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23 mars 2007 5 23 /03 /mars /2007 07:47
Hier soir, dans la salle des Conférences de La Réole, je participais à un débat autour des élections présidentielles. La réunion ronronnait quelque peu, jusqu’au moment où une simple question a mis le feu aux poudres : " quand est-ce que le politique reprendra le pouvoir sur l’économique ? ". Une voix dans la salle venait, en deux secondes, de poser dans le silence la question qui tue… la Gauche ! Il faut bien avouer que peu de monde se précipite pour répondre. En effet, la tendance branchée actuelle réside dans une approche prudente des rapports avec ce monde réputé intègre, performant, créatif et même parfois désintéressé.
Les Maîtres des emplois ont symboliquement succédé aux maîtres des forges, et ils sont devenus plus puissants qu’eux, car nous entrons dans une époque où les seconds avaient absolument besoin de main d’œuvre, alors que les premiers cherchent par tous les moyens à la limiter. Les uns licencient alors que les autres recrutaient. La constante, c’est que les deux veulent rémunérer le travail au tarif le plus bas.
En tous cas, ces maîtres du profit et de l’emploi inspirent le respect aux hommes politiques qui vont leur rendre visite avec déférence, en pensant, les pauvres, que de leurs entretiens naîtra une autre orientation économique. Mieux, il arrive de plus en plus souvent que les personnalités du monde de l’entreprise, réputées efficaces et irréprochables, soient admirées pour leur réussite… professionnelle et financière, et entrent directement en politique sans se confronter au suffrage universel. En fait, si l’on établissait un palmarès de cet Eden de la vie sociale, nous aurions une tout autre idée.
L’exigence de morale demandée aux politiques par des médias sourcilleux, ne s’applique pas aux patrons. Et surtout à ceux du CAC 40, avec lesquels il est de bon ton de négocier… les contrats à l’étranger, les plans de licenciements collectifs, les départs anticipés à la retraite, le maintien des unités de production. Serrer la main du PDG de Ford, Toyal, Total, EADS, Carrefour ou Renault… apporte la sensation d’entrer dans le monde des gens qui comptent. Malheureusement, les réalités rappellent souvent que le merveilleux monde de l’entreprise ressemble à un iceberg, dont on ne voit que la partie brillante.
Si l’on s’intéresse à l’un des fleurons de l’industrie française sur quelques jours, on constate sans beaucoup d’efforts que les leçons ne viennent pas nécessairement du lieu où on l’attend. Total, qui a réalisé des profits surréalistes, devient le symbole de ces entreprises qui vivent sur des apparences : refus d’admettre sa responsabilité vis à vis de l’avenir du monde, corruption à grande échelle comme ce fut le cas chez Elf en son temps.

PAS DE ROLE DANS LA GESTION DE LA CRISE
Devant le tribunal correctionnel de Paris, le groupe Total a ainsi nié toute responsabilité dans le drame de l'Erika. Le géant pétrolier s'est en effet défendu d'avoir joué un rôle de gestion dans les heures de crise qui ont précédé le naufrage du navire. Depuis le 12 mars, le tribunal retrace pourtant les derniers instants du pétrolier qui s'est abîmé en mer le 12 décembre 1999, provoquant une marée noire qui a pollué 400 km de côtes françaises. Cette reconstitution minutieuse doit durer jusqu'à la fin du mois, avant que ne commence le défilé à la barre des quelque… 65 experts et témoins.
Selon la juge d'instruction Dominique de Talancé, Total n'a pas "agi comme les autres affréteurs" dans le cas de l'Erika, car le groupe a ajouté au contrat des clauses supplémentaires et des "instructions de voyage", devenant ainsi "le maître d'oeuvre de l'expédition maritime". Pour les enquêteurs, le groupe, affréteur du navire pour un voyage, aurait pu influer sur les décisions du capitaine en le poussant à rejoindre le port de Donges, sur l'estuaire de la Loire, où se trouve un terminal pétrolier d'Elf, alors en cours de fusion avec Total. L’histoire est édifiante, car elle démontre comment on échappe à ses obligations en situation de crise. La voici, contée sur Nouvelobs.com :
Samedi 11 décembre, 18h32, veille du naufrage : le commandant laisse un message sur le portable d'Eric Calonne, secrétaire permanent de la cellule de crise de Total, pour lui faire part de ses difficultés. Depuis le début de l'après-midi, ce marin indien qui ne connaît pas l'Atlantique doit gérer le navire, pris dans une tempête . Des fissures sont apparues sur le pont et il a dû corriger la gîte en rééquilibrant les ballasts.
Il a déjà prévenu le gestionnaire du navire, est entré en contact avec les secours, annonçant puis retirant un appel de détresse, provoquant une avalanche de contacts entre armateurs, courtiers ou assureurs. Eric Calonne est alors dans un supermarché où son téléphone ne passe pas. Il ne découvre le message que vers 20h00. Cela fait alors déjà plus de… trois heures que l'Erika a mis le cap sur Donges.

PAS VOCATION A PRENDRE LES COMMANDES
Sur son message, le capitaine assure qu'il a des problèmes de gîte et a changé de direction pour mieux résister à la houle, mais qu'il reprendra le cap une fois la météo calmée. Il ne parle pas de Donges. Pourtant, un agent maritime assure que l'Erika fait route vers ce port. Pour tirer l'affaire au clair, Dirk Martens, directeur des opérations sur Total Londres, décide d'entrer en contact avec le capitaine.
"Ce coup de fil pourrait accréditer l'idée que Total assure un contrôle sur la conduite et la gestion du navire", remarque le président du Tribunal. "Il s'agit de recueillir des renseignements. On est à des lieues d'une gestion de fait. Notre réflexe est d'aller chercher l'information là où elle se trouve", explique l'ancien directeur des affaires juridiques. Pas question d’admettre que Total assume la gestion de la crise. Concernant la permanence téléphonique d'Eric Calonne, Bertrand Thouillin insiste sur le fait que "c'est une ligne d'information qui n'a pas pour but de participer à la gestion. Total n'a pas vocation à prendre les commandes du navire. C'est une ligne de veille, pas d'astreinte". Le procureur Laurent Michel s'est interrogé sur l'utilité d'une cellule de crise de Total, que le groupe activera après le naufrage.
"Nous n'avons pas vocation à intervenir dans l'action en mer", répond Bertrand Thouillin. "Nous n'avons pas d'avions, d'hélicoptères ou de remorqueurs... Mais nous pouvons mettre en œuvre des moyens anti-pollution, comme des barrages". Selon lui, le capitaine n'a à aucun moment mentionné à Total l'existence de fuites de pétrole à la mer. L’affaire est bouclée. Total savait tout, avait une cellule d’urgence spécialisée, n’a rien fait, n’a rien dit et donc n’est responsable de rien. Une véritable entreprise citoyenne comme dirait le MEDEF ! Les juristes de la maison veillent et cherchent à se défausser, pour ne pas obérer les résultats financiers de Total !

MARCHE GAZIER EN IRAN
Hier, Total a encore fait mieux puisque son nouveau patron, Christophe de Margerie, a été présenté au juge Philippe Courroye pour être entendu dans une affaire de corruption et d’abus de biens sociaux concernant un marché gazier en Iran. Le directeur général du groupe pétrolier, qui est entré dans le bureau du juge, accompagné de son avocat, a été mis en examen à la suite de son entretien avec le magistrat qui instruit ce dossier (le contrat signé par Total avec la société pétrolière nationale iranienne NIOC pour l'exploitation d'un champ gazier off shore appelé South Pars) depuis un peu plus de trois mois.
L'enquête porte néanmoins sur des versements présumés de fonds occultes à des responsables officiels iraniens, en marge d'un contrat d'exploitation de gaz signé par la première entreprise française en 1997.
L'information judiciaire contre "X" pour "abus de biens sociaux et corruption d'agents publics étrangers" a été ouverte en décembre dernier, après une dénonciation de… la justice suisse. La procédure visant l'Iran fait en effet suite à la découverte de 95 millions de francs suisses (environ 60 millions d'€) versés par une entité liée à Total, sur les comptes bancaires suisses d'un résident suisse d'origine iranienne, censé avoir servi d'intermédiaire pour la corruption.Les paiements se sont échelonnés jusqu'en 2003, trois ans après la signature par la France d'une convention internationale contre la corruption, qui s'applique donc aux faits. La justice suisse, qui a saisi les derniers versements (environ 10 millions de francs suisses), a ouvert sa propre enquête pour blanchiment de capitaux.
Elle a transmis des documents à la France, dont l'un, relatif à une procédure judiciaire norvégienne, qui fait apparaître comme possible acteur de la corruption le nom du fils d'un homme d'Etat iranien, a confié à Reuters un haut magistrat français. Avant de prendre la tête de Total, Christophe de Margerie a déjà été mis en examen l'an dernier, après aussi deux jours de garde à vue à la police, dans une affaire similaire portant sur l'Irak, pour "
complicité de corruption et complicité d'abus de biens sociaux".
Le monde du CAC 40 est à la hauteur des enjeux, avec un objectif unique : faire du profit à n’importe quel prix. Tant que l’on n’aura pas mis en place des règles sévères (renforcement sévère des vérifications comptables par des experts réellement indépendants) pour éviter des dérives, comme les sommes astronomiques versées aux PDG, les fonds partis vers des ailleurs sécurisés, les vases communicants par filiales interposées, la réalité de la nécessité des plans sociaux. La vérité, comme les faits, n’est jamais dans les chiffres, car tout dépend de la manière dont on les présente.
Mais je déblogue…
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22 mars 2007 4 22 /03 /mars /2007 07:38
Chirac prépare ses valises. Comme les personnes contraintes de quitter leur bureau, il vide ses tiroirs et effectue la répartition de ses avoirs. Un boulot probablement pénible car il oblige à dissimuler les rancœurs accumulées depuis longtemps, à conserver des souvenirs secrets de quelques entourloupes, à ne vivre que pour le passé et, plus encore, à devoir l’assumer. Chirac ne se résout pas à laisser son fauteuil à un autre, comme si, dans le fond, il avait considéré que la France était son pré carré. Il traîne. Il baguenaude. Il ne se livre pas. Il fait durer le plaisir. Il punit en douceur. Celui qui ne fut que le Président d’une minorité de Français, adoubé par la plus large majorité de Français qu’il y ait jamais eue pour une élection présidentielle, se soucie surtout de son avenir.
Mitterrand, en partant, savait que le bout du chemin était proche. La mort rôdait autour de lui depuis des mois. Elle n’avait aucun rapport avec celle politique qui guette son successeur. La sienne allait lui permettre d’entrer dans l’Histoire. En revanche celle qui guette Chirac ne le conduira que dans des cabinets de juges. Grandeur et décadence du destin. Une chute prévisible, qui préoccupe sûrement celui qui se sera réfugié derrière un bouclier constitutionnel provisoire. Il n’a pourtant pas dit son dernier mot, car il a certainement négocié quelques portes de sortie dérobées, indispensables à son avenir.
D’abord, selon certaines sources, il patienterait jusqu’aux prochaines sénatoriales pour effectuer un parcours paisible dans la docte assemblée, via l’élection prévue en Corrèze en 2008. Il y gagnerait une nouvelle cuirasse pour finir sa carrière sous la protection de l’immunité parlementaire. On voit mal en effet les parlementaires le traduire devant la Haute Cour… avec la majorité actuelle de la Droite. En attendant de regagner ce havre de paix, il jouerait au chat et à la souris avec les " petits " juges qui souhaitent l’entendre. Ceux qui ont en charge l'affaire Clearstream, ont émis l'intention de le rencontrer avant de clore leur dossier. L'ancien chef de l'Etat serait donc convoqué à partir du 17 juin prochain, un mois et un jour après la fin de son mandat. Il sera entendu à titre de témoin, comme l'a été son Premier ministre, Dominique de Villepin.

LE ROLE PRESUME DU CHEF DE L’ETAT
Sur le plan technique, cette décision parait normale. Le fil conducteur des procédures engagées par les deux juges a été les notes du général Rondot, dans lesquelles Jacques Chirac est cité. A tous les témoins, ou mis en examen, qu'ils ont interrogés, ils ont posé des questions sur le rôle présumé du chef de l'Etat, sans d'ailleurs que quiconque ait confirmé l'implication de celui-ci dans cette opération de désinformation, impliquant de nombreux industriels et quatre hommes politiques, parmi lesquels… Nicolas Sarkozy, qui pourrait, pied de nez du destin, regarder tout cela depuis l’Elysée et se montre paisible. On trouverait pour la première fois dans l’Histoire la victime présumée en position de bloquer, magnanime, la procédure visant l’un des possibles instigateurs du complot l’ayant touché.
Cette décision de convoquer, comme un citoyen ordinaire, un ex-Président de la République, risque pourtant de faire débat. Elle s'inscrit dans la bataille discrète, qui traverse actuellement le corps des magistrats, sur la manière dont doit être traité Chirac, lorsqu'il aura perdu son immunité. En particulier, dans le cadre des affaires des emplois fictifs du RPR pour lesquelles Alain Juppé a été condamné – d'une certaine manière à sa place – à 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité. Certains magistrats se refusent – au nom de l'intérêt supérieur de la France – à "humilier" Jacques Chirac, tandis que d'autres estiment que, s'il n'est pas condamné, c'est tout l'édifice constitutionnel qui accorde une immunité à la fonction de chef d'Etat, et non à la personne, qui serait mis à terre. Cette théorie aurait des chances de l’emporter, car les postes décisifs dans la Magistrature sont occupés par des hommes sûrs qui survivront quelques temps à un éventuel tsunami électoral. Il serait en effet étonnant que les mutations soient aussi rapides que celle qui a frappé hier… le Recteur de Lyon ! Un exemple parfait de ce qui attend, en revanche, les résistants au système Sarkozy !

PAS ENCORE DE CONTRE PARTIE NOTOIRE
Une autre rumeur circule dans ces milieux généralement bien informés, que Coluche brocardait avec humour. Elle parle d’un accord qui préserverait également Chirac de son infortune programmée… dans une autre configuration politique. Il aurait été scellé par sa fille Claude qui va se retrouver au chômage, et qui aurait conservé des relations amicales avec des personnes de sa génération, particulièrement influentes dans le camp adverse. Cette version purement théorique n’a pas trouvé d’illustration concluante car, à ce jour, il n’y a pas eu encore de contre partie notoire. Sauf à prétendre que la meilleure manière de diminuer Sarkozy serait, dans l’ultime ligne droite, de lui donner le baiser de Judas, il n’y a aucune autre perspective d’aide indirecte. Il est vrai que Chirac demeure un éminent spécialiste du billard à trois bandes, et qu’il a déjà, à de nombreuses reprises, poussé vers les trous des coins des amis… de 40 ans ou moins ! Tous ceux qui le connaissent bien mieux que moi sont formels : il ne pourra pas se retenir de préparer un coup tordu dont il ne gardera plus le secret pour personne.
En attendant, il a testé l’effet produit par un geste amical à l’égard de celui qu’il déteste au moins autant qu’il aime la Corona. A près d'un mois du premier tour, il a accordé son "vote" et son "soutien" à Nicolas Sarkozy dans une brève déclaration -,un peu plus de deux minutes,- enregistrée à l'Elysée. Evoquant ses "choix personnels" pour la présidentielle, le chef de l'Etat a jugé que "les choses sont simples. Il y a cinq ans, j'ai voulu la création de l'UMP, pour permettre à la France de conduire une politique rigoureuse de modernisation dans la durée. Dans sa diversité, cette formation politique a choisi de soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle, et ceci en raison de ses qualités. C'est donc tout naturellement que je lui apporterai mon vote et mon soutien", a-t-il dit. Et comme personne ne sera dans l’isoloir avec lui, on ne peut que lui faire confiance. On sait ce que valent ses engagements… solennels et surtout quelle en est la durée.

POSITION D’HERITIER FORCE
"Je suis très touché de cette décision. Elle est importante pour moi sur un plan politique et aussi sur un plan personnel", a précisé, une heure après, le président de l'UMP. Il aurait pu ajouter " je suis touché et… coulé ! " En effet, cette décision chiraquienne à minima va placer Sarkozy en position d’héritier forcé du couple de Villepin-Chirac, et donc le charger du fardeau d’un héritage qu’il cherche par tous les moyens à ne pas assumer. En quittant le gouvernement lundi, il n’oubliera plus derrière lui le bilan de ses ennemis intimes. Il est certain qu’en d’autres circonstances, ils ne manqueront pas une occasion de rappeler qu’il a été un " excellent ministre " pour que tout le monde sache qu’il a beaucoup travaillé aux… échecs incontestables de certaines mesures.
Cette partie exceptionnelle de poker menteur ne fait que débuter, selon le fameux principe décliné par Voltaire : " Mon Dieu protégez moi de mes amis. Mes ennemis je m’en charge ! ". Le problème, c’est que le jeu se pratique couramment dans tous les camps.
Il va donc falloir que Nicolas Sarkozy fasse valoir quelque part, un soir, sur une estrade, son " droit d’inventaire ", dont on sait ce qu’il a coûté à Lionel Jospin. La formule n’est véritablement pas innocente, et il serait étonnant qu’elle soit utilisée. La cohabitation qui dure depuis des mois entre le Président de la République, sorti par son Ministre de l’Intérieur, va donc tout à la fois prendre fin et… continuer. Une situation ambiguë dont on ne connaît pas encore l’épilogue car, pour exister, Chirac fera durer le suspense. Il ne livrera ses pensées qu’au compte goutte, de telle manière qu’il puisse terminer son mandat sur une évaluation convenable de sa popularité. Ensuite, il évitera les pièges qui l’attendent, avant de chercher un abri convenable.
Le conseil constitutionnel présidé par le fidèle Jean Louis Debré en est un. Le Sénat de Poncelet peut en devenir un autre. Comme dans les polars, on a hâte de connaître la fin de l’histoire, car on mesure le talent inné en matière de trahison de celui qui représente, encore pour quelques semaines, la sincérité et l’impartialité du Président de tous les Français. Au fait, est-ce que son engagement électoral de hier a posé un problème aux citoyens ? Pas plus que n'en avait posé le cumul des fonctions de Ministre de l’Intérieur et celle de candidat officiel aux présidentielles. Mais dès lundi, tout ira mieux : François Baroin va veiller à remettre de l’ordre dans tout cela !
Mais je déblogue…
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21 mars 2007 3 21 /03 /mars /2007 07:38
Hier soir, j’ai partiellement participé, en raison d’un engagement complémentaire, à une rencontre sur le thème simple du vote de gauche en faveur de Ségolène Royal. Une trentaine de personnes, pas toutes adhérentes du P.S., se retrouvaient, ce qui garantissait le pluralisme des analyses et des positions. Autant écrire que, dans ces cas là, il faut surtout savoir écouter et avoir la sagesse de s’imprégner des mots des uns et des autres, car les certitudes ont rapidement pris le pas sur les interrogations et les doutes. Le temps ne parait plus à l’introspection mais à l’action. L’unanimité a été vite faite sur cette réalité. Ségolène Royal bénéficie d’un soutien unanime, car tout le monde admet l’urgence de la situation. Certes, des ajustements dans la forme et le fond de son discours demeurent demandés par certains, mais rien de grave. Le groupe se retrouve soudé dans l’adversité, et se déclare prêt à faire face aux nécessités d’une campagne solidaire.
Il reste cependant une problème qui n’a pas été réglé, et qui échappe totalement aux appréciations que l’on peut porter sur la candidate : celui du déficit criant de citoyenneté qui parcourt toutes les strates de la société. Tous les voyants sont au rouge, mais il est extrêmement difficile de le faire admettre par des militants convaincus, qui ont tendance à juger le monde à l’aune de leur motivation. Il paraît, selon des sondages, que les présidentielles passionnent les Françaises et les Français. Je ne demande qu’à le croire, mais il n’existe pas beaucoup de preuves de cette mobilisation. D’ailleurs, les enquêtes d’opinion actuelles font encore apparaître un taux d’indécision extrêmement fort. Les positions du premier tour en faveur de Ségolène et de Sarkozy correspondent selon moi à celles des " militants " qui, quel que soit le (la) candidat(e) votent pour des idées… Les 40 % restant vont, soit dans l’immédiat chez Bayrou qui sert de refuge au non-engagement rassurant, soit dans les " ne se prononcent pas ". En attendant le face à face décisif, les indécis plébiscitent… celui qu’ils prennent pour un arbitre impartial, et les autres attendent un coup d’éclat de l’un ou de l’autre.
En écoutant, hier soir, j’ai appris que les abstentionnistes potentiels seraient moins nombreux qu’ils ne le furent dans un passé récent. J’en doute… car les sondages ne mesurent pas le désintérêt ou même ce qui est plus grave le rejet de la politique dans sa forme actuelle. Hier matin, un micro trottoir de France bleu Gironde démontrait que peu de passants étaient par exemple capables de citer plus de 6 candidats malgré… leur intérêt pour l’échéance électorale. Je rencontre des gens qui me demandent pour qui ils doivent voter, tant ils manquent de repères, et je ne suis pas persuadé que tous les nouveaux inscrits aient envie de ses prononcer au premier tour. Or le danger pour Ségolène Royal serait de travailler au second tour et de rater celui du 22 avril ! Elle commence à en avoir conscience !

LA DISPERSION DES VOIX
" Le 22 avril (2007) ne doit pas être comme le 21 avril (2002)". Ségolène Royal a fait part, hier, de ses inquiétudes liées à une dispersion des voix au premier tour. S'exprimant devant la presse quotidienne régionale à Paris, la candidate socialiste a avoué craindre "un très gros risque de dispersion des voix" ce qui lui donne "l'obligation de redoubler d'efforts pour mobiliser sur son nom dès le premier tour, pour être sûre d'être au deuxième". Ségolène Royal aurait préféré le soutien des écologistes dès le premier tour, " d'autant qu'ils peuvent se retrouver sur mon programme ". Mais ce n’est pas le cas !
"On ne peut pas avoir de doutes sur mon engagement écologiste", a-t-elle ajouté, "et ce n'aurait pas été indigne de me soutenir dès le premier tour". Elle a indiqué avoir "approché José Bové et Dominique Voynet" pour leur souligner "les éléments de convergence des projets". "Mais je comprends qu'ils aient eu envie de se compter", a-t-elle ajouté.
Mon sentiment est donc partagé, au plus haut niveau du staff de campagne. Entre les abstentionnistes qui ne se réveilleront qu’en cas de danger…, et une légitime dispersion des voix, Ségolène Royal peut se retrouver marginalisée, tant l’engagement global en faveur de la gauche demeure à un niveau d’étiage faible.
Le contexte n’est pas facile à régler : comment récupérer le maximum de voix sans taper sur Voynet, Bové, Buffet et consorts (le second tour relèverait autrement de la mission impossible), et comment faire sortir de leur " neutralité " peu bienveillante les centristes circonstanciels ou les abstentionnistes têtus ?
Sur le premier point il faudrait tout simplement aller chasser intellectuellement et par des propositions précises sur leur territoire. L’écologie paraît être un enjeu fort pour grignoter des suffrages à Voynet qui ne peut pas se récupérer, comme Bové, sur le Traité européen. Bové s’y est d'ailleurs mis hier soir à Villenave d’Ornon dans la banlieue bordelaise avec un discours du genre "plus écolo que moi tu meurs" !
Ségolène Royal a pour sa part estimé que Nicolas Hulot "a raison de tirer à nouveau la sonnette d'alarme" et qu'elle serait représentée par son conseiller Bruno Rebelle au rassemblement que l'écologiste organise le 1er avril à Paris. Elle a réitéré que l'écologie était "un axe majeur du développement" de la région qu'elle préside, Poitou-Charentes. Si elle est élue, elle a promis un débat "très rapidement" sur l'avenir énergétique de la France. Ségolène Royal a rappelé, à ce sujet, que la construction de l'EPR coûtait 4 milliards d'€. Son objectif est au contraire "l'augmentation de la part des énergies renouvelables" dans le bouquet énergétique. Une tactique qui ne devrait pas arranger les affaires entre les Verts et le PS !

REVEILLER LES CONSCIENCES
Pour les abstentionnistes, le groupe de hier soir a recherché les moyens matériels de réveiller les consciences. Dubitatifs sur l’efficacité des parcours sur les marchés, peu convaincus de celle de la distribution dans les boites aux lettres, partagés sur les meetings… les convaincus ne voient aucune solution miracle pour lutter contre l’influence des médias dominants. Extirper des esprits les certitudes télévisées relève de la gageure. La pression va devenir terrible, et il faudra une volonté citoyenne de fer pour résister. On se souvient qu’en 2002, les images d’un pauvre vieil homme, mis à mal par des voyous, avaient boosté la candidature Le Pen. Or, le ver est encore dans le fruit. Un rapport officiel de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) indique que les Français sont 48% à estimer qu'il y a trop d'immigrés en France, et 30% à se déclarer racistes. En revanche, le rapport fait état d'une baisse de 10% des violences racistes en France en 2006.
"L'année 2006 a été marquée par une baisse de 10% de la violence globale raciste, xénophobe et antisémite : on dénombre ainsi un total de 885 actions et menaces racistes, xénophobes et antisémites (contre 974 en 2005)", note le rapport. Le nombre de violences et de menaces antisémites a au contraire augmenté de 6% par rapport à l'année précédente, relève le rapport, passant "à 541 en 2006 contre 508 en 2005, selon les chiffres fournis par… le ministère de l'Intérieur".
Si 30% de personnes interrogées lors d'un sondage réalisé pour le rapport se déclarent racistes, elles étaient 33% en 2005. Près de la moitié (48%) considèrent qu'il y a trop d'immigrés en France, soit 7 points de moins qu'en 2005. Une majorité (54%) estime que "ce sont avant tout les personnes d'origine étrangère qui ne se donnent pas les moyens de s'intégrer", contre 37% qui jugent que c'est "la société française qui ne donne pas les moyens aux personnes d'origine étrangère de s'intégrer". Pour 58% (-5) des sondés, "certains comportements peuvent parfois justifier des réactions racistes", contre 39 % pour qui "rien ne peut les justifier". 79% (+9) des personnes interrogées considèrent cependant que "les travailleurs immigrés doivent être considérés comme chez eux, puisqu'ils contribuent à l'économie française" et pour 64% (+16) la présence d'immigrés en France est nécessaire pour assurer certaines professions".
Je crois que la bête immonde sommeille encore dans le ventre mou du pays. Cette réalité, jointe aux autres, devrait nettement inquiéter les gens de gauche. Leur démontrer que les erreurs faites en matière d’éducation au cours des décennies écoulées vont finir par se payer cher un jour ou l’autre. Pourvu que ce ne soit pas le 22 avril, car malheureusement, je ne crois pas que ce soient les distributions de tracts qui parviennent à changer ce triste cours des choses.
Mais je déblogue…
JE VOUS AVAIS PREVENUS MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
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20 mars 2007 2 20 /03 /mars /2007 07:31
Le 25 mars, les Européens convaincus sont invités à fêter le 50° anniversaire du Traité de Rome, événement incontestable à l’échelle d’un continent qui se remettait juste d’une guerre dévastatrice. Tout pas en avant, même à six, constituait un pas décisif pour l’humanité, car il éloignait le spectre des affrontements meurtriers. Après 9 mois de négociations, les représentants des Six sont réunis à Rome pour signer les deux nouveaux traités. La cérémonie de signature des Traités instituant la Communauté économique européenne (C.E.E.) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (C.E.E.A.) est organisée de manière solennelle par les autorités italiennes. L'événement se déroule au Capitole, dans la salle des Horaces et des Curiaces, héros de l'histoire antique qui s'étaient entre-tués au cours d'un sanglant combat. Quel meilleur symbole pour la conclusion d'un acte qui scelle la réconciliation définitive entre les ennemis d'hier ?
Les représentants des gouvernements des Six se succèdent pour parapher les deux documents : Konrad Adenauer et Walter Hallstein pour l'Allemagne, Paul-Henri Spaak et Jean-Charles Snoy et d'Oppuers pour la Belgique, Christian Pineau et Maurice Faure pour la France, Antonio Segni et Gaetano Martino pour l'Italie, Joseph Bech et Lambert Schaus pour le Luxembourg, Joseph Luns et Johannes Linthorst Homan pour les Pays-Bas. Une anecdote amusante émaille cette cérémonie, peu connue dans l’Histoire : le jour de la signature, la mise en page définitive du texte n'est pas prête, si bien que ministres et chefs de délégation apposent leur signature sur un paquet de feuilles blanches ! Fort heureusement, au moment du scellage, qui marque l'adoption officielle des Traités, tout est rentré dans l'ordre. Un germe est planté dans les terres des Peuples et, au début, malgré son caractère technocratique, elle poussera lentement mais sûrement pour apporter une amélioration indéniable du niveau de vie. Le social a accompagné durant deux décennies le développement économique. Les nouveaux arrivants avaient, en effet un niveau équivalent comme l'Irlande, le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège. Et, dès le 1er janvier 1973, les Britanniques, les Danois et les Irlandais intègrent la CEE. Personne ne s’y opposera réellement à part le Général de Gaulle, extrêmement méfiant à l’égard des Britanniques (avait-il tort ?), car il se méfie surtout des solides relations que la Grande-Bretagne entretient avec les Américains. On commencera à sérieusement douter de l’efficacité de l’ensemble quand, après la Grèce, l’Espagne et le Portugal arriveront dans la CEE le 12 juin 1985. Il faudra une campagne extrêmement engagée de Mitterrand et des socialistes pour que leur arrivée soit possible, de justesse. Le doute s’était installé dans les esprits. Il ne les quittera plus !

LEUR VIE EST DEVENUE PIRE
D’ailleurs, à quelques jours de la célébration du 50e anniversaire du traité, un sondage publié dans le Financial Times de hier, indique que seulement un quart des personnes vivant dans les cinq plus grands pays d'Europe pensent que leur vie… s'est améliorée depuis que leur pays a rejoint l'Union européenne. Dans ce sondage, 44% des personnes interrogées en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en Allemagne pensent au contraire que leur vie est devenue pire depuis l'entrée de leur pays dans l'Europe.
Pour 20% des personnes interrogées, l'Europe est d'abord celle du marché commun (31%). Mais, pour 20%, c'est d'abord une bureaucratie, et ils ne sont que 9% à voir d'abord en elle une démocratie. Sans surprise, ce sont les Britanniques qui sont les plus eurosceptiques : quelque 12% seulement pensent que l'Europe leur a bénéficié. Viennent ensuite les Français (un peu moins de 20%), les Allemands (environ 21%), les Italiens (environ 23%), les Espagnols étant les plus reconnaissants (environ 52%).
Mais dans l'ensemble, ces personnes ne veulent pas pour autant que leur pays quitte l'UE : au total, dans ces cinq pays, seulement 22% des gens pensent que leur pays y gagnerait. 40% pensent qu'il y perdrait.
Pour autant, leur intérêt pour la Constitution européenne, dont la relance figure dans les objectifs de l'actuelle présidence allemande, reste limitée: 35% pensent que la constitution aura un impact positif sur leur pays, 27% pensant l'inverse. Là encore, ce sont les Britanniques les plus négatifs: 48% y sont défavorables. L’ensemble de ces résultats devrait interpeller les candidats à l’élection présidentielle. Il y a là matière à réfléchir, puisque cette méfiance majoritaire n’est pas près de disparaître. Les enquêtes sur, par exemple, la mise en place de l’Euro, ne sont guère plus favorables, et la suppression programmée de la politique agricole commune (PAC) ne va pas atténuer le ressentiment de certaines catégories sociales à l’égard de Bruxelles.

LA TRISTE REALITE D’INTERREG
Pour illustrer cette vision d’une Europe ayant toutes les qualités sauf celle d’être concrète, citoyenne, efficace, sociale, il suffit que je vous conte la triste réalité du projet Interreg Sud Ouest européen auquel participe l’association des villes bastides de Gironde, dont j’assure la présidence. Après avoir rétribué un cabinet spécialisé (il est impossible de rédiger un tel document sans le concours d’un technicien), pour nous aider à monter durant six mois un dossier sur les villes neuves du Moyen Age, il nous a fallu rechercher des partenaires potentiels. Il faut savoir que cette quête de comparses vous permettant d’émarger sur des aides européennes, nécessite un investissement que peu de porteurs de projets ont les moyens de mettre en place. Des sortes de "foire aux initiés" existent dans les grandes villes. Il est vivement conseillé d’aller se chercher des compagnons de route. Des " agences matrimoniales " rémunérées au pourcentage existent. Il faut séduire, et promettre une belle dot pour trouver preneur.
Sans initié capable de savoir à l’avance quels seront les appels à projets diffusés par la commission européenne, les délais sont impossibles à tenir. L’anticipation est de mise, puisque seulement une poignée de jours sont offerts pour envoyer le dossier. Et on ne plaisante pas sur les dates butoirs ! Moins il y a de dossiers, moins il y a de travail.
Il faut alors, en toute hâte, aller convaincre la Région de s’associer à l’idée… car sans son soutien ce n’est même pas la peine d’aller plus loin. L’Aquitaine nous a bien accueillis et fortement soutenus, ce qui nous a permis, fin juillet 2004, de boucler le programme et d’ouvrir des crédits qui nous ont seulement permis de survivre.
Entre 6 et 8 mois d’efforts sont nécessaires pour… espérer être retenu. A l’arrivée, en effet, 2 à 3 dossiers sur 40 seront jugés recevables sur le fond et sur la forme. Ce fut le cas pour le nôtre. Une belle satisfaction pour la dizaine de personnes, et notamment les animateurs du Centre d’Etudes des Bastides…qui furent récompensés de leur motivation. L’Europe nous tendait les bras. Du moins nous l’avions cru.
TROIS ANS PLUS TARD : RIEN !
La complexité des procédures pour accéder aux crédits promis aura été telle que… 3 ans plus tard nous n’avons pas réussi à obtenir un Euro de financement. Suivez-moi dans le dédale des procédures. L’association doit remplir un dossier de douze pages avec, par exemple, le nombre d’hommes et de femmes ayant participé aux réunions (ce qui est décisif pour un projet sur les villes neuves du Moyen Age), et bien d’autres questions de cette importance. Les comptes joints doivent être attestés par des pièces originales, et surtout les tampons ad hoc. Ce que les technocrates appellent des remontées de dépenses partent pour le siège du chef de projet, qui attend tous les dossiers pour les vérifier (expert comptable obligatoire pour 5 à 6 000 Euros) et les expédier au Conseil régional de Midi-Pyrénées qui a en charge la validation des dépenses… girondines. Elles y sont à nouveau vérifiées et épluchées. La moindre faille vaut le renvoi vers l’expéditeur et un nouveau parcours d’obstacles.
Plusieurs mois sont donc indispensables pour ces navettes quand, un beau jour, la bonne nouvelle tombe : les demandes de fonds partent vers Santander où se trouve la cellule européenne d’Interreg. Examen de passage poussé de plusieurs semaines, avec un risque accru de refus (c’est ainsi que la valorisation du bénévolat a été enlevée de tous les dossiers, alors qu’elle était initialement prévue comme remboursable) et donc, un autre retour à la case départ. Un tampon mal placé, un nombre incertain, un texte jugé imprécis et c’est la sanction ! Quand tout est tiré à quatre épingles, la demande d’ouverture de crédits part pour le Ministère de l’intérieur à… Madrid car c’est depuis la capitale espagnole que seront versés les quelques centaines d’Euros attendus depuis 2005 par l’association des villes bastides de Gironde. Actuellement, rien n’est encore arrivé, alors que la première demande a dépassé les… 2 ans ! Cette Europe là ne tient pas du fantasme, mais de la réalité. Une usine à gaz, qui confond la rigueur et une bureaucratie qui aurait ravi Courteline.
Le sondage reflète inconsciemment cette perception d’une institution éloignée des citoyens. Un demi-siècle plus tard, elle s’est enlisée dans le profit et la technocratie. N’attendez pas que l’on gâche la fête en vous rendant compte d’autre chose que de masses budgétaires plus ou moins consommées. Les programmes initiaux qui vont au bout deviennent rares car l’épuisement guette.
De toutes manières, ne cherchez pas, tout ceci sera la faute de ces galeux qui ont osé prétendre que le Traité constitutionnel européen ne ferait pas le bonheur des peuples malgré eux. Ce sera une manière comme une autre de souffler les bougies d’anniversaire.
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19 mars 2007 1 19 /03 /mars /2007 07:49
Départ 5 h 30 hier matin pour aller soutenir Ségolène Royal lors du rassemblement des élus socialistes et républicains prévu, bizarrerie du nom des lieux, porte de… Versailles ! Le marathon continue et la ligne d’arrivée est encore loin. Il faut ajouter à la pression du quotidien celle d’une période encore plus chargée.
Le TGV s’arrête dans toutes les gares entre Bordeaux et Paris. Il charge des cohortes bon chic, bon genre, silencieuses car tirées de leur sommeil dominical : les jeunes sarkozistes ont rendez-vous avec leur idole ! Ils respirent ce qui me fait peur dans la vie publique : la certitude aveugle. Malheureusement, le virage est pris, et désormais il faut être un fan mais plus jamais une truie qui doute. Le voyage traîne en longueur, même si les hasards des attributions des places évitent à notre trio une cohabitation démoralisante. En plus de trois heures de voyage on a le temps de refaire le monde, d’analyser les nouvelles de la veille, de se motiver pour affronter la réalité.
Au bar, les UMP en gestation ont envahi les lieux. Ils débattent avec leurs aînés qui les encadrent de cette campagne à laquelle ils vont apporter leur concours. Un nom revient sans arrêt dans leurs conciliabules autour des tasses cartonnées : Bayrou ! Pas une phrase sans que le spectre de l’ex-allié devenu l’ennemi public numéro 1 n'apparaisse. Chacun d’entre eux a sa théorie pour ramener à la raison celui qui serait largement vainqueur au second tour de leur favori…Dans le fond, étrange paradoxe, ils souhaitent presque que Ségolène Royal accentue sa montée dans les sondages.
Métro, manque de dodo, boulot et le hall 3-2 de la porte de Versailles résonne des interventions successives d’élus montés à Paris pour témoigner de la force active du réseau mis au service du pacte présidentiel de Ségolène Royal. Une cinquantaine de Girondines et de Girondins a fait un déplacement parfois éclair vers la capitale. Une certaine déception s’empare des arrivants, car les écharpes tricolores n’ont pas massivement fleuri ce printemps des élus, mais c’est vrai que les autres ont probablement choisi de porter la bonne parole sur les marchés de leur village ou de leur ville. Celles et ceux qui ont vécu le même rendez-vous du temps de François Mitterrand font une moue discrète, et chuchotent à l’oreille de leur voisin un commentaire qu’ils garderont secret, afin de ne pas casser l’ambiance. Elle monte au fur et à mesure des interventions, et surtout elle va franchir un palier avec l'arrivée, sur un podium coloré, de Dominique Strauss-Kahn. Après un Chevènement que l’on aura vu plus brillant et avant un François Hollande véritablement convaincant, il va faire monter d’un cran l’enthousiasme de la salle en faisant de la… politique !

RETOUR DES FONDAMENTAUX
En fait, le trio va faire de la politique. C’est à dire qu’ils oseront enfin rentrer dans le lard des sondages portant au pinacle le duo de la Droite. On revient aux fondamentaux des meetings permettant de vanter les mérites de celle que l’on soutient, mais aussi de mettre en évidence les carences de ceux qui la combattent. La cible du jour est toute désignée : François Bayrou ! Le " Ché " qui ne se veut plus révolutionnaire a dégainé le premier, en parlant des deux candidats : " L’un est atteint d’hypertension fébrile et l’autre d’hypotension permanente ". Un peu court, d’autant qu’il alignera une formule détestable dans la foulée, en qualifiant Ségolène Royal de " Jeanne d’Arc d’une Europe qui protège… ". A vite oublier !
DSK ovationné en permanence par une salle enfin heureuse de retrouver des repères connus. " La différence entre Bayrou et Ségolène se résume ainsi expliqua celui qui refuse sa classification parmi les éléphants, et est on ne peut plus simple : Ségolène a 100 propositions alors que Bayrou est sans propositions ! ". Pas un mot qui ne fît mouche. Pas une phrase sans idée forte. Pas une ambiguité dans son engament derrière celle qui l’a devancé dans la course interne. " Léon Blum, dans l’un des derniers articles qu’il écrivit pour le Populaire a écrit ce qui doit nous animer  tous pour gagner : je le crois et je l’espère. Je le crois parce que je l’espère… " concluait face à une salle debout un DSK désireux de chasser le doute." Le seul vote à gauche possible c'est le vote Ségolène Royal". Incontestablement, sa vigoureuse intervention, combinant la conviction, la passion et la sincérité valait déjà le déplacement… On était passé de la campagne de territoire à celle des présidentielles et, dans le fond, la majorité des participants était venue pour entendre autre chose que des présentations de réussites locales, départementales ou régionales. Les présidentielles exigent un autre niveau !

UNE CAMPAGNE QUI ECHAPPE AUX NORMES ANTERIEURES
François Hollande excelle dans le genre, quand il abandonne son texte pour se lancer dans l’humour. Excellent, incisif, efficace… Il analysa avec lucidité le contexte général d’une campagne qui échappe aux normes antérieures. " Nous sommes dans une situation étrange lança le premier secrétaire du P.S. Nous cherchons désespérément les sortants… Il n’y en a pas, car personne ne veut assumer le bilan. Mais rassurez-vous, ils vont finir par trouver la sortie ! ". Il est exact qu’actuellement le Ministre de l’Intérieur-président de l’UMP-candidat arrive grâce à la mansuétude médiatique à éviter d’être impliqué dans les catastrophes du gouvernement auquel il appartient pourtant depuis 5 ans !
Deux saillies sur Sarkozy régalèrent les travées : " Il y a un mois il citait Jaurès, Blum et Mitterrand au point que j’ai cru qu’il finirait pas rejoindre le Parti socialiste. Désormais, il en est arrivé à Maurras et Rivarol. Il est parti de Jaurès pour maintenant courir après Le Pen. Il y a un mois il citait Zola car, on le sait, il a un goût prononcé pour les exilés, à cette différence près, c’est que Zola ne s’était pas exilé pour ne plus payer d’impôts en France ! ". Aucun répit, mais une volée permanente de flèches que bien entendu les télés, les radios ou les journaux n’ont pas retenues. Le ton ne fut pourtant pas plus indulgent pour François Bayrou qui " serait, selon certains, un homme neuf ! Je croyais pourtant qu’il avait été ministre de Balladur et Juppé, qu’il était connu pour avoir mis plus d’un million de personnes dans la rue, qu’il avait été formé par Lecanuet, qu’il avait soutenu Poher et avait servi Giscard ! Or je découvre qu’il n’avait comme métier que celui d’agriculteur ou d’éleveur de chevaux, et que son véhicule de prédilection était le tracteur… " La salle a adoré cette mise en coupe sombre des images que tentent de se construire patiemment les deux rivaux principaux de Ségolène Royal.

UN DISCOURS PROGRAMME SEMBLABLE AUX AUTRES
Il restait à la candidate, qui fit une entrée solitaire, sans contact avec les travées, à s’engouffrer dans les brèches ouvertes par un duo complémentaire. Les fans s’agitaient dans tous les sens…les groupies confondant un concert de Goldman et une réunion politique se mirent à hurler. Ségolène, à la fois souriante et imperturbable, ramena le calme, pour entamer un discours programme semblable à tous ceux qui ont précédé. Elle fit applaudir… le non-cumul drastique des mandats électifs par une salle où les cumulards étaient nombreux. Un exploit ! Elle relança sa conception de la démocratie participative, en reconnaissant cependant que bien des élus socialistes la pratiquait déjà depuis longtemps. Elle annonça qu’il n’était pas question de supprimer les départements, ce qui rassura les rares conseillers généraux présents. Le propos fut techniquement irréprochable.
Ségolène Royal lança la notion de mise en place, par référendum, d’une VI° République. Cette reconnaissance de la nécessité de modifier profondément les règles de fonctionnement d’un Etat usé arrive dans la campagne électorale. Il méritera un développement fort, en sachant que ce thème n’enthousiasmera pas nécessairement les foules. La clarification des compétences, la réforme du système législatif, la répartition des pouvoirs… n’appartiennent pas au quotidien des citoyens, très éloignés de ces problèmes constitutionnels : la campagne paraît pourtant être enfin lancée.
Des adversaires sur lesquels il va falloir " cogner " plus fortement pour bien marquer le territoire. Un programme qui devra devenir de plus en plus concis et concret afin de mobiliser les catégories sociales les plus menacées. L’acceptation du rôle irremplaçable de relais que jouent sur des territoires les élus locaux référents. Une tonalité générale des interventions beaucoup plus mobilisatrice. Si, sur le chemin, désormais l’entourage de Ségolène Royal met en place un dispositif reposant sur ces principes, le déplacement vers Paris de quelques milliers d’élus motivés aura été un moment clé car, comme l’a affirmé Ségolène Royal, il faut absolument réunir le " local et le global ". Le temps presse… La VI° République naîtra enfin sans douleurs, car c'est probablement le fondement de cette nouvelle démocratie à laquelle aspirent bien des citoyens.
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18 mars 2007 7 18 /03 /mars /2007 01:12
LE BAIN DE DESERT
Le désert d’Atacama, comme le peuple chilien, n’aime pas l’uniforme. Il se plaît à donner librement cours à une palette de couleurs, montées des profondeur de la terre. Les flancs lointains et pelés des montagnes étalent des stries comme autant de cicatrices laissées par des minéraux en quête d’évasion. Ils refusent d’héberger la moindre touffe d’herbe, comme si leur fierté résidait dans cette nudité absolue. L’austérité devient une richesse, car elle ramène aux origines du monde. Difficile d’imaginer qu’hormis la patine imposée par le vent, rien n’est parvenu à modifier la globalité des paysages. L’immensité des espaces, comme en d’autres lieux de la planète aussi arides, n’est pas atténuée par la rondeur mouvante des dunes. Tout n’est que rocaille, poussière grisâtre, résidus volcaniques en cours de désagrégation, failles aux arrêtes saillantes comme s’il fallait absolument décourager la venue des hommes dans un contexte hostile.
Au creux de cette morne plaine, brille dans un mirage, une mer d’argent. Visible à des kilomètres, elle représente une tentation insaisissable pour le voyageur. Impossible d’en connaître la consistance tant qu’on n'aborde pas le rivage. Comme le reste du décor, il est immobile, figé, comme si un maléfice avait instantanément arrêté une tempête. La dentelle acérée de vagues monte de la profondeur de la terre. Elle est parsemée de diamants étincelants d’une écume fragile. Le voyage s’effectue en entrant dans une extraordinaire marée de sel, remontée du cœur du sol. On marche sur le Salar d’Atacama comme pourrait le faire un Dieu sur l’eau. Au bout de cette promenade dans un monde minéral, un autre miroir, source de vie. Protégée par cette herse infranchissable, la lagune recèle les habitants du désert. Des flamands roses et noir, haut perchés au loin sur des pattes fragiles, filtrent avec élégance un breuvage frais, d’autres oiseaux sautillent sur un sol d’arc en ciel pour glaner quelques bestioles égarées. Dans cet univers, un maigre filet d’eau au cheminement souterrain secret constitue la seule garantie de la survie. Il alimente par de petites goulées d’un nectar, incolore mais précieux, la mer qui n’a pu résister au soleil. Evaporés les rêves de vie. Atacama se contente des miettes que lui a laissé le temps.
Des sommets andins étirés comme un écrin surhumain surgit cette eau, selon un hasard avare, que seule la nature maîtrise. Elle donne aux guanacos, aux lamas, aux moutons, des taches vertes suffisant à leur bonheur. Ce sont, en fait, des prisons dorées, car il leur est impossible d’aller chercher la liberté de vivre ailleurs.
Le désert ramène inévitablement à la véritable dimension humaine. Celui d’Atacama, qui croise la route irréelle du tropique du Cancer, ajoute à son étendue la qualité de ses teintes, selon les moments de la journée. Elle n’efface pas la rudesse de son climat et moins encore celle de son sol. On en ressort avec autant de plaisir que l’on y est entré, car le voyage use. Chaque village écrasé par la chaleur, mais forcément accompagné par cette eau précieuse sans laquelle il n’existerait pas, respire la solitude. Etre posé sur une autre planète, voir le monde dans sa simplicité la plus émouvante, manquer d’oxygène à plus de 3500 mètres, croiser la route d’une " sorcière " géante générée par la température, apprécier le moindre signe de vie, brise réellement le rythme d’un quotidien que l’on trouve vite artificiel. Atacama ramène à l’essentiel et l’on en ressort, dépouillé des apparences, et du superflu des certitudes. Le bain de désert reste le luxe de cette époque.

LES PANACHES DU TATIO 
Le calumet de la paix ne se fume pas, contrairement aux apparences, dans le cratère du Tatio. Même si la terre souffle de larges volutes, il n’y a rien de rassurant dans cette profusion. D’abord, parce que la montée depuis la civilisation vers cette marmite géante, dont on ignore le contenu exact, ressemble à une ascension vers l’enfer. On chemine dans la nuit, mal réveillés, ballottés sur des chemins frôlant des précipices, pour arriver dans ce réceptacle majestueux. Une trentaine de degrés sépare la base de départ de ce sommet aux silhouettes incertaines, dans une aube encore lointaine. Le froid saisit, comme pour rappeler qu’au-dessus de 4500 mètres il règne en maître. Les fumeroles ne suffisent pas à réchauffer une atmosphère ayant belle gueule, car d’une extrême pureté. Comme des naseaux d’un taureau furieux, les excavations laissent échapper des vapeurs changeantes, promises à la dissipation immédiate dans un ciel où une lune rigolarde contemple ces fourmis grattant l’un des dos du monde. Le spectacle changeant se déroule dans un silence glacial.
Peu à peu un bouillonnement curieux monte des ouvertures vers le ventre de la terre. Mystérieusement les trous crachotent, toussent, éructent avec l’inexorable montée du jour, comme si la luminosité agaçait les démons ayant en charge cette gigantesque chaufferie secrète. Ils tiennent à protester, car leur royaume de l’obscur leur échappe. Des geysers glougloutent avec une vigueur accrue, comme pour éloigner les curieux de ces évents sur l’Erèbe. Le volcan endormi devient cétacé. Il souhaite obtenir le respect dû à sa masse. Il grommelle. Il peste. Il se rebelle avec une vigueur accrue, mais avec une mesure sympathique. Le monstre s’ébroue, mais se laisse toujours approcher. Les eaux chaudes accentuent la montée de voiles vaporeux, qui s’étirent mortellement dans les premiers rayons du soleil. Dans ces bains venus des entrailles de la terre, les guides réchauffent les composantes d’un petit-déjeuner sommairement installé. Le mal de l’altitude tourne les têtes, mais l’arrivée massive du jour nouveau redonne la vigueur nécessaire pour aller vérifier que la bouilloire des géants maintient son rythme paisible.
Les espaces d’où s’évaporent la mauvaise humeur du Tatio méritent tous un détour. Le chemin de ronde destiné à surveiller le cratère, permet d’aller de l’un à l’autre. Une vaste mare naturelle, dont la température est acceptable, offre aux baigneurs courageux des ébats inédits avec les larmes venues de la terre. Le spectacle paraît dérisoire, en raison du lieu lui-même, comme s’il s’agissait d’une caresse faite à un fauve pour afficher sa supériorité. En se ralliant à de monumentaux panaches blancs, on gagne ce pari rassurant, consistant à dominer les phénomènes naturels les plus inquiétants. La promenade se mérite. Il faut donc absolument en profiter sur un rythme lent, compte tenu de l’essoufflement qui menace.
En quittant le fourneau du Tatio, on ne peut s’empêcher de jeter un œil sur ces bouffées paisibles qui au loin parsèment une morne plaine. Elles recèlent le mystère de ce cœur de la planète que seul, Jules Vernes, a voulu percer dans un voyage épique. Là-haut, sur ce sommet des Andes, il reste un lien ténu avec l’origine de la planète, grâce à l’aube des geysers. Pour l’instant, elle n’est porteuse que de bonnes intentions…
 
Une poussière lunaire recouvre le désert d’Atacama. Le long ruban de réglisse bitumée qui relie l’aéroport de Clama à la cité de San Pedro ne fait pas dans le détail. Il trace droit, sauf au moment de franchir quelques sommets arides, avant de finir, épuisé, dans un écrin vert au milieu de nulle part. Le village lui-même se fond dans l’ocre général de son environnement. Aucune maison à étage, aucun toit lourd en dehors des bâtiments officiels auxquels ont a voulu conférer un statut différent par un badigeon de chaux. Tout est ordinaire. Tout ne respire que le rafistolage de rentabilisation. Les rues rectilignes affichent la nudité de leur revêtement comme pour attester qu’elles résisteront à ces envahisseurs débarqués pour les occuper. La principale d’entre elles refuse même ces automobiles qui soulèvent des nuages secs dès que leur vitesse dépasse celle des piétons. San Pedro suffoque, avec le soleil comme compagnon de route.
Calebasse à la main ou tuyau d’arrosage en bandoulière, les riverains tentent d’endiguer cette invasion par cette farine montée du sol. Les serveurs y interpellent les clients potentiels, les bazars aux portes exiguës dispensent, dans la nuit, des lumières de la même tonalité que la poussière. Les objets réputés authentiques se ressemblent d’un étal à un autre. Le " made in China " côtoie ainsi les plus habiles des montages, confectionnés par des mains surprises de constater que leur talent puisse intéresser ces gens descendus de ces grands oiseaux blancs traversant parfois un ciel aussi bleu qu’une écharpe de vierge. La ruée vers l’or touristique a envahi ce bout d’un monde devenu un Katmandou miniature.
San Pedro n’est plus l’antichambre de l’aventure, mais la base de départ du commerce du dépaysement. Derrière les façades de terre se dissimule une vie que l’on pressent secrète et réfractaire à cette profusion de découvreurs de grands espaces désertiques. Impossible de savoir véritablement ce que fut ce village qui pourrait servir, débarrassé de ces enseignes publicitaires artisanales, de décor à un film de Sergio Leone. On s’attendrait à y croiser un bon, une brute ou un truand, alors que les seules rencontres possibles appartiennent aux images des magazines d’agences de voyage. Le décor de cinéma occulte le reste. La nuit demeure un instant magique, car elle étale l’immensité d’un ciel où brillent les étoiles, les plus discrètes ailleurs sur la terre. La poussière lumineuse de la voie lactée domine alors celle misérable du quotidien.
Il suffit de quitter le cœur de ce hameau du désert pour immédiatement changer de planète. Des volcans réellement posés sur la ligne d’horizon veillent au grain : tout orgueil humain mal placé serait vite réduit à néant. Des quartiers neufs avec équipements de banlieues s’étirent vers les étendues dénudées comme pour montrer que, justement, la volonté des hommes pouvait surpasser celle des éléments. A San Pedro, cocon pour chenilles processionnaires du désert, les ruelles ramènent vite des siècles en arrière. Mais on ne s’y perd pas sans risques.
Les apparences trompeuses triomphent donc dans le " I " de l’axe central avec, comme compagnon de route, un dollar triomphant. Elles s’évanouissent dès qu’on lève les yeux pour constater que les antennes télés sont bricolées avec du fil de fer de récupération, que les murs d’enceinte s’interrompent pour laisser vivre un arbre séculaire, que des citernes sur pilotis guettent les gouttes célestes des rares jours de pluie, que le confort des uns se refuse aux autres.
La poussière recouvre un passé probabalement sincère. Elle masque les aspérités de deux mondes qui se côtoient sans réellement se voir. Elle attend les convives sur les bancs et les tables extérieures des auberges. Elle donne à ce " Saint Pierre " chilien les allures d’une antichambre vers un enfer de la soif, ou un paradis du dépaysement, selon la vision que l’on en a. On vient y expier un goût immodéré pour ce que l’on croit être la civilisation. L’encombrement menace… et la tentation du profit s’est emparée d’un village d’une autre planète, celle d’Atacama, dont le nom résonne comme un lieu improbable de la Guerre des étoiles. Là-haut, il n’y a plus de paradis, et San Pedro n’a plus que les clés d’une aventure standardisée.
 
LA POUSSIERE DE SAN PEDRO
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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 08:38
Il est certain qu’il y a un divorce entre l’opinion et les élus. Au minimum, un climat de méfiance réciproque s’est installé, qui menace la démocratie représentative. Et ce n’est pas la campagne présidentielle actuelle qui va améliorer ces relations du genre " je t’aime moi non plus ! ". En effet, bien des candidats viennent une fois encore de pratiquer l’histoire du berger qui crie au loup. Ils ont hurlé que la République serait en péril s’ils n’obtenaient pas les fameux 500 parrains. Les médias, plutôt que de s’intéresser au fond des arguments, se sont régalés de ces cris désespérés, venus du plus profond du pays. Les Maires, ces galeux, incapables de mettre leurs actes en accord avec leur engagement, en ont pris un coup. Les bergers effrayés ont en effet réussi à apitoyer sur leur sort, à faire croire (celui de CPNT aura été remarquable dans ce rôle) qu’ils étaient en difficulté, alors que, depuis plusieurs jours, ils avaient le matelas nécessaire de soutiens.
Ce comportement consistant à hurler à l’injustice, alors qu’il n’y a aucun problème réel, va achever de rendre méfiants les élus locaux, roulés dans la farine. Victimes d’un chantage permanent à leur honnêteté, ils préféreront tôt ou tard tourner le dos à cette caste qui les considère comme des pions sur un échiquier. Ils sont donc onze, alors que lundi six d’entre eux étaient, soit-disant, aux abois. Grâce à leurs parrains plus ou moins convaincus, ils peuvent percevoir le pactole de 700 000 € pour conduire une quinzaine de jours de campagne officielle. L’essentiel pour certains reposait sur cette rentrée financière, qui permettra à leur mouvement de survivre, quel que soit le score réalisé.
Derrière, il y aura les législatives, et en économisant un peu, les partis qui les accompagnent s’offriront le nombre de circonscriptions indispensables pour bénéficier de la rente annuelle durant la législature. Les plus " petits " maires prennent donc du poids durant une quinzaine de jours de leur mandat. Reste à savoir si on va les retrouver sur les listes que l’impartial Jean Louis Debré dévoilera en début de semaine ! Cette partie de poker menteur aura encore davantage sapé l’image d’une vie politique qui se résume à des comptes de boutiquiers.

CINQ ANS D’INDEMNITES
Il est vrai qu’à l’étage au-dessus, ce n’est guère plus brillant. Jean-Louis Debré, ce brillant penseur, a vraiment bon coeur. Juste avant de quitter, fin février, la présidence de l'Assemblée pour celle du Conseil constitutionnel, il a brutalement décidé de soigner les députés battus, devenus chômeurs, en juin prochain. Ceux de 2002 — une trentaine, avaient continué de bénéficier, durant un… semestre, de leur indemnité complète de député (5 800 €). Juste le temps de retrouver du boulot en 60 mois ! Heureusement que Sarkozy va réformer tout cela et que des délais plus courts seront imposés aux chômeurs longue durée.
Grand seigneur avec l'argent de l'Assemblée, le… député de l'Eure a décidé de faire passer le nombre de semestre de un… à dix ! Soit cinq ans d’indemnités versées sur le budget du Palais Bourbon. Autrement dit, un député battu en juin prochain et qui se retrouverait inscrit à l'ANPE verrait son traitement prolongé durant toute la prochaine législature ! Mais qu’ils ne se réjouissent pas trop vite : ils percevront leur solde de manière dégressive. Exemple : en juin 2012, un député touchera 20% de son traitement soit un peu plus de 1 000 €.
C'est toujours mieux que le RMI ! Il aura cependant eu le temps de mettre quelques sous de coté et de préparer paisiblement les municipales ou les cantonales. J’en connais beaucoup qui ne vont pas se précipiter à l’ANPE pour retrouver un petit boulot alimentaire, et se faire radier des listes des demandeurs d’emploi. Il est certain qu’une telle mesure ira droit au cœur des gens qui galérent avec un salaire à temps partiel, payant parfois les seuls frais générés par l’emploi !

UNE GENE DONT IL FAUDRA SE DEBARRASSER
Ces rapports de la politique avec l’argent n’ont jamais été valorisants. Ils traduisent une gêne, dont il faudra bien, un jour, se débarrasser. Le problème, c’est que les députés se fixent eux-mêmes les conditions d’exercice de leur mandat. Ils n’ont pas d’autorité de tutelle, pas de contrôle vétilleux de leur décisions, et surtout ils savent que ce qui passe sans problème au niveau national devient scandaleux au plan local. Il est certain que Jean-Louis Debré, désormais chargé de veiller aux dogmes constitutionnels que son père (" l’amer Michel " selon son surnom dans le Canard enchaîné) a conçu, ne va pas… sanctionner cette décision magnanime. C’est réglé.
Je suis certain que les candidats aux présidentielles désavoueront cette prébende votée… à l’unanimité (du moins on voudrait le croire), comme ils constateront, avec lucidité, que tous les mouvements d’opinion ont en définitive obtenu le droit de se manifester dans la course à l’Elysée ! Peut-être proposeront-ils qu’une indemnité de candidature soit allouée durant cinq ans, sur le même principe, à celles et ceux qui ont obtenu les 500 parrainages… s’ils ne trouvent pas un boulot à la hauteur de leurs ambitions.
Quand on sait qu’un député sortant peut aussi obtenir des prêts personnels à des taux intéressants pour… financer ses investissements ou sa future campagne ; quand on ajoute qu’il peut cotiser sur un seul mandat pour ouvrir des droits à la retraite sur deux ; quand on précise que tous ses envois de pré-campagne, postés depuis l’Assemblée nationale, sont pris en charge, on a une idée de la " professionnalisation " outrancière des mandats électifs nationaux. La décision prise, avant la dispersion de la troupe UMP le confirme amplement, puisqu’ils en arrivent à confondre, avec ce système de " chômage ", une " fonction " donnée par le Peuple et un " travail " rémunéré. Celle qui pourrait arriver sur le mandat unique ne fera que renforcer cette tendance. On n’aura bientôt que des professionnels de la représentation nationale, protégés comme des cadres d’entreprises. Dans le fond, les députés sortants viennent de s’accorder des " stocks options ". Le problème, c’est qu’elles sont financées par les fonds publics.

MAIN MISE DE L’ENARCHIE
Il faut donc se préparer à une véritable main mise de l’énarchie sur la vie politique, car les places seront chères et… bien payées ! Les convictions cèderont le pas à l’ambition, la volonté de servir sincèrement les autres s’effacera devant celle de mettre les autres à son service. Dominée par les stars changeant de théâtre ou de films selon les engagements, la scène va ressembler à ces chassés croisés qui font le succès du théâtre de boulevard ! On sera loin, très loin de la réalité du terrain.
Ainsi, si la possibilité, ouverte en 1992, pour les élus percevant des indemnités de fonction, d'opter en faveur d'un système d'épargne retraite avec cotisation obligatoire de la collectivité concernée a constitué une avancée certaine, il semblerait que peu d'élus, en particulier ceux des communes modestes, aient exercé ce droit par souci de ne pas obérer les… finances communales. C'est pourquoi la retraite des intéressés s'avère bien souvent d'un montant symbolique, sans rapport avec le temps qu'ils ont pu consacrer au service de la collectivité. Ainsi l’un de ces petits maires, dont la signature était devenue si importante, non réélu après trente années de fonctions municipales, se retrouve avec une retraite complémentaire de l'IRCANTEC de 310 € par mois.
Cette réalité constitue l’illustration parfaite des divers statuts des élus, supposés être égaux dans leur rôle et leurs responsabilités, face aux citoyens. Vis à vis de la loi, le Maire ex-député qui va toucher durant 5 ans des indemnités, et le premier magistrat de la commune voisine de 250 habitants, sont redevables exactement des mêmes textes, des mêmes actions, des mêmes obligations. Dans les faits, il y a pourtant une grande inégalité de situation qui, lentement mais sûrement, tue les collectivités locales modestes.
Deux catégories d’élus se créent dans les faits : celle des bénévoles acteurs quotidiens de la vie locale, et celle des pros, formés (ENA ou Sciences Po), intéressés et prêts à sauter sur tout poste qui passe. Les uns constituent l’armée, dans l’ombre de la démocratie d’où ils sont sortis pour signer un imprimé vers le conseil constitutionnel, alors que les autres, exposés médiatiquement, sont chargés de le collecter ou, mieux de surveiller qu’il ne s’égare pas. Il faudra bien un jour en finir avec cette hypocrisie, car elle pèse fortement sur l’engagement des citoyens au service de l’intérêt collectif.
Mais je déblogue...
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16 mars 2007 5 16 /03 /mars /2007 07:32
LES SILENCES DE LA MONEDA
La traversée du Palais de la Moneda s’apparente à celle que l’on peut accomplir sur les océans. Elle débute dans l’espoir et la fierté, mais se déroule dans la solitude absolue. Entrer librement dans un lieu institutionnel, avec une étonnante facilité, apporte la satisfaction d’être au départ d’un parcours hors du commun. On y passe successivement de l’ombre des couloirs aux soleil éclatant des cours intérieures, comme s’il s’agissait de faire partager aux femmes et aux hommes cette vision de l’Histoire des peuples. Impossible de ne pas penser, dans cet espace rendu à la démocratie, aux moments atroces dont il a été le théâtre.
Les murs blancs de la Moneda gardent le secret des complots, des bruits de bottes, des intrigues et des lâchetés qu’ils ont abrités. Les patios, d’une irréprochable propreté, ramènent à la joie du partage. La garde présidentielle veille de manière détendue sur ces lieux, où l’appareil photo devient la seule arme destinée à construire un avenir au temps présent.
Impossible de pénétrer dans les salles officielles sans être imprégné du drame qui s’y est noué. Inconsciemment, le visiteur cherche à se raccrocher à une preuve de ces faits entrés dans les repères mondiaux de la résurrection permanente de la bête immonde. Rien. Les traces ont été estompées par le temps mais l’oubli n’est pourtant pas de mise. Le souvenir demeure, mais il est surtout réservé à celles et ceux qui gèrent un Etat encore fragile.
Sur un mur de briques rouges sang, deux médaillons de cuivre rappellent qu’Allende et ses compagnons ont perdu la vie pour avoir voulu transformer leur idéal en réalités populaires. Dénudé, simple, proche de ces matériaux avec lesquels on construit dans tous les quartiers de la planète des maisons pour les ouvriers, le rectangle tranche avec le revêtement immaculé qui le cerne. Face à ce coussin de terre cuite soigneusement aménagé, il est impossible de parler. La gorge se noue. Les yeux se baissent. Des pensées furtives traversent les regards. Le groupe se serre. Personne n’ose se confronter à la dure réalité de ce profil d’un homme d’Etat ayant préféré la mort à un sort humiliant et sombre.
La minute de recueillement dure dans la pénombre d’un pallier auquel seuls les visiteurs accompagnés peuvent accéder. Elle débute un voyage dans l’émotion. Elle permet de revenir à l’essentiel, à ce qui permet de se construire des certitudes, à ce sentiment qu’il y a toujours, tapi dans l’ombre d’un esprit, ce loup qui devient un loup pour l’Homme. Allende est passé par là. Allende a disparu ici. Son sang a coulé, fuyant la vie, rouge comme l’espoir des mineurs ayant extrait le cuivre dans lequel son portrait a été moulé.
En revenant à la lumière, sur la grande dalle aménagée à quelques mètres de la sortie du Palais, au-dessus du musée d’art moderne voulu par Ricardo Lagos, on respire, on apprécie le soleil, on goûte à la liberté, on s’éparpille, on se sent heureux, comme si le poids de l’Histoire s’était effacé. La Moneda ne s’oublie pas comme ces Palais, hantés par des personnages silencieux, hésitant entre l’ombre et la lumière.

LES FILLES MER
Pablo Neruda, avait un amour platonique. Lui qui a partagé sa vie passionnément avec trois femmes a toujours tenté vainement de séduire la plus belle des partenaires, celle qui venait inlassablement briser ses humeurs sur les rochers noirs du rivage où il avait niché sa maison. Cette prétendante, dont le voile bleu turquoise, orné d’une dentelle blanche mouvante, l’attirait. Une véritable obsession. Aucun de ses mouvements ne devait lui échapper. Il voulait sentir ses sautes d’humeur fracassantes, comme les caresses de son souffle. Il souhaitait respirer ses parfums subtils ou prégnants. Il appréciait tous les cadeaux spontanés qu’elle lui apportait, les plus simples comme les plus sophistiqués. Le poète ne savait écrire que les yeux dans les yeux avec celle dont il ne s’approchait pourtant jamais. Une passion à distance. Réfugié derrière les hublots de son navire personnel, il lui déclarait sa flamme, vite éteinte par une peur panique de faire corps avec elle. Pas un instant, un objet, une action qui ne soient pas inspirés par cet attachement viscéral à la mer.
A Isla Negra, en surplomb du Pacifique, comme à Valparaiso, au sommet d’un colline, Neruda cherchait à la séduire, à vivre intensément avec elle, sans jamais conclure car il avait une peur panique de la rencontre. Il vivait dans des nids d’amour destinés à lui permettre de partager, de contempler, de jouir à chaque instant de cette compagne capricieuse mais tellement attachante.
Ses maisons ne furent donc que des refuges méticuleusement pensés pour cet amour immodéré. Des merveilles de goût, de patience, d’imagination, de tendresse et de finesse. Pour Neruda, il n’y avait manifestement aucun objet qui n’ait pas une âme. Et, ceux qui avaient eu le privilège de partager l’intimité de l’océan, constituaient pour lui d’inestimables trésors.
Ainsi, les figures de proue, aux formes généreuses et à la peau lissée par les embruns, devaient assister à tous les moments clés de son quotidien. Observant les repas, trônant  dans le salon parmi les amis, épiant les faits et gestes dans les couloirs, ces splendides figures arrachées à des navires mythiques constituaient les " filles-mer " idéales. Elles portaient en gestation ses rêves, les nourrissaient de leurs seins dénudés et généreux, les accompagnaient de leur regard éternellement bienveillant. Pas un espace, pas un lieu qui ne tourne autour de sa passion. Au cours de tous ses séjours, loin de sa terre natale, le Prix Nobel, a accumulé des témoignages de savoir-faire d’autant plus exceptionnels qu’ils sont authentiques.
Pablo Neruda aimait la vérité donnée par la simplicité. Elle transparaît dans cette demeure d’Isla Negra, où rien ne reflète une autre richesse que celle de l’esprit. Il n’y renoncera jamais. Elle accompagnera toutes les périodes agitées de sa vie. Engagé, militant, exigeant, il a quitté sa demeure entourée de Pacifique pour disparaître, quelques jours après l’arrivée au pouvoir dans son pays des briseurs de doigts des guitaristes. Il a abandonné son dialogue ininterrompu avec un océan d’humanité. Les tintements de la cloche, saluant le passage des navires remontant ou venant de Valparaiso, sa coque de noix " No subir " n’ayant jamais servi à autre chose qu’à des apéros pour " copains de bord " et qu’à des voyages immobiles, ses dizaines de flacons vides pour des ivresses de mots sont figés dans le présent. Les symboles demeurent et résistent à toutes les dictatures injustes.
Cette maison du bonheur, ce havre de paix, ce lieu vivant ne parlant surtout pas du passé d’un homme, mais de la pérennité de sa culture, apportent au monde la force des poètes, celle dont on a besoin pour connaître des lendemains qui chantent.
Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux…
Neruda a raison : il n’y a que celles et ceux qui n’ont aucune passion qui peuvent craindre la mort lente de l’ennui.

VALPARAISO EN 3 D
Il y a trois visions de Valparaiso. Celle que l’on a dans tous les ports, en arrivant face à un océan au bleu profond. Médiocre, grise, sans perspective pour les voyages vers les terres lointaines. Toutes les rues plates qui mènent ou longent cette rade mythique débouchent sur un morceau de rêve limité. Valparaiso n’aime pas la petitesse, le plancher des vaches, les aventuriers au petit pied. Il lui faut, pour exister, une ouverture large sur le monde, sur l’inconnu, sur l’aventure. Les bateaux immobiles qui attendent au loin n’osent pas approcher de ce rivage artificiel, où les conquérants redevenaient seulement des hommes comme les autres. Pour goûter à leurs songes, il faut absolument prendre de la hauteur, monter vers les collines qui plongent dans un océan éternellement Pacifique. Des routes sinueuses se faufilent entre des maisons, se hissant sur la pointe de leurs fondations afin de décrocher un coin de vue sur l’horizon. Valparaiso se mérite. Elle ne se laisse séduire que par celles et ceux qui ont l’audace de la prendre. Oser, pour être séduit, s’installer sur des repères de vigie scrutant des arrivées incertaines dans une immense baie, chercher des balcons sur un ailleurs imaginaire, marcher sous des toiles d’araignée artificielle reliant les hommes aux autres hommes, accepter des descentes vertigineuses ou des ascensions poussives dans des cages en bois vernis : on n’entre pas dans Valparaiso sans efforts. De là-haut, on comprend mieux ce que signifie l’appel du large. Le port prend sa véritable dimension, celle des vastes espaces où naissent des périples de légende. L’immobilité apparente constitue un miroir aux ambitions.
Mais pour prendre conscience de l’extraordinaire multitude colorée qui se blottit face à l’immensité bleue, il suffit de prendre l’un de ces bateaux promenade qui pue le gazole. En ne prenant pas plus de distance de la terre que ne peut le supporter un marin d’eau douce, on contemple l’un des plus beaux panoramas du monde. Un tableau pointilliste, dont les touches cumulées constituent un ensemble d’une touchante naïveté. Merveilleux mélange des styles et des cultures, Valparaiso s’offre même le luxe de reléguer le gris souris de la terrible marine chilienne dans un coin, afin qu’elle ne gâche pas la luxuriante palette de son histoire. Cette tristesse de navires effilés comme les lames des glaives, prêts à plonger dans le corps mobile de l’océan, rappelle que la liberté des tons se heurte parfois à la pauvreté des imaginations.
Cette ville de l’imaginaire, construite en bois, n’a pas une allure princière. Elle ne vit que pour les échanges autour de son port où, le dimanche, les plus modestes se contentent de venir voir la noria des bateaux promenade se bousculer, pour récupérer des passagers crispés par des embarquements au bout d’une corde. Elle sent la sueur, les ballots venus d’ailleurs sur les quais, les poissons débarqués agonisant sur la glace, les churros empilés dans des vitrines glauques… Valparaiso s’étire dans la nostalgie de son passé glorieux. Elle traîne sa morosité dans le soleil couchant, pour s’envelopper pudiquement, à l’aube, dans un voile léger de brume. On ne lui tourne pas le dos sans se promettre d’y revenir un jour. Histoire de respirer le parfum de l'épopée!
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15 mars 2007 4 15 /03 /mars /2007 07:35
Le " spoils system " (système des dépouilles) américain, qui consiste à systématiquement lier le sort des fonctionnaires de décision à l’élection présidentielle, est souvent présenté comme exemplaire, car il assure, au nouvel arrivant, la loyauté de celles et ceux qui ont en charge la mise en œuvre de sa politique. Il dérange dans notre pays,où les grands commis de l’Etat peuvent craindre, à la limite, une mise hors cadre ou un placard doré, si leur engagement forcené ou discret auprès d’un candidat n’est pas couronné de succès.
On oppose traditionnellement ces deux modes de fonctionnement de l’administration, qui doit être par principe, chez nous, muette et impartiale. Le système de la carrière est en effet le modèle choisi par la France ainsi que, selon diverses modalités, par l’ensemble de l’Europe : on entre dans la fonction publique pour y faire carrière. Une fois qu’il y est entré, le fonctionnaire y demeurera, normalement, jusqu’à la retraite. Au contraire, dans certains pays, dont l’exemple le plus important reste donc les Etats-Unis, c’est le système de l’emploi qui est retenu.
Dans ce contexte, le fonctionnaire est recruté pour occuper un emploi, et n’a pas en théorie de véritable perspective de carrière. Le système de l’emploi, et plus particulièrement le système américain, est très peu compris chez nous. En effet, le site du gouvernement le présente comme étant " lié au système des dépouilles, selon lequel un nouveau gouvernement doit pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, et donc remplacer ceux qui sont en place par des fidèles ". On nous précise toutefois que " ce système pratiqué aux Etats-Unis est en pleine évolution, et fait une place de plus en plus grande à des mécanismes de carrière ".
Le système des dépouilles ou " spoils system " est bel et bien à l’origine de la fonction publique américaine : dans les premiers temps de la République, il a permis au pouvoir exécutif de s’assurer d’une administration dévouée à la mise en œuvre de ses politiques, tout en récompensant les soutiens nécessaires à la conquête du pouvoir, en leur offrant divers emplois publics, alors considérés comme des sinécures. Mais ce qui était encore possible lorsque la fonction publique était relativement réduite, devint de plus en plus difficile lorsqu’elle commença à croître de manière importante.
En France, le système est beaucoup plus hypocrite, puisque l’on sait fort bien que les partisans de l’un ou l’autre des candidats, bien que discrets, travaillent à promouvoir celui qui leur accordera ultérieurement une promotion ou un poste de responsabilité. Le pari ne mérite pas nécessairement une publicité importante, car dans l’hypothèse où le suffrage universel serait défavorable, le chemin vers les sommets pourrait se transformer en descente vers les enfers. Actuellement, Nicolas Sarkozy, qui a tissé sa toile depuis le Ministère de l’Intérieur, possède un portefeuille convenable de fonctionnaires dans des postes clés, répartis sur tout le territoire. Il a également les moyens de réveiller ou de surveiller les éventuels récalcitrants, trop arc-boutés sur leur devoir de réserve. Mais, bien entendu, ce n’est pas la raison pour laquelle il est resté place Beauvau. Et si l’on appliquait le " spoils system ", il serait impossible de remplacer la multitude de celles et ceux qui font acte d’allégeance. Il est vrai que l’on n’a pas intérêt à franchir la ligne blanche !

DEUX JUGES : DEUX CAS D’ECOLE
Le syndicat de la magistrature dénonçait par exemple, hier, une enquête pré-disciplinaire, ouverte, sur demande du Garde des Sceaux Pascal Clément, à l'encontre de Josiane Bigot, magistrate, conseillère à la Cour d'appel de Colmar, pour avoir pris publiquement la parole en faveur de… Ségolène Royal. Le syndicat accuse le Garde des Sceaux de ne pas faire preuve de la même sévérité à l'égard des sympathisants… UMP. Il relève que le ministre s'est bien gardé d'engager une procédure contre Jean-Louis Bruguière, juge d'instruction encore en fonction, qui a revendiqué son appartenance à l'UMP et s'apprête à entamer une carrière politique. " De même, ajoute-t-il, il n'a pas été porté à notre connaissance une quelconque initiative pré-disciplinaire à l'encontre des nombreux magistrats ayant participé en mai 2006 à une convention de l'UMP ". Par contre, on n’a pas lésiné pour museler cette velléité d’indépendance royaliste d’un juge haut placé (cour d’appel). Sa fiche aux RG n’oubliera probablement pas de préciser ce manquement grave à cette fameuse obligation de réserve, dont on n'use que quand elle ne sert pas ! Elle le paiera cash !
A la Chancellerie, on a "démenti formellement avoir entamé une procédure pré-disciplinaire ou disciplinaire" contre la magistrate, assurant que des "explications" lui étaient simplement demandées sur des propos rapportés par la presse régionale. Elle a été entendue "pour violation de l'obligation de réserve" par le Premier président de la cour d'appel, qui doit ensuite transmettre son dossier à la Chancellerie, où le ministre de la Justice décidera d'éventuelles suites disciplinaires. Le Garde des Sceaux "reproche à Madame Bigot de coprésider le comité de soutien de la candidate socialiste à l'élection présidentielle, dans le département où elle exerce ses fonctions, et d'avoir, à ce titre, pris la parole publiquement", explique le Syndicat de la Magistrature qui "dénonce avec force cette tentative d'intimidation". Cette mesure relevant d’une application zélée d’un principe adaptable aux circonstances, et… aux prises de position, traduit l’état actuel de la fonction publique des lampistes. L’état UMP est en place, et peut donc broyer n’importe quel intrus, au prétexte qu’il donne une image différente. Il existe la caste des " intouchables " et celles des " sanctionnables ", et le traitement demeure extrêmement différent.

UNE CONFERENCE DE PRESSE PEU DISCRETE
Ainsi, comptant sur le soutien des télés, des radios et de la presse nationale, parmi laquelle il compte de nombreux journalistes reconnaissants, le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, 63 ans, qui travaille au sein du "pool" de juges d'instruction antiterroristes de Paris depuis sa création en 1986, annoncera vendredi en… conférence de presse, à Villeneuve-sur-Lot, aussi peu discrète que possible, sa candidature aux législatives dans cette circonscription, et son ralliement à Nicolas Sarkozy. Rien à redire de la part du garde des Sceaux… qui ne doit pas lire la presse quotidienne régionale du Lot et Garonne. Il est vrai que le juge a comme avantage de ne pas avoir de supérieur qui veille au respect du droit de réserve, puisqu’il a rang de vice-président de tribunal.
Ce magistrat participe pourtant à des réunions de l'UMP, et fait campagne officieusement depuis plusieurs mois dans cette localité, où il possède une maison de famille. Il y a, par exemple, assisté dernièrement à un match de basket, flanqué de ses gardes du corps, ce qui donne une idée exacte de l’intérêt que lui témoigne l’Etat… en période pré-électorale. Les Renseignements généraux n’ont pas rédigé de rapport pour le Ministre de l’Intérieur. Le juge va inaugurer une permanence en fin de semaine,…qui sera probablement surveillée par la Police nationale au titre des lieux sensibles. Il ne risque pas grand chose… car, en plus, sa carrière est derrière lui !

L’HYPOCRISIE ABSOLUE DU SYSTEME FRANCAIS
Cet exemple public confirme l’hypocrisie absolue du système français qui se veut indépendant et exemplaire. En fait, on sait que, dans le secret des bureaux, se jouent des carrières non pas au mérite mais au " service rendu ". Il ne s’agit donc pas de refuser à des fonctionnaires d’exercer leur libre arbitre en matière politique, car la République qu’ils servent, leur en confère le droit. Josiane Bigot comme Jean Louis Bruguière peuvent donc librement, hors de leur temps de travail, soutenir le candidat de leur choix ou militer dans le parti de leur choix. La sanction, qui menace l’une et épargne l’autre, demeure en revanche particulièrement révélatrice de la tendance sarkoziste du régime actuel. La chasse aux sorcières a de beaux jours devant elle, et certains imprudents peuvent se faire du souci pour leur avenir professionnel. Certains, que je connais, sont aux abris.
Pourtant, si la fonction publique américaine semble plus sensible aux changements de gouvernements (quoique la haute fonction publique française ne soit pas en reste dans ce domaine), elle reste néanmoins, en tant qu’institution, bizarrement…moins politisée. Les mouvements demeurent limités, car la complexité des responsabilités rend le mouvement extrêmement dangereux dans une durée de mandat limitée. Le temps de l’installation, ajouté à celui de la compréhension du rôle, fait que parfois les résultats sur le terrain deviennent très aléatoires; mais, dans le fond, nul ne s’en soucie, car l’essentiel, c’est d’amorcer la préservation ultérieure de leur prébende.
Le grand jeu des chaises musicales débutera donc très vite au début de l’été avec la constitution d’un nouveau gouvernement. Il y aura des centaines de conseillers divers à réexpédier vers les provinces, s’il y a alternance. Beaucoup d’entre eux retrouveront leur corps d’origine, au fur et à mesure que d’autres partiront vers des horizons plus prometteurs. Ils patienteront en attendant l’arrivée d’un nouveau messie qui les ramènera dans les allées paradisiaques du pouvoir.
Le Conseil d’Etat, les corps divers d’inspecteurs, les sous-préfectures ou mieux les préfectures, les innombrables agences parapubliques… vont voir affluer des victimes des dégâts collatéraux du suffrage universel. Bien fait pour eux : il leur fallait faire le bon choix !
Mais je déblogue…
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14 mars 2007 3 14 /03 /mars /2007 10:45
Il y a un lien génétique entre l’intégrisme religieux et l’hypocrisie. C’est une constante historique que Molière avait largement décelé en son époque, dans l’une de mes pièces de théâtre préférées : Tartuffe. Sans cesse, les défenseurs de l’orthodoxie cultuelle reviennent sur des principes qu’il ne savent applicables que sous la menace matérielle ou psychologique. Ils les rappellent avec véhémence, essayant même parfois de se positionner en avant-gardistes de textes alambiqués. Les pires sont ceux qui tentent de se lancer dans des rivalités inter religions, entraînant toutes les sociétés vers l’abîme.
Le monde occidental, profondément marqué par les horribles guerres de l’intolérance, devrait avoir retenu la leçon. Le partage, l’amour du prochain, l’indulgence, le souci de la solidarité, le respect des convictions différentes…n’ont pourtant jamais su s’exporter, car elles ne parvenaient que rarement à s’imposer auprès des ouailles. Il faut bien convenir que, depuis hier, le chemin vers une destination nouvelle, demeurera pavé de bonnes intentions. Benoît XVI a en effet relégué son prédécesseur, dont l’esprit d’ouverture était aussi large qu’une fissure dans feu le mur de Berlin, au rang de dangereux révolutionnaire.
Pour des débuts épistolaires officiels, le pape a réalisé des prouesses, ramenant à une réalité des plus désolantes les adeptes d’une évolution, même modérée. Dans sa première « exhortation apostolique » publiée au Vatican, il a ainsi fermé la porte à toute évolution de l'Eglise catholique sur le célibat des prêtres, tout en réaffirmant son hostilité au mariage entre homosexuels, à l'avortement et à l'euthanasie. Un verrouillage vigoureux de toutes les tentatives d’évasion vers une adaptation des sacro-saintes règles a été opéré, redonnant une note pour le moins intégriste à ce pontificat.
Dans un texte doctrinal, Benoît XVI rappelle vigoureusement «le caractère obligatoire» du célibat des prêtres. Dans le document, qui reprend les propositions d'un synode (assemblée) des évêques réunis en… octobre 2005 sur le thème de « l'eucharistie », le pape estime que « le célibat sacerdotal vécu avec maturité, joie et dévouement est une très grande bénédiction pour l'Eglise et pour la société elle-même » (sic).
Ce n’est pas demain que les hommes d’église auront une intégration sociale en adéquation avec leur mission : « J'en confirme le caractère obligatoire », écrit-il, conformément à l'avis du synode, qui n'avait pas jugé opportun de changer cette règle, en dépit de la baisse préoccupante du nombre de prêtres… qui ne semble pas outre mesure préoccuper la maison mère. Quant au rôle des femmes, il n’est pas imaginable qu’un seul mot y soit consacré. Mais aucun commentateur n’osera insister, dans cette période préélectorale, sur cette manifestation pure d’un intégrisme triomphant et on se contentera, dans les gazettes, ce matin, de chercher… ce qui chez les autres justifie une pareille mutation. D’autant que pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce virage à 180 degrés, le pape a fait bonne mesure.
Benoît XVI a réaffirmé également l'interdiction pour les divorcés et remariés, de plus en plus nombreux dans l'Eglise catholique, d'accéder à la communion, à moins qu'ils ne s'engagent à vivre avec leur nouveau conjoint «comme amis, comme frères et sœurs» (re-sic). Il y a longtemps que l’on avait oublié pareil discours.

DEUX DEBATS DE SOCIETE
Une telle promulgation intervient alors que l’actualité française, pas encore totalement occultée par la montée de Bayrou dans les sondages, laisse filtrer deux débats de société dont le pape ne veut pas entendre parler. Sur le mariage homosexuel, il assure que le sujet n'est «pas négociable» et assure que les hommes politiques catholiques ont le devoir moral de… s'y opposer. La cour de cassation, en l’état de la loi française, vient de le rassurer en cassant le « mariage de Bègles » qui avait davantage déchaîné les… médias qu’une véritable passion. Dans la campagne présidentielle, Ségolène Royal et la plupart des autres candidats de gauche se sont engagés pour la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, au contraire de Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Jean-Marie Le Pen. Le pape a choisi ses comités de soutien, et surtout il n’aura pas à excommunier les membres de la plus haute juridiction française, car ils ont estimé que même si le code civil français ne dit pas expressément qu'un mariage doit unir deux personnes de sexe différent, cette disposition est implicite. Rappelons qu’au début du mois, la même haute juridiction avait déclaré illégale l'adoption au sein des couples homosexuels, l'estimant contraire aux droits de l'enfant, tant que le mariage n'existait pas pour les homosexuels, ce qui modifierait la donne.
Mais comme il devient méfiant sur les réactions du monde politique à ses « bulles », Benoît XVI a accompagné ses décisions d’une menace à l’égard des décideurs. La classe politique italienne, actuellement très divisée sur la question d'accorder ou non davantage de droits aux couples non mariés, dont les homosexuels, le pape estime que tous les croyants doivent défendre les valeurs fondamentales, et que le devoir en revient tout particulièrement à ceux qui détiennent les… leviers du pouvoir. Il laisse les évêques libres de prendre les mesures qui conviennent à l’égard des responsables qui pourraient mal voter lors des débats sur ces sujets qui mobilisent les opinions publiques. Un homme politique averti en vaut… deux !

DES VALEURS NON NEGOCIABLES
L’euthanasie n’échappe pas à la vigilance du Vatican. Au nombre de ces valeurs, qu'il juge «non négociables», figurent «le respect de la vie humaine, sa défense de la conception à la mort naturelle, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la liberté d'éduquer ses enfants et la défense du bien commun sous toutes ses formes». Bien évidemment, là encore, la position ne souffre pas la moindre ouverture. Or, il se trouve qu’à Périgueux, le tribunal des hommes doit se prononcer sur l’attitude d’un médecin et d’une infirmière qui a mis en œuvre la prescription laissée pour une malade en phase terminale d’un cancer. Elles auront à répondre du crime d’empoisonnement et donc encourent trente ans de prison ! La décision qui sera prise aura une signification particulière à double titre.
D’abord, parce qu’elle démontrera la capacité de la société actuelle à prendre en compte les réalités présentes sur la fin de vie. Ensuite, il sera possible de mesurer l’écart qui sépare les décisions papales des comportements de celles et ceux qui sont censés en être les actrices ou les acteurs. Comme la position sur l’avortement ou le préservatif sont également très restrictives, on peut affirmer sans crainte que l’écart devient très réduit entre la vision musulmane de l’intégrisme religieux vis à vis des femmes, et la vision de Benoît XVI… Peut être redemandera-t-il le port du châle ou du foulard dans les églises, et l’interdiction de mélanger les sexes dans les travées. Il a bien souhaité que le latin… reprenne son rang de « langue universelle de l’église » et que le chant grégorien soit réhabilité. Jean XXIII est bel et bien renvoyé à ses études ! Ce retour absolu à des valeurs pour le moins conservatrices de l’église catholique se rapproche de la montée de l’intolérance aux Etats-Unis, où les manifestations pour le retour à l’ordre moral se multiplient et deviennent de plus en plus  puissantes.

VERITABLEMENT PROCHES DE MOUVEMENTS CONTESTABLES
Le fait que l’ex-cardinal Ratzinger ait eu un passé au minimum délicat, n’a probablement aucune importance dans ces prises de position, si ce n’est qu’elles sont véritablement proches de celles de tous les mouvements « contestables » de droite ou d’extrême droite européens ou américains. Dans les pays les plus « riches », comme dans ceux qui osent aller vers une vision plus progressiste de la religion, il y a fort à parier que «l’exhortation apostolique » aura du mal à passer. Il va falloir que les missi dominici papaux se démènent pour expliquer que la souffrance est une bénédiction divine, que la sexualité doit être considérée comme une perversion de l’âme humaine, que la femme doit être exclue de tout rôle dans la religion, que le retour du latin, pratiqué et compris par une infime minorité, reste… une langue universelle. Un sacré boulot ou pire un boulot sacré !
Au nom d’une vérité inspirée, Benoît XVI témoigne d’une dureté idéologique que l’on n’avait pas connue depuis des décennies. Il installe un formidable doute sur la manière dont les médias présentent l’intégrisme sur la planète. Il justifie l’analyse de certains philosophes qui ne voient dans les décisions actuelles qu’un soutien affirmé aux minorités les plus rétrogrades de l’épiscopat et notamment à l’Opus Dei dont on sait qu’elles n’ont jamais admis les évolutions des années 60. Dans le fond, ce texte va faciliter le rapprochement avec certaines autres religions, qui ne sont pas globalement très éloignées. Il est certain que le dialogue s’en trouvera facilité. Comme quoi, à toute chose malheur est bon !
Déjà excommunié politiquement pour le caractère hérétique de certaines de mes positions, je risque désormais la mise au ban religieuse pour critique de décisions papales réputées infaillibles. Comme quoi, la marge est faible entre politique et religion ! La séparation entre le temporel et le spirituel n’a jamais été aussi mince. Elle finira tôt ou tard par craquer.
Mais je déblogue… 
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