’une autre, destinée à assurer la protection des personnes parfois au prix de sa vie. C’est pourtant dans le contrat initial. Si un soldat professionnel ne sait pas qu’il sera un jour exposé à une blessure ou même à la mort, il n’a pas eu conscience de l’engagement qui était le sien. Une profession mérite ses obligations et doit donc être dédommagée en fonction de ces réalités, mais en aucune façon elle ne doit être surprotégée plus qu’une autre, au prétexte que son exercice comporte des risques.
Je suis de ceux qui pensent que la responsabilité est à double sens, et qu’elle ne se résume pas à l’analyse simpliste de faits divers inévitables dans un contexte de violence organisée grandissante. Quand deux ouvriers tombent d’un échafaudage, quand deux routiers meurent dans un accident de la route, quand deux gardiens de prison récoltent la tuberculose, quand deux enseignants sont insultés ou agressés dans un collège, on ne voit pas le Ministre de l’Intérieur solliciter une aggravation des peines liés à cette forme de violence. Il n’annonce pas que les patrons, les conducteurs, les élèves vont être encore plus sanctionnés, parce que les métiers victimes d’incidents sont en péril.
Je suis désolé d’affirmer que le rôle des policiers et notamment les CRS consiste essentiellement à faire respecter la loi, quel qu’en soit le prix ou les obligations, ou alors ils véhiculent le renoncement social dont nous souffrons de plus en plus tous les jours. Un policier qui ne prend pas de risques n’avait pas compris qu'en prendre, c’était une obligation de son métier.

MUTATION PROFONDE DE LA PERCEPTION DE LA VIOLENCE
En cette fin de semaine, les événements démontrent amplement qu’il y a une mutation profonde de cette appréciation de la violence. Elle est parfaitement condamnable et dangereuse. Elle est révélée par une médiatisation aggravée, mais elle ne change pas. Tenez, ce week-end, il y a eu une violente altercation à La Sauve Majeure, cité paisible à 4 kilomètres de Créon, sans que télé, radio et presse écrite en parlent. Il est vrai qu’au pied de l’abbaye on n’a pas encore vu de banlieue à problèmes. A Limoges, hier, deux gardiens de la paix ont été légèrement blessés au centre ville, lors d'une manifestation contre… une visite du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, et deux jeunes de 17 et 18 ans ont été interpellés. Où était la violence ? Qui en est responsable ? Difficile à déterminer.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des jeunes ont agressé des pompiers et des policiers à plusieurs reprises en lançant des pierres et des cocktails molotov, à Villefranche sur Saône. Il n'y a pas eu de blessés ni d'interpellations mais les faits ont été relayés par les agences de presse.
Dimanche plusieurs policiers ont essuyé des jets de projectiles à Tours, alors qu'ils tentaient de mettre fin à un rodéo moto dans un quartier sensible. Deux policiers ont été légèrement blessés. Un jeune de 14 ans a été mis en examen… Samedi, d’autres policiers avaient été pris à partie, alors qu'ils étaient en intervention à Ris Orangis. Un groupe de jeunes a jeté des pierres sur les forces de l'ordre. Deux mineurs et deux majeurs ont été interpellés.
Une adjointe de sécurité a été blessée à la tête lorsqu'une patrouille de police a été agressée dans une rue entre Antony (Hauts-de-Seine) et Massy (Essonne). Un mineur de 15 ans a été interpellé. Vendredi, trois fonctionnaires de police ont été attaqués dans la Cité Orgemont à Epinay sur Seine par un groupe de 30 à 50 personnes. Un policier a été blessé dans ce qui apparaît, selon les premiers éléments de l'enquête, comme un "guet-apens".

TRISTES REALITES QU QUOTIDIEN
Chaque fin de semaine apporte son lot de tristes réalités de responsables de l’ordre mis à mal dans l’exercice de leur métier. Comme il m’arrive fréquemment de me faire insulter, menacer de recours au tribunal, ou de pressions diverses quand je ne laisse pas faire tel ou tel comportement répréhensible. Allez donc, par exemple, dire à un jeune qui roule dans les rues de Créon, sur la roue arrière de son scooter acheté à crédit par papa et maman, qu’il constitue un danger, vous entendrez tout et le reste, et même si vous portez plainte, le Procureur classera l’affaire sans suite. Ce n’est pas en aggravant les peines, en révisant le code pénal, en accentuant la répression, que l’on changera le cours des choses, car c’est mettre un pansement protecteur sur une jambe de bois. La violence est enracinée dans la société.
Elle commence par une infime parcelle du comportement collectif. La mère de famille qui, à Créon, tourne à gauche alors que c’est interdit, avec ses enfants dans sa voiture pour économiser cent mètres, donne un signe fort d’irrespect à sa progéniture. Celle qui se gare sur une place réservée aux handicapés à l’école maternelle, légitime l’illégalité. Un enfant laissé libre comme l’air qui remonte les sens interdits avec son vélo relèvera tôt ou tard d’incident avec les gendarmes. Le père ou la mère qui insultent le personnel communal parce qu’il demande aux enfants de ramasser les papiers dans la cour de l’école conforte ce sentiment de toute puissance que l’on sent monter chez les jeunes. L’adolescent qui est arrêté, à trois reprises, avec une moto non autorisée à rouler sur la route, et qui repart fier chez lui avec l’engin que le Procureur n’a pas voulu saisir, et qui, quelques jours plus tard, se fait arrêter avec un scooter non assuré, a un sentiment fort d’impunité. Un élève que l’on change de collège ou de lycée parce que les profs sont injustes ou " trop sévères ", sera un jour ou l’autre violent à sa manière.
La difficulté essentielle réside dans cette approche socialement répandue que tout acte rigoureux est un acte de violence physique ou mentale répréhensible. Les représentants des forces de l’ordre semblent le découvrir avec amertume, alors que les enseignants le savent depuis déjà des mois.

RESONANCE NATIONALE DES MEDIAS
En relayant tous ces incidents et en leur donnant une résonance nationale, les médias mettent en avant des agressions condamnables, dont l’importance est pourtant toute relative. Il y a un seul blessé réel (et c’est condamnable) mais surtout une cascade de réactions disproportionnées, dont l’impact est déconnecté des obligations des métiers mandatés pour faire respecter les règles sociales républicaines.
En définitive, il suffit de replacer ces faits dans le contexte général de la délinquance. Entre les mois d' octobre 2005 et septembre 2006, les violences contre les personnes ont connu une augmentation de 6,23%, selon le bilan officiel de l'Observatoire national de la délinquance. Au total, entre octobre 2005 et septembre 2006, les services de police et de gendarmerie ont constaté 426.848 actes de violences, contre 401.804 au cours de la période précédente. Ces mauvais chiffres constituent cependant un léger "ralentissement" de l'augmentation des violences. Et ça suffit au bonheur des médias et de Sarkozy...
Comment veut-on que celles et ceux qui représentent l’ordre échappent à ces évolutions persistantes ? Un policier, quel qu’il soit, n’est en rien protégé ou exempté d’être confronté à ce comportement social dramatique, car il n’est là que pour pallier les carences d’un système social incapable de se mettre en cause.
Violence des jeux vidéo, violence permanente de la télévision, violence de l’exclusion sociale, violence des situations familiales, violence psychologique de l’inactivité, violence de la réussite hors des normes, violence induite par le renoncement à l’exercice de l’autorité sous toutes ses formes. Autant ne pas trop en parler, et focaliser sur les pavés jetés sur celles et ceux qui représentent cet ordre non établi, que bien des gens transgressent avec les sentiment qu’il n’est fait que pour les autres.
Mais je déblogue…
 
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16 octobre 2006 1 16 /10 /octobre /2006 07:42

Il y a quelques années j’avais suivi une expérience extrêmement intéressante qui était menée par une association installée au cœur de l’Entre Deux Mers, et qui s’appelait Agrisud. Cette structure passionnante m’avait permis d’appréhender une réalité sur le développement économique dont je n’avais pas antérieurement perçu la pertinence. Fondée par Jacques Baratier en 1985, à partir notamment d'expériences réussies en Afrique, Agrisud avait en effet développé une expertise dans le domaine du développement économique durable. Elle avait donné la priorité aux activités créatrices d'emplois et de valeur ajoutée, à travers la consolidation de micro-entreprises organisées dans des filières d'activités.

Elle savait mettre au point une méthodologie fondée sur un diagnostic précis des besoins et des contextes locaux, une expérimentation à travers des projets pilotes, une modélisation et une généralisation des acquis de cette phase expérimentale, grâce à une politique de formation et d'insertion dans des schémas stratégiques nationaux de développement, et créer des "structures relais". Ce travail extraordinaire, accompli dans de multiples pays africains ou asiatiques, m’avait convaincu qu’il fallait penser autrement la fameuse coopération Nord-Sud et que nous avions intérêt, dans l’Entre Deux Mers, à s’en inspirer fortement. Ses animateurs allaient à contre courant des principes occidentaux visant à exporter nos " concepts " massifs d’utilisation d’une main d’œuvre bon marché.

Les responsables de cette association, financée par la Caisse d’Epargne et de grandes entreprises nationales, avaient déjà avant 2000 une vision extrêmement pessimiste de l’évolution des relations entre deux mondes qui s’éloignaient. Selon eux, beaucoup d'erreurs avaient été commises dans les transferts de culture ou de systèmes culturaux du Nord vers le Sud, au mépris de l'impératif de diversité.


UNE ADAPTATION FONDEE SUR L’EXPERIMENTATION

Certes, ils convenaient qu’il existait des réponses techniques et économiques communes et reproductibles aux besoins essentiels exprimés par les populations, mais il fallait aussi une adaptation, fondée sur l'expérimentation, car elle constituait la condition sine qua non de la réussite. Les besoins essentiels étaient d'une part ceux que réclamaient les situations d'urgence (les situations d'extrême pauvreté, les urgences créées par les cataclysmes naturels et les conflits armés) et d'autre part, ceux que le développement cherchait à satisfaire par l'accession à un minimum d'autonomie économique et sociale, la sécurité alimentaire, la formation et l'accompagnement, des structures de financement adaptés. Agrisud proposait de partir de la culture locale pour asseoir le développement et non pas de l’imposer au nom des profits à réaliser.

La politique d'aide au développement devait, selon eux, porter une attention particulière aux grands centres urbains (où 50% des jeunes étaient au chômage) et susciter une culture "entreprenariale", seule capable de permettre la consolidation de modèles reproductibles, grâce à des actions de formation et d'accompagnement et à des structures de financement adéquates. "Enfin, des réseaux d'infrastructures vitales aussi bien que l'organisation de filières d'activités leur paraissaient nécessaires".

Il leur paraissait indispensable aussi de tenir compte de l'hétérogénéité du tissu économique de tels pays, où un petit nombre d'entreprises performantes issues du système capitaliste exploitant les richesses naturelles (pétrolières ou minières), cohabitaient avec un vaste tissu microscopique et informel, essentiel à la bonne marche de l'ensemble. C'est cette économie populaire, particulièrement dynamique et créatrice d'emplois, qui formait la cible d'Agrisud, car de sa survie et de son développement dépendait la réelle indépendance des populations concernées. Leur proposition avait obtenu des succès considérables au Cambodge, au Congo, en Angola, au Sri Lanka, à Madagascar… avec la création de 4.000 entreprises et 20.000 emplois et avait permis à au poins 200.000 personnes de vivre décemment et durablement, au terme d'un investissement de seulement 1 500 000 €.


L’ACCESSION A L’AUTONOMIE ECONOMIQUE ET SOCIALE

Au travers de cette expérience, Agrisud affirmait que l'amorce du développement des pays émergeants passait par l'accession à l'autonomie économique et sociale des populations. La création d'activités économiques, notamment celles qui concernent la sécurité alimentaire, devait être la priorité. Elle nécessitait des structures pérennes et des cadres locaux formés et capables. Ces structures servaient de relais à l'action des Etats et des bailleurs. Leur action devait impérativement déboucher sur l'émergence d'une véritable dynamique économique, associant le public et le privé.

Par exemple, il était possible de subventionner et de soutenir la création de jardins irrigués pour des cultures locales, mais aussi de mettre en place un système coopératif de commercialisation via des marchés ou des lieux spécialisés. Pas question de nier la nécessité de rentabilité, dans des pays où  on pense surtout à l’autosuffisance alimentaire. Agrisud travaillait sur des filières de développement, pas sur des aides saupoudrées et sans durabilité.

Cette démarche m’était apparue comme adaptable à notre territoire et c'est sur elle que je me suis basé pour développer le projet de " station de vélo " de Créon. Autour d’une filière, celle des pratiques diversifiées du vélo, il était possible de mettre en place des micro-activités liées à la vente, la location, les séjours, l’hébergement et la restauration. Une dynamique économique associant le public (aménagement de la voie verte Roger Lapébie, restauration des ex-gares, montage de projets d’animation…) et le privé (hôtel Akéna, restaurants, crêperie, chambres d’hôtes, gîtes….) a permis la création globale d’une trentaine d’emplois divers. Au fil des ans, elle se consolide, pour devenir une spécificité créonnaise forte.

La difficulté essentielle pour avancer sur une filière de ce type, réside dans la prise en compte de sa crédibilité par le système bancaire. Les banquiers ne s’intéressent guère aux micro-activités, car elles paraissent peu rentables et surtout en dehors des normes habituelles de prêts. Impossible de les convaincre de la rentabilité d’une activité de guide randonnées, de réparateur de bicyclettes, d’agence de voyages pour accueillir des groupes de cyclistes ou de randonneurs, de gestionnaire de chambres d’hôtes, car… il faut en convenir, ce n’est pas très spectaculaire. Et faute de soutiens bancaires, le concept du développement d’une filière en réseau s’effondre.


LE BANQUIER DES PAUVRES

En fin de semaine, le travail d’Agrisud a pourtant reçu un hommage indirect, avec l’attribution du Prix Nobel de la paix au pionnier du micro-crédit, le Bangladais Muhammad Yunus et à la Grameen Bank, qu'il avait fondée en 1976, pour leur travail en faveur du développement économique et social qui a permis à des millions de personnes de sortir de l'extrême pauvreté. En récompensant Yunus, économiste de 65 ans, surnommé le "banquier des pauvres", le comité Nobel a souligné qu’une paix durable ne peut être obtenue à moins qu'une partie importante de la population trouve des moyens de sortir de la pauvreté". "Le micro-crédit est l'un de ces moyens", explique le comité, ajoutant que "le développement par le bas permet de faire avancer la démocratie et les droits de l'homme".

La Grameen Bank a ainsi aidé des millions de pauvres au Bangladesh, surtout des femmes, à améliorer leur niveau de vie, en leur permettant d'emprunter de petites sommes pour monter leur entreprise. Un argent par exemple utilisé pour acheter des vaches pour une laiterie, une machine à coudre pour un atelier de couture, des poulets pour une exploitation avicole, des téléphones portables pour ouvrir des boutiques où les villageois n'ayant pas le téléphone peuvent passer des appels moyennant une somme modique.

Même si nous n’en sommes pas là, il faudrait que ce système soit réellement mis en place par des banques coopératives ou mutualistes, qui ne songent qu’à prêter à des gens ayant déjà pignon sur rue et surtout susceptibles de développer une économie sociale durable. On préfère soutenir des implantations spectaculaires, dont on sait qu’à la moindre perspective de profit supplémentaire, elles seront délocalisées dans ces pays qu’Agrisud essaie de persuader que le salut passe par un autre système économique… Drôle de paradoxe !

Mais je déblogue…  

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15 octobre 2006 7 15 /10 /octobre /2006 09:43
J’ai le souvenir de la naphtaline que ma grand-mère déposait dans ses grandes armoires en noyer. Elle plaçait les boules sur les étagères où dormaient, parfois depuis des décennies, des piles de linge qu’elle n’utiliserait jamais. C’était au cas où les mites viendraient s’attaquer à des fringues démodées ou dévorer un patrimoine " historique " qu’elle retrouvait à des périodes fixes pour en mesurer l’évolution temporelle. Le jour où elle extrayait un manteau de son refuge, elle vérifiait soigneusement son état et le mettait au soleil, histoire disait-elle, de " le désinfecter ". En fait, c’était surtout pour ôter l’odeur insupportable du produit qui avait imprégné les vêtements. Elle voyait avec émotion ces " dépouilles " d’une époque révolue revenir dans la lumière. Par sympathie, aussi par compassion pour les années où elle les avait portés, ma grand-mère souhaitait que ses habits aient à nouveau une chance de séduire.
Chaque fois que je vois réapparaître Arlette Laguiller, je pense inévitablement à mon aïeule. J’ai, en effet, la même sensation : son parti, l'Union communiste (trotskyste), principale organisation du regroupement international dit Union communiste internationaliste la sort de la… naphtaline politique pour tenter de retrouver les bons moments du passé. Devenue dans l’opinion publique, " Lutte ouvrière " (nom de son journal), l’U.C. espère simplement que son " guignol " favori lui permettra de drainer encore et encore plus d’un million de spectateurs. Le scénario proposé est pourtant toujours le même, et les dialogues écrits ne changent pas d’un iota, avec l’espoir que, depuis le temps, ils sont bien ancrés dans les mémoires. La " mamie " trotskyste (même si ce n’est pas très galant, je vous précise qu’elle a 66 ans), en fait, sorte de Tatie Danielle de la politique, ne cherche surtout pas à modifier une recette qui a fonctionné.
Elle fait une apparition durant six mois et repart dans le secret interne de L.O. Elle se fait oublier durant quelques années, raréfie ses prestations grand public, ne réagit jamais personnellement à l’actualité, participe silencieusement à des manifestations symboliques, pour enfin s’exposer médiatiquement au bon moment . Elle a joué en cette fin de semaine sur les petits écrans le " retour V " avec le secret espoir que ce sera le dernier et le plus beau. En 33 ans, Arlette donnera donc, en 2007, sa sixième représentation de " travailleuses, travailleurs… ", son plus grand succès. Elle mériterait, au moins autant que Sarkozy, de pourvoir inviter Drucker à vanter ses mérites, un dimanche, avec votre taxe de soutien à la télévision publique. On y apprendrait peut-être davantage sur l’éternelle Madone des présidentielles.
SEULE LA CLASSE OUVRIERE PEUT CHANGER LA SOCIETE
Arlette Laguiller, est en effet née le 18 mars 1940 aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, commune à large majorité ouvrière de l'est parisien, d'un père manœuvre, anarchiste et athée, et d'une mère secrétaire. Suzanne, sa mère, catholique lui fera faire sa… première communion. Arlette obtient un BEPC au collège des Lilas, avant de commencer à travailler au Crédit lyonnais à 16 ans, comme apprentie dactylo, en 1956. Elle y restera durant toute sa vie professionnelle en tant que secrétaire et permanente syndicale. Elle en est partie en 2000 pour savourer une retraite professionnelle méritée.
Dans les années 1950, elle s'engage contre la guerre d'Algérie. C'est dans ce mouvement qu'elle prend conscience de la " nécessité de changer les bases de la société " et du fait que " seule la classe ouvrière peut le faire " comme le veut la vision trotskiste de la révolution .
Elle adhère au… PSU en 1960 avant de rejoindre l'organisation trotskiste " Voix ouvrière ". Passée durant peu de temps par la CGT, qui l’exclut pour trotskisme aggravé, elle s’installe chez F.O. pour diriger en 1974 une grande grève au Crédit Lyonnais qui s’élargira à tout le secteur bancaire et lui permettra de faire sa première apparition sur la scène présidentielle alors non subventionnée. Elle va sans cesse accroître sa notoriété… alors qu’elle n’est que la " vitrine " d’une maison secrète dont les " patrons " demeurent extrêmement discrets.
Lutte ouvrière prend en effet ses origines en la personne de David Korner, alias " Barta ", jeune militant trotskyste roumain qui, avec trois autres camarades, a rejoint en 1936 les trotskistes français, exclus de la SFIO, qui avaient constitué le Parti ouvrier internationaliste. Indisposé par l’état d’esprit " petit-bourgeois " qui règne dans ce parti que lui a demandé de rejoindre Trotsky, " Barta " se retire et constitue modestement l’Union Communiste (UC) avec l’intention d’établir " un contact réel et étendu avec la classe ouvrière "… L'UC se consacre principalement à la propagande contre la guerre. " Barta ", la référence, va décéder après s’être disputé avec les autres fondateurs de cette mouvance d’extrême gauche en 1976 laissant le champ libre aux autres fondateurs que sont Hardy et Vic.

L’EXECUTION DE BUCHOLZ
Sous l’occupation, le groupe initial s’était maintenu et avait organisé la diffusion d’un journal clandestin. Mathieu Bucholz, militant communiste qui avait activement participé à ces opérations fut finalement repéré et assassiné à la Libération par des militants du… Parti communiste qui l’accusèrent faussement d’être un nazi. L’injustice de ce crime conduira un jeune communiste de 16 ans, Robert Barcia alias " Hardy ", ami de Mathieu Bucholz, à basculer définitivement dans le trotskysme et à relancer l’U.C. Après avoir effectué ses armes au sein des mouvements sociaux de la régie Renault, en compagnie d’un autre issu de la branche " historique ", Pierre Bois, il va prendre sa place dans le mouvement trotskyste et le diriger.
C’est d’ailleurs ce " Hardy " qui " gère " encore la boutique, dont il a su conserver méticuleusement les secrets internes. Beaucoup d’accusations ont été portées justement sur le fonctionnement de " l’armoire à glaces " de Lutte ouvrière dont on ne possède pas beaucoup de clés. Le goût de la discrétion est en effet poussé à l’extrême. Ainsi les pseudonymes se multiplient pour brouiller les pistes, puisque, par exemple, Robert Barcia, 78 ans, est aussi appelé " Hardy " mais également Roger Girardot… et Pierre Bois (décédé en 2002) se faisait appeler " Vic ", alias " Vauquelin ", alias " Arnoud ". On répand de la naphtaline dans les meubles, pour éviter l’intrusion de mites pouvant ronger de l’intérieur le patrimoine idéologique et… financier, car depuis deux présidentielles les campagnes sont remboursées.
Bizarre comportement pour un parti politique. De multiples enquêtes d’investigation sur les activités professionnelles de Robert Bracia ont débouché sur des procès gagnés par ce dernier. Mais le trotskysme a toujours cultivé le secret comme arme révolutionnaire.

CANDIDATURE DE COMBAT CONTRE LE PATRONAT
Arlette n’est donc que la partie visible de l’iceberg. Elle a réussi à s’imposer grâce à ses scores successifs aux présidentielles. Porte-parole de l'organisation depuis 1973, elle a été candidate aux élections présidentielle de 1974, 1981, 1988, 1995 et 2002. Elle a dépassé 5% lors des deux derniers scrutins, réalisant 5,3% (1 615 552 voix) en 1995, et 5,72% (1 630 045 voix) en 2002.
Elle a affirmé, en lançant sa candidature pour 2007, vouloir porter "une candidature de combat contre le patronat". Apparemment cette fois, il lui sera difficile de récidiver et dépasser son score de 2002 (sauf si la LCR n’obtient pas les fameuses 500 signatures) car les Régionales et les Européennes ont marqué un net recul de L.O. Les électrices et les électeurs commencent à s’apercevoir de l’inutilité du " vote Arlette ". Si l’on se fie à ses déclarations, elle ne cherche en effet surtout pas à changer leur vie et ne propose aucune perspective, car elle ne sera jamais au second tour. "Il faut chasser la droite. Mais évidemment on ne peut chasser la droite dans les circonstances actuelles qu'en ramenant la gauche au pouvoir, la gauche dont on sait qu'on n'a rien à attendre". Il est véritablement impossible de mobiliser un électorat autre que celui du mécontentement pur quand on tient un tel discours d’inutilité du suffrage universel. Depuis des années, Arlette peut prétendre ce qu’elle veut, elle a l’immense avantage de ne pas avoir à transformer ses promesses électorales en actes. Elle change seulement quelques mots aux textes des années précédentes et elle repart pour un tour : l'anticapitalisme, c'est "vouloir en finir avec cette économie de marché" affirme-t-elle alors que l'antilibéralisme, "c'est meuler un petit peu les griffes du capital et certainement pas lui arracher les crocs". Ca sent la naphtaline.
Mais je déblogue…  
 
JE VOUS AVAIS PREVENUS ET VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
Relisez la chronique de L'AUTRE QUOTIDIEN " Le cancer des mémoires"
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