Dans la période actuelle, toute la stratégie présidentielle repose sur l'utilisation permanente de concepts forts : la Résistance (lettre de ce pauvre Guy Mocquet, déplacement dans le Vercors), la valeur du travail (la France qui se lève tôt, le travailler plus pour gagner plus), la religion salvatrice (le discours du Chanoine de Latran), la Nation protectrice (chasse aux sans-papiers), la primauté de l'individu (fin de la solidarité organisée), l'ouverture sur les minorités visibles ( nominations de Rachida Dati, Rama Yade, Fadéla Amara), l'écoute du peuple (services minima) . C'est autour de ces principes qu'autrefois on aurait magnifié par des images d'Epinal distribuée au peuple que s'organisent en fait les choix politiques sarkozystes. On recherche chaque fois davantage le caractère symbolique de la mesure que son efficacité concrète. Actuellement le Président de la République a tenté de masquer son échec économique par une mise en cause du symbole du camp adverse : les 35 heures ! En effet il veut absolument rassurer ses ouailles qui doutent de son pouvoir à accomplir des miracles et surtout en tuant cette mesure historique de la gauche il espère restaurer son autorité sur ses propres troupes.
Les 35 heures survivront-elles donc à la nouvelle réforme du gouvernement, qui devrait être présenté le 11 ou le 18 juin en conseil des ministres? Non, si l'on en croit les syndicats, qui appellent à une mobilisation le 17 juin contre ce qui constitue selon eux une « dérégulation du temps de travail ». Oui, selon le président de la République et le Premier ministre, qui ont assuré que la durée du travail serait inchangée après la loi.
« La durée hebdomadaire du travail restera 35 heures en France, c'est une chose qui est claire et sur laquelle le gouvernement ne variera pas", a déclaré Nicolas Sarkozy à Vienne. C'est le coté rassurant de la non remise en cause de ce qu'il faut bien présenter comme un dogme. « Ce que nous voulons c'est éliminer les aspects négatifs au plan économique comme au plan social qu'ont eu les 35 heures sur l'économie française en supprimant tous les verrous qui empêchaient les salariés et les chefs d'entreprise de négocier un contingent d'heures supplémentaires librement au niveau de l'entreprise ». Il s'agit là de la balle qui tue sans le dire le principe « universel » de la durée du travail car tout le monde comprend aisément que le chantage à l'emploi sera extrêmement facile dans les entreprises qui voudront obtenir un allongement sans compensation.
SUBTILITE D'UN ACCORD
L'article 17 de la position commune sur la représentativité syndicale, signée le 7 avril par la CGT, la CFDT, le Medef et la CGPME, prévoit déjà qu'à « titre expérimental » le contingent annuel d'heures supplémentaires puissent être dépassé par accords d'entreprise signé par des syndicats majoritaires. C'est la subtilité de cet accord qui fait qu'en valorisant les partenaires institutionnels on leur demande simplement de cautionner la fin des... 35 heures puisqu'ils devront la négocier au cas par cas dans des entreprises où ils ne sont souvent pas présents.
L'avant-projet de loi prévoit que les patrons pourraient demander à dépasser les contingents annuels d'heures supplémentaires (des branches peuvent fixer des contingents supérieurs au contingent légal de 220 heures par an) sans autorisation de l'inspection du travail si des syndicats représentants 30% des salariés signent l'accord. En outre, les entreprises pourraient renégocier les repos compensateurs, assouplir les forfaits annuels en jours (plus de jours travaillés dans l'année) et la modulation du temps de travail. Autant prévoir un démantèlement réel du principe même de la « norme » 35 heures qui ne résistera que dans des structures très solides (collectivités locales, grandes entreprises nationales florissantes...)
Pour le Premier ministre, une telle réforme « n'est pas franchement une révolution . La durée légale du travail en France est 35 heures et elle restera 35 heures », a déclaré François Fillon à Helsinki quand le Président était lui à Vienne. Se défendant d'une remise en cause de la durée légale du temps de travail, le Premier ministre assure que l'objectif du gouvernement est « un assouplissement qui vise à sortir d'une règle imposée à tout le monde, à tous les secteurs ». C'est véritablement une affaire de mots car la différence entre « l'effacement » de la norme et son « assouplissement » la marge est faible.
MARCHANDAGE SYMBOLIQUE
Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, est notamment revenu sur la proposition du gouvernement « de démanteler les 35 heures au cas par cas ». En clair, les salariés et les employeurs négocieront dans leur entreprise la durée du travail. « C'est une modification radicale de la législation sur le temps de travail, à partir d'une procédure qui est malhonnête et pour porter un contenu qui est inacceptable », a déclaré Bernard Thibaud.
Pour le syndicaliste, le gouvernement « profite de l'examen d'un texte sur la représentativité des syndicats pour dire : on modifie toute la législation sur le temps de travail. Plus de soixante articles du Code du Travail vont être modifiés sur donc, un autre sujet que le sujet initial, sans aucune négociation avec les organisations syndicales. Nous sommes le seul pays européen où un gouvernement s'apprête à modifier la législation sur le temps de travail sans négociations avec les syndicats ». Le symbole des 35 heures tombera comme un fruit mûr dans un marchandage à la représentativité syndicale. Quand il aura été mis à bas on se préoccupera alors de savoir quel en sera réellement l'impact. On a abattu le symbole de la retraite à 60 ans. On a tenté de mettre en cause celui du jour férié avec la suppression du lundi de Pentecôte. On a conforté celui du profit gagnant avec le paquet cadeau fiscal. On a porté aux nues le fric triomphant avec le Fouquet's, le yacht, les jets privés, les vacances américaines... Chaque semaine permet de détruire les uns ou de tenter de construire les autres. Si je me lève à 4h 30 avec mon épouse plus habituée à la grasse matinée qu'au réveil au chant du coq pour aller à Rungis j'envoie un signal fort mais je ne résous aucun problème. Tout est ainsi depuis maintenant 13 mois car l'acculturation politique générale permet de croire dans l'impact d'une simplification outrancière des réalités. On en arrive à une vision quasiment religieuse de la vie sociale avec parfois les « bons » et les « méchants », les « travailleurs » et les « fainéants », les « rigoureux » et les « dépensiers », les « vierges » et les « souillées ». Car derrière par exemple la décision du tribunal de Lille on trouve cette nouvelle croisade pour ou anti-symbole !
JUSTICE SYMBOLIQUE
Au nom du droit des femmes, les féministes, associations anti-racistes ou laïques et deux ministres ont dénoncé l'annulation par la justice d'un mariage motivée par le mensonge de l'épouse sur sa virginité. De gauche à droite, les partis se sont émus d'une décision rendue par un juge de Lille, jugée « scandaleuse » pour le PCF, « atterrante » pour le PS, et « remettant en cause l'égalité hommes-femmes » pour l'Ump. En fait ce n'est qu'un problème de symbole. Une femme rabaissée n'ayant pas les mêmes droits que les hommes, une arrière pensée religieuse validée par la justice laïque, une régression sociale indéniable légitimé en une période de confortement de la morale réactionnaire : tout est réuni pour donner à cette décision une valeur hautement symbolique.
« J'ai cru que l'on parlait d'un verdict rendu à Kandahar », a déclaré Fadela Amara dont on doit rappeler qu'elle a fondé le mouvement « Ni... putes, ni... soumises » dont le fondement était simplement le droit des femmes à disposer librement d'elle-même et de leur corps dans un contexte d'oppression familiale.
Seule la chancellerie pourrait intervenir en déclenchant un recours dans l'intérêt de la loi pour dire le droit.
Une telle initiative n'aurait aucune incidence sur la situation des parties mais aurait une portée doctrinale pour faire évoluer la jurisprudence, a expliqué à l'AFP une source judiciaire. Seul problème, dans le concert de critiques, l'unique note discordante est venue... de la chancellerie elle-même qui n'a pas reconnu le caractère réactionnaire hautement symbolique de ce jugement.
La ministre de la Justice Rachida Dati, qui avait révélé dans son livre "Je vous fais juge" (Grasset, 2007) avoir fait annuler son propre mariage, « décidé sans le vouloir », a semblé prendre la défense du jugement, et s'est retrouvée critiquée aussi bien par Marine Le Pen (FN) que par Marie-George Buffet (PCF). Un comble !
« La justice est là pour protéger. Le fait d'annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage, parce que je pense que cette jeune fille (...) a souhaité également, sans doute, se séparer assez rapidement », a déclaré Rachida Dati. Voici l'explication symbolique : comme cette femme qui a avoué son péché pour se sauver en étant condamné, les travailleurs pourraient bêtement demander spontanément à travailler plus pour gagner moins pour le bonheur éternel.
Mais je déblogue...