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31 janvier 2007 3 31 /01 /janvier /2007 08:03
Si on ne va pas respirer l’air de la capitale de temps en temps, on ne connaît pas réellement l’état de la société. Jamais peut-être, alors que l’on nous vend la décentralisation façon libérale comme un acte fondateur d’une nouvelle gouvernance, la France n’a  été aussi parisienne. Comme je n’ai pas l’occasion de fréquenter souvent l’ambiance des ministères actuels, je mesure avec davantage de stupeur encore le contexte dans lequel nous nous trouvons.
Hier, j’étais donc invité à " causer " dans le cadre d’une structure du Ministère du Tourisme sur la politique créonnaise de développement économique autour du vélo. Devant plus d’une centaine d’éminents experts en tous genres, venus de tous les territoires et de toutes les sous-directions des lieux qui comptent, une demi-douzaine de témoins se sont succédés sur le même thème. Bizarrement, j’étais le seul élu local invité et présent. Tous les autres présents, qui se connaissaient pour la majorité car ils avaient eu des parcours croisés, selon les alternances politiques ou les mutations, appartenaient peu ou prou à la technocratie nationale ou régionale. Ils étaient là pour découvrir et plus encore pour tenter de se reconnaître dans l’extraordinaire mille feuilles des échelons décisionnels, dans le puzzle inimaginable des compétences et des territoires, dans le maquis de textes prônant des orientations, mais tirant derrière eux des coffres forts vides.
Au bout d’une petite heure d’introduction au débat, je ne savais plus exactement ce que l’on attendait de moi, pauvre maire parti à 4 heures du matin sur mes deniers personnels, pour aller leur parler de cette idée saugrenue et hors normes de station de vélo, lancée en 1999. Et, surtout, j’ai brusquement eu l’impression d’appartenir à la première page des ouvrages d’Astérix, quand on présente un petit village de huttes fumantes sous une grosse loupe, quelque part là bas au milieu de terres inconnues. Je suis certain que les insectes placés sous un microscope, s’ils avaient un esprit, éprouveraient cette même sensation. Ils auraient peur de ce milieu qui les observe, le sourire aux lèvres, en se demandant ce qu’un vermisseau peut avoir dans la tête en venant se trémousser devant des éminents entomologistes de l’aménagement du territoire.
Comme j’étais le premier intervenant, doté de 20 minutes pour plancher, un doute m’envahit illico : qu’étais-je venu faire dans ce monde où l’on brassait des millions d’Euros avec un enthousiasme comparable à celui que mettent les chasseurs à aligner leurs trophées ? Il me fallait les persuader qu’une tête d’épingle, dans le vaste programme européen des " véloroutes et des voies vertes ", pouvait avoir une valeur exemplaire.
LES CREDITS PERDUS EN CHEMIN
Dans les délais impartis, j’avais juste l’occasion de rappeler à la sous-directrice du Ministère, en congé de la Mairie de Paris pour pantoufler dans un lieu moins exposé, qu’elle s’était beaucoup avancée en affirmant que l’Etat s’engageait financièrement aux cotés des porteurs de projets, puisque le Point relais vélo de Créon attend toujours le versement de la subvention accordée… en 2003, et que, peut-être, il aura les moyens d’honorer quatre ans après la date effective à laquelle il aurait du la verser ! Un pavé qui causa quelques rires étouffés, d’autant que je dus aussi lui apprendre qu’en Entre Deux Mers il y avait un Pôle d’Excellence Rurale, dédié au tourisme, dont ses fiches ne parlaient point…En quelques secondes, la France vue de Paris n’avait plus la même allure, car elle ne correspondait plus aux réalités du terrain. Les crédits étaient perdus en chemin, et les grandes orientations égarés sur  les  sentiers vers la Province.
En fait, tout ce colloque n’était que le reflet d’une gestion privilégiant les concepts plutôt que les réalités et les masses plutôt que les détails. Créon et son initiative de développement d’une filière autour des pratiques du vélo lui étaient aussi étrangères que peuvent désormais l’être une vache par rapport à un consommateur de yogourt en bouteille. Cet éloignement du monde réel, de celui qui innove, avance, sort des clous, construit concrètement, génère inévitablement des rancœurs ou des incompréhensions. Très rapidement, il faut se rendre à l’évidence : celles et ceux qui ont en charge l’application des instructions ministérielles de tous ordres ne savent pas, finalement, si elles aboutissent et ce qu’elles deviennent. Ils ont donc besoin de faire " monter vers Paris ", de temps en temps, des " cas " repérés dans les campagnes par des chasseurs privés de projets pour s’assurer qu’il y a bien quelques réalisations effectives, souvent d’ailleurs antérieures à leurs décisions.
Mon intervention ne suscita donc pas un engouement particulier, après le café d’accueil. Le calme plat ou presque, comme si tout le monde se demandait ce qu’un élu local venait faire dans cet aréopage de gens rompus à la vente à domicile sans en assurer le suivi.
Seulement, il ne faut jamais se fier aux apparences du silence, qui n’est pas forcément toujours réprobateur.
UN POIDS SUPERIEUR A PARIS QU’EN PROVINCE
Comme en toute chose il suffit de donner du temps au temps pour juger d’une intervention. Au moment de partir au déjeuner, la déléguée régionale au Tourisme d’Aquitaine, présente dans l’assistance, vint d’abord me rassurer et m’annoncer que la subvention allait m’être versée dans les prochaines semaines. Avant les élections. Tiens donc… Un peu comme si une vérité publique portée à Paris a, de suite, un poids supérieur à celle que l’on s’égosille à rappeler en province. Ensuite, et c’est toujours étonnant, deux vénérables cadres du Ministère s’approchèrent pour discrètement me demander qui avait élaboré le projet de station vélo… Ils trouvaient le concept pas mal, et pensaient sûrement qu’il était le fruit d’un expert quelconque, alors qu'il n’est que la résultante d’un travail de concertation mené avec les gens du terrain.
Et enfin, plusieurs jeunes participants vinrent récupérer mes coordonnées afin que j’aille les aider à convaincre… leurs élus, dans le Cher, la Haute Loire, Les Pyrénées Atlantiques, l’Indre et Loire. Des témoignages sympas, dénués de toute emphase, mais qui traduisaient un vrai désarroi pour ces fameux chargés de mission qui rament pour convaincre les divers étages de décision de la nécessité d’agir. Ils désespéraient tous de voir pleuvoir des théories pharaoniques alors que leur quotidien n’est fait que de mesquineries, d’embûches, de tracasseries entre décideurs locaux. Ils ne cessent de se concerter, de se réunir, de s’évaluer alors qu’ils voient avancer des territoires européens dans lesquels les projets pragmatiques s’inscrivent dans un développement économique durable. Eux ont pris conscience que le temps perdu ne se rattrape jamais et, à cet égard, dénués de tout sens du paraître, ils se raccrochent à ce qui leur permettrait d’avancer. Pourquoi ne pas l’écrire, ces échanges discrets, hors du contexte corseté des réunions parisiennes, me récompensent de cet aller retour concentré dans une journée. Ils traduisent une évolution sociale que porte en elle une certaine jeunesse, qui a conscience que son avenir dépend de sa capacité à se débarrasser de la gangue du parisianisme ministériel triomphant.
LES FAMEUSES REUNIONS INTERMINISTERIELLES
Mon voisin de table lors du déjeuner, technocrate de haut rang dans l’ex-Direction de l’Aménagement du territoire et des actions Régionales (DATAR) me confiait, sûr de lui, qu’il n’y a pas plus bel exemple de ce mal français, que les fameuses réunions interministérielles sur un sujet. Personne n’y vient pour construire, mais uniquement pour, dans le contexte financier actuel, y mettre le moins de crédits possibles, sans perdre son pouvoir sur le sujet. Il faut un véritable négociateur plénipotentiaire de Matignon pour que l’on sorte, après quatre ou cinq rencontres, un accord que tout le monde s’efforcera de rendre inapplicable. Les sous-directeurs, les chefs de bureaux, les conseillers en tous genres ne veulent pas mélanger leurs prérogatives et voir ainsi disparaître les raisons fondatrices de leur existence. Ils sont là pour résister, et surtout veiller à ne pas disparaître en se rendant… inutiles. Les alternances politiques modifient parfois l’intitulé de leur cartes de visite qu’ils distribuent avec condescendance, mais ne touchent pas à leur statut fondamental.
Il faut aussi reconnaître que la décentralisation a eu les mêmes effets entre conseils généraux, conseil régional, agglomérations, communautés de communes et… communes. Et que l’on sent bien, en discutant lors des pauses et hors de la réunion institutionnelle, que ce n’est pas triste dans certaines régions entre les pouvoirs départementaux et régionaux qui passent leur temps à se flinguer sur le dos des projets. Quand ces collectivités sont conviées à ces moments forts où l’on doit, par exemple, aménager un réseau européen de voies cyclables, on constate que la France est devenue un puzzle dont les " pièces " n’évoluent pas selon les mêmes principes, mais en plus, pas à la même vitesse. Plus personne ne subventionne de la même manière. La signalétique est libre. Les revêtements aléatoires. Les équipements non coordonnés n’aboutissent pas les uns en face des autres, et chacun essaie de vendre son bout de " propriété ", à une échelle où l’on ignore totalement l’existence même de la région concernée.
Comme s’il avait fallu un signe fort de cette situation explosée, en conclusion, l’intervention d’un formidable technicien suisse aura achevé de me convaincre. En présentant la " Suisse à vélo " Lukas Stadtherr a en effet sérieusement mis à mal la vanité française. Alors que tous les intervenants s’étaient empêtré les uns et les autres dans les sables mouvants des découpages territoriaux hexagonaux, il expliqua avec un esprit de synthèse remarquable que son " petit " pays avait déjà au minimum une décennie d’avance sur le nôtre, avec un réseau structuré, fléché, valorisé, équipé. Une " fondation " nationale,  financée seulement pour les projets qu’elle réalise, avec un staff réduit de 16 personnes, avait réussi à coordonner l’ensemble du programme de  la Suisse à vélo. L’opération a coûté évidemment dix à vingt fois moins cher que chez nous, a été bouclée en six ans, et désormais, avec la construction d’un immense site internet prévu pour 2008, ce pays aura un atout international de développement économique considérable sur les nouvelles formes du tourisme vert. J’ai tout à coup compris pourquoi notre Johnny sarkoziste était parti en Suisse : il doit faire du vélo !
Mais je déblogue…
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30 janvier 2007 2 30 /01 /janvier /2007 07:17
La chronique publiée dans L’AUTRE QUOTIDIEN qui traitait des exonérations inégalitaires d’impôts a soulevé bien des commentaires qui n’ont pas été portés au bas du blog. Voici une nouvelle contribution d’une amie relative à la valeur républicaine des impôts. Une chronique encore révélatrice de la dangerosité de l’opinion dominante qui colporte des idées reçues en matière de fiscalité. Elle me paraît donc utile à la réflexion citoyenne. A vous d’en juger !
 
La politique fiscale est un enjeu crucial pour notre société parce qu’elle touche aussi bien au niveau qu’à la structure des ressources publiques nécessaires pour conduire l’action publique. Autrement dit, il faut savoir prendre équitablement là où il y a de l’argent pour le redistribuer et le dépenser équitablement au profit de tous.
La France n’est pas un pays pauvre. L’argent n’y manque pas. Jamais la classe dominante n’a été aussi riche. Voici quelques repères qui vous en convaincront.
  • 378 000 millionnaires en € (+ 3,5% en 2005 par rapport à 2004)
  • Les entreprises du CAC 40 ont gagné 100 milliards d’€ de bénéfices en 2006 contre 84,3 milliards en 2005, 66,4 en 2004, 57 en 2003 …
  • Les 50 premières fortunes françaises ont gagné 30 milliards d’€ de plus en 2005 par rapport à 2004. Ça représente 3 fois le déficit de la Sécurité Sociale !
Pendant que les puissants font du lard sur le radiateur, la grande majorité s’appauvrit et tire un sacré diable par la queue pour boucler ses fins de mois. Voici d’autres repères :
  • 70% des salariés français gagnent moins de 1700 € par mois
  • 7 millions de personnes vivent avec moins de 749 € par mois
  • 80 000 personnes dorment dans la rue
  • 3 millions de personnes n’ont pas de logement autonome
Nous sommes dans une société dangereusement déséquilibrée. Voilà pourquoi il est indispensable d’expliquer sans faiblir que les impôts doivent progresser et que c’est un bien pour la collectivité et pas un handicap contrairement à une idée reçue que les libéraux qui en profitent le plus diffusent en permanence.
Le Parti Socialiste a raison de dénoncer les baisses d’impôts que la droite pratique depuis 5 ans en faveur des riches. Il est juste de vouloir supprimer les cadeaux fiscaux qui terminent sur les comptes en banque d’une infime minorité sans enrichir la nation pour autant.
Est-ce bien utile pour le pays de flatter les citoyens qui s’exilent en Suisse ou en Belgique pour éviter de payer l’impôt républicain ? D’autant plus que ces citoyens ne renoncent pas à visiter fréquemment leur pays, empruntant autoroutes, aéroports, TGV, bref toutes sortes de services et de biens publics financés, entretenus et modernisés par les contribuables s’acquittant citoyennement de leurs impôts. Il serait plus efficace que la France s’exprime avec conviction sur l’harmonisation fiscale en Europe au lieu de s’adonner aux flatteries comme le fait l’UMP et le gouvernement actuel.
UN PRELEVEMENT EQUITABLE
Augmenter l’impôt républicain n’est pas appauvrir les classes moyennes, ni favoriser les plus pauvres. C’est promouvoir un prélèvement équitable sur les revenus et les sociétés pour une redistribution et une dépense publique mieux contrôlée. Parce que nous participons tous à l’activité économique de notre pays, parce que le revenu ne mesure qu’imparfaitement le bien être (il y a aussi l’accès aux soins, à l’éducation, la culture, etc.), parce que le bien public a besoin d’un financement public, le " partage du gâteau " devient inévitable.
Cette question du partage deviendrait moins conflictuelle et mieux comprise si chacun faisait honnêtement ce qui lui correspond. N’est-ce pas le propre d’une société civilisée ? Quelques exigences urgentes pour commencer l’apprentissage des bonnes manières en société.
Les entreprises doivent réinvestir leurs bénéfices dans la recherche et les projets créateurs d’emplois. Leur impôt sur les sociétés en diminuera d’autant.
Le travail doit être dignement rémunéré pour que les salariés disposent des moyens de leur autonomie. Exit les temps partiels contraints, les emplois déclassés, les contrats poubelle avec les périodes d’essai de 2 ans, etc. Bref, toutes les complications salariales et contractuelles inutilement dévalorisantes.
L’impôt sur le revenu doit être révisé de fond en comble. Les disparités sont trop grandes entre les foyers fiscaux à cause du plafond des tranches, des niches, exceptions et avantages particuliers, bref des remises à la tête du client.
Les profits financiers purement spéculatifs doivent être surtaxés.
La taxe d’habitation doit être réformée. Avec un calcul sur des bases archaïques, plus personne ne s’y retrouve.
Les impôts locaux doivent pouvoir être maîtrisés. L’Etat a transféré aux départements et aux régions des compétences (traduisez en langage populaire par des charges) mais il s’est bien gardé de faire suivre le fourgon blindé des recettes fiscales. L’Etat a un devoir d’exemplarité citoyenne en cessant d’être un mauvais payeur.
La liste des bonnes manières n’est pas exhaustive. Les propositions pour une fiscalité plus juste et plus harmonieuse au bénéfice de tous (l’Hexagone ne compte pas 200 familles mais 63 millions de personnes) ne manquent pas. Il existe aussi de nombreux travaux sur le sujet mais ils restent invariablement coincés dans le tiroir du bas des oubliettes. La campagne pour l’élection du président de la république est une bonne occasion pour placer au cœur des débats les véritables enjeux de la politique fiscale. Parce que l’impôt est au cœur des choix de société il faut soutenir ceux qui portent un regard et osent l’examen responsable de la question citoyenne de l’impôt. Sans faux semblants ni démagogie électorale mais avec lucidité et pédagogie.
 
Voici donc ci-dessus une autre réflexion globale sur un sujet qui n’est jamais véritablement abordé dans des débats où l’on se contente d’affirmer les uns et les autres : " nous payons trop d’impôts ! " sans véritablement se préoccuper de l’équité de cette contribution. On pourrait ajouter, comme mesure nouvelle simple, ce qui se fait dans de nombreux pays nordiques : l’affichage en Mairie du lieu où l’on vote de la liste des contribuables à l’impôt sur le revenu avec le montant de la somme qu’ils acquittent. Une transparence qui empêcherait certains de dormir et qui persuaderait d’autres que les pigeons ne fréquentent pas tous le ciel. Je prends les paris qu’aucun candidat aux présidentielles ne relèvera cette proposition qui ne coûterait rien… aux contribuables mais qui serait terriblement efficace !
Mais je déblogue…
 
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29 janvier 2007 1 29 /01 /janvier /2007 07:47
Le ministre de l'Economie, Thierry Breton, a annoncé discrètement au cours de la semaine dernière que le déficit du commerce extérieur français avait atteint un niveau record en 2006, "probablement très légèrement en dessous de 30 milliards d'€" a-t-il avoué lors d'une conférence spécialisée. L’information n’a pas fait grand bruit, et à moins mobilisé que les échanges d’horizons entre les partisans des deux candidats vedettes des présidentielles. Lui, le redresseur de la France ruinée par la Gauche, a indiqué que "ce solde négatif s'expliquait avant tout par le coût élevé de l'énergie importée", ce qui est un peu court comme explication, car les raisons en sont beaucoup plus profondes. Il accumule les échecs, mais continue à pratiquer la méthode Coué avec une évidente malhonnêteté.

Le précédent déficit record du commerce extérieur s'était élevé à 23,1 milliards d'€ en 2005, un chiffre déjà dépassé sur les seuls onze premiers mois de 2006 (26,5 milliards) et il avait fallu que le Ministre trouve… la même raison, alors que d’une année sur l’autre la situation n’a pas évolué dans les mêmes proportions.
Au moment où les Françaises et les Français devraient se pencher sur un bilan, et avoir à juger le respect des engagements pris à leur égard, jamais les indicateurs de l’économie n’ont été aussi mauvais. Mais le gouvernement continue à présenter le libéralisme débridé comme la solution miracle du redressement, alors qu’il n’a absolument pas amélioré la situation. Il est même devenu absolument impossible de diffuser les véritables statistiques, tant elles dénotent un contexte déplorable. Henri Emmanuelli a ainsi dénoncé hier "la non-publication officielle par l'INSEE de la statistique du chômage", parlant de "malversation intellectuelle". "Je suis un peu affligé par la campagne électorale actuelle… alors qu’il y a eu cette semaine un élément d'information majeur pour notre pays, qui est la non-publication officielle par l'INSEE de la statistique du chômage. Nous apprenons que l'INSEE ne va pas publier le chiffre parce que ce chiffre est en réalité supérieur de 0,5%, à ce qu'affirme le gouvernement", a poursuivi le député des Landes.
"Or on a, à peu près, parlé de tout sauf de cela" dans les médias au prétexte fallacieux que ça n’intéresserait pas les téléspectateurs, les auditeurs ou les lecteurs. Il en va ainsi de la plus grande partie des référentiels destinés à mesurer la santé économique réelle du pays. Ils passent par pertes et profits médiatiques, dans une période où le futile l’emporte véritablement quotidiennement sur le fondamental.
SE CONTENTER DE CETTE SITUATION
Thierry Breton avait, par exemple, insisté sur la réduction du déficit budgétaire de la France qui devrait atteindre "environ 36,5 milliards d'€". Par ailleurs, les plus-values fiscales ont atteint environ 10 milliards d'€ en 2006, et elles "ont été entièrement affectées à la réduction du déficit budgétaire". Il faudra se contenter de cette situation, qui permet au budget de l’Etat de vivre sur les générations futures et de continuer, pour certains, à prôner encore et toujours la baisse des impôts pour les plus riches. Le déficit budgétaire est, en effet, la situation dans laquelle les recettes de l’État (hors remboursement d’emprunt) sont inférieures à ses dépenses (hors emprunt) au cours d’une année. C’est donc un solde négatif.
Il se différencie du déficit public, car il n’englobe pas le solde des recettes et des dépenses des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. Il équivaut au besoin de financement de l’État, et se traduit par le montant des emprunts nouveaux qu’il doit contracter au cours de l’année. Les lois de finances peuvent prévoir un déficit et autoriser l’État à emprunter à hauteur de ce besoin de financement. La France connaît un déficit budgétaire continu depuis plus de 25 ans, qui gonfle l’encours de sa dette dont on sait qu’elle atteint des sommets.
L'endettement, selon certains spécialistes, constituerait un moyen pour réduire inexorablement les ressources financières des états, et donc leur capacité d'action, conformément au projet "libéral" visant à réduire les états à l'impuissance, afin de laisser un champ d'action maximal aux entreprises. En appauvrissant l'état, l'endettement entraîne une réduction progressive du financement des services publics et des prestations sociales (retraites, assurance-maladie, assurance chômage), dont les déficits servent ensuite de prétexte pour présenter les privatisations comme une "solution". Et, en cas d'hostilité de l'opinion aux privatisations, l'accroissement de l'endettement permet d'amener le pays au bord de la faillite, afin de contraindre l'état à privatiser pour rembourser la dette, quelle que soit la couleur politique du gouvernement choisi par les électeurs. Ce n'est pas un hasard si les premier ministres qui ont le plus endetté la France ont été aussi les plus "libéraux": Edouard Balladur et Jean-Pierre Raffarin.
La dette de la France a dépassé en 2005 les 1100 milliards d'€, soit 67% du PIB. L'endettement de chaque citoyen français (nouveau-nés compris) est donc de 18.300 €. Le remboursement de la dette absorbe chaque année la totalité de l'impôt sur le revenu… que Sarkozy propose de baisser !
UN AVENIR A LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS
Evoquant la croissance, le ministre de l'Economie a estimé que le pays "ne peut plus se contenter d'une croissance potentielle de l'ordre de 2,2%, sa moyenne depuis 1981. La France n'a pas un avenir à la hauteur des ambitions que nous avons pour elle". Afin de "rester dans le Top 5 des économies mondiales à l'horizon 2030", Thierry Breton a jugé qu'il faut "changer de braquet sur notre croissance potentielle en la portant entre 3 et 4%". "Ce sont les réponses à ce défi collectif qui doivent être au cœur de la campagne" électorale. C’est probablement le mot d’ordre qu’il a donné aux caciques de l’UMP qui se préoccupent en permanence de ces sujets, comme on a pu le constater au cours de la semaine écoulée. Il est vrai qu’ailleurs, ce n’est guère plus brillant et que, quand on parle finances à tous les niveaux de pouvoir, on n’intéresse guère les foules. L’inculture est telle dans ce domaine que tout peut être annoncé, dans la plus parfaite indifférence.
On peut prévoir, dans le courant de 2007, un nouveau coup de semonce de l’Europe compte tenu des réalités françaises. La banque centrale européenne, à laquelle le fameux traité constitutionnel donnait une indépendance encore plus grande, veille au grain. Jean-Claude Trichet s'est inquiété, hier, des risques de déclenchement d'une spirale inflationniste au sein de la zone euro, sans pour autant donner de précisions sur l'orientation de la politique monétaire pour les mois à venir. Il s'est évidemment refusé à donner plus de précisions sur la politique des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne.
A l'issue de la réunion du conseil des gouverneurs, la BCE a pour le moment maintenu ses taux directeurs inchangés, tout en soulignant que sa politique monétaire restait "accommodante" et la croissance européenne "robuste". Depuis décembre 2005, la BCE a procédé à six hausses de 25 points de base de ses taux directeurs, portant son taux de refinancement de 2% à 3,5%.
MISE AU POINT DE TRICHET
Ce durcissement de la politique monétaire de la BCE s'est accompagné d'une appréciation de l'euro dont Jean-Claude Trichet a reconnu qu'il était fort. L'euro "est fort, il doit inspirer confiance et il inspire confiance", a-t-il déclaré sans pour autant évoquer les conséquences qu’a ce niveau élevé de l’Euro sur …les exportations européennes. En effet, la balance commerciale, si elle bénéficie de cette solidité pour les achats de matières premières, souffre terriblement pour la vente de ses produits manufacturés. Or ce sont eux qui génèrent l’emploi !

Interrogé sur les critiques dont la BCE fait l'objet dans le cadre de la campagne présidentielle en France, Jean-Claude Trichet a répondu sans aucun complexe : " Je dois dire que je ne vois pas un seul autre pays dans lequel on ait eu un phénomène de ce genre ". Il est vrai que la réunion de Madrid, qui n'a rassemblé que les pays soutenant ses positions, n'a pas dû tellement l'inquiéter.
Et, tant qu’à faire la leçon à ces peigne-culs qui réclament honteusement, selon lui ,une plus grande part de social dans la gestion des profits, il s’est chargé de leur ôter leurs illusions. Le président de la BCE a ainsi fait la morale et tiré un trait sur tous les projets que pourraient présenter les présidentiables, puisqu’il a appelé, une fois encore, à une meilleure maîtrise des finances publiques au sein de la zone euro. La campagne électorale en a pris un coup sur la carafe : "Au niveau de la France comme de beaucoup de pays, nous avons un niveau de dépenses publiques en proportion du produit intérieur brut, de déficit et de taxation, qui est trop élevé par rapport à ce que serait un optimum économique nous donnant le plus de croissance possible et le plus de créations durables d'emplois et le plein emploi", a-t-il dit. La messe est dite, et on peut se demander ce que peut bien faire Thierry Breton, à part se glorifier de résultats désastreux.
Il faudra se contenter, chez nous, de promesses… qui discréditeront une fois encore celles et ceux qui les laisseront fleurir dans le pré des illusions. Mais qui osera donc parler vrai et ne pas laisser les citoyens délirer sur des propositions qui, de toutes les manières ,ne passeront pas la barre de la réalité des chiffres ? Personne. Trichet veille et il ne plaisante pas : c'est lui le chef !
Mais je déblogue…
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28 janvier 2007 7 28 /01 /janvier /2007 10:39
Jamais notre société n’a été aussi fragile. Alors que l’on réclame en permanence davantage de sécurité dans tous les domaines, toutes les tentatives s’effondrent au moindre aléas de la vie. Cette semaine, après bien d’autres moments, aura démontré que nous sommes encore loin, très loin, d’un fonctionnement supérieur à celui des décennies passées. Au contraire, aucune personne lucide d’un certain âge, ne peut vous assurer qu’il y a un demi-siècle 10 à 20 centimètres de neige mettaient tout le système social cul par dessus tête. Et pourtant, il faut bien constater que 50 ans plus tard, alors que les villages avaient résisté en 1956 à près d’un mètre de manteau blanc, la nuit de mercredi à jeudi à quasiment stoppé la vie collective.
Ecoles fermées, ce qu’il reste des services publics locaux interrompus (Poste, électricité, téléphone, transports…), des familles affolées par l’absence d’électricité ou l’impossibilité de sortir de leur propre domicile, des routes importantes impraticables : encore une fois un événement climatique " normal " a démontré l’incapacité que nous avions à réagir collectivement. Des demandes surréalistes sont alors parvenues vers les élus locaux. Et Créon grâce à un énorme effort municipal d’enfouissement des réseaux électriques s’en est bien sortie. Toutes ces injonctions illustraient cette incapacité patente des individus à faire face à des situations imprévues. On se tourne désormais vers une " puissance " publique réputée devoir obligatoirement rétablir illico le cours normal d’une vie réputée paisible. C’est fou combien de contribuables révulsés par le montant élevé de leur feuille d’imposition exigent en ces moments là des investissements démesurés pour répondre à un besoin très occasionnel de " secours ", combien ils se plaignent de l’absence des services publics qu’ils ont laissé quelques mois auparavant démanteler dans l’indifférence!
Par exemple, il faut savoir qu’en notre époque moderne le congélateur est devenu l’équivalent de la cassette d’Harpagon et pour certains il doit supplanter en promptitude de dépannage la maison du malade ou du handicapé. Les naufragés du tout électrique découvrent brutalement qu’ils se sont ligotés à une source d’énergie ayant ses faiblesses. Les automobilistes s’affolent en découvrant une route nécessitant seulement une conduite prudente. Les propriétaires attendent avec impatience que l’on prenne en charge le déneigement de leur devant de porte ou de leur trottoir. D’autres s’inquiètent de voir ployer leurs propres arbres sous le poids d’un manteau blanc ou leurs appentis improvisés menacer ruines. Les plus malins se précipitent en Mairie pour obtenir une attestation du Maire précisant que leur allée… était impraticable et qu’ils étaient donc condamnés au repos malgré eux ! Dans ce contexte il est difficile de hiérarchiser les réponses et les moyens. Répondre que tout n’est pas possible tout de suite et pour tous, c’est se condamner à être traité de bon à rien ou mieux d’être accusé de n’être jamais là quand on a besoin de vous !
LES RELATIONS DE BON VOISINAGE SACCAGEES
Toutes les technologies de pointe ne remplacent pas, dans ces moments là, la solidarité physique entre les hommes. Or elle a quasiment disparu. Les fameuses relations de " bon voisinage ", indispensables au moment où l’on se trouve dans la difficulté, sont saccagées tout le restant de l’année. Elles ont donc mal à se renouer lorsque les circonstances renforcent l’isolement. Les gestes de solidarité se raréfient. Les seuls qui prospèrent en pareille circonstance sont ceux qui consistent à le liguer contre un responsable supposé manquer de célérité. Un hameau, un village se soude contre… le seul sur lequel il peut, dans la proximité, déverser son mécontentement. Tous les arguments techniques sont inutiles. Toutes les explications sont vaines. Impossible de rappeler qu’en privatisant outrancièrement tous les grandes entreprises nationales on a mis à mal leur capacité à faire face au… service d’après cette vente qui est devenue la seule obsession de leurs dirigeants.
Durant ces derniers jours EDF a par exemple dû massivement faire appel à des intervenants privés pour réparer les dégâts et France Télécom patauge dans les difficultés sans pouvoir réellement restaurer un réseau… exploité par des opérateurs concurrents. Inutile de conspuer les élus qui n’ont plus aucun pouvoir sur des structures privatisées contre lesquelles il se sont parfois battus… sans le concours des usagers résignés ou d’accord pour ces options libérales.
Il devient insupportable de devoir pallier, toujours dans l’urgence et avec les deniers locaux les carences criantes des autres organismes. Jeudi et vendredi, les gens réputés en difficulté n’ont que rarement appelé ailleurs que dans les mairies avant de s’adresser à… la Gendarmerie lorsque la réponse ne les satisfaisait pas. Ils mettent la pression dans leur proximité dans la mesure où les plates formes automatisées destinées à recevoir les plaintes. Cette nouveauté permet en fait de filtrer et d’éloigner le danger des mécontentements véhéments et de les transférer vers le local.
LA FRAGILITE DE TOUS LES RESEAUX
Dès jeudi matin, la fragilité globale du système est apparue. En mitant l’espace par une urbanisation non organisée, on a accentué la fragilité de tous les réseaux. Le ramassage scolaire appris une importance particulière puisque 75 % des collégiens du créonnais utilisent les autobus qui empruntent des petites routes vite impraticables. Il a été interrompu durant deux jours. Comme 84 % des élèves des écoles créonnaises habitant à moins d’un kilomètre de ces établissements s’y rendent quotidiennement… en voiture on n’a vu personne arriver jeudi et vendredi alors que sur une telle distance le trajet ne présentait pas un danger considérable.
Pas de collecte de déchets ménagers et des poubelles qui vont traîner sur les trottoirs durant quatre jours. Pas de livraison de courrier dans un bureau de Poste partiellement déserté par ses agents. Des services de l’ex-DDE non concernés par les routes départementales désormais confiés aux centres routiers du Conseil général peu habitué à cette mission nouvelle. Les " petites " communes privées de matériel et de personnel se retrouvaient dans l’incapacité de gérer une situation de ce type pourtant… fort possible en hiver. A cause de 15 centimètres de neige un territoire situé à 25 kilomètres d’une grande métropole régionale était majoritairement paralysé.
L’isolement tant souhaité par certains nouveaux arrivants prenait des allures de catastrophe et on n’ose pas imaginer les conséquences d’un épisode aussi anormal que celui de février 1956… dont l’impact dura plus d’une semaine. En fait il est à peu près certain qu’il démontrerait l’extrême fragilité de la société actuelle inapte à résister à une situation de crise malgré les affirmations officielles.
SAVANTS ASSEMBLAGES DE DOMINOS
Nous fonctionnons en fait selon le principe des savants assemblages de dominos ou celui encore plus fragile des châteaux de cartes. Un souffle d’air imprévu met à bas tout l’édifice en quelques heures. Nos magnifiques pompes à fric que sont les autoroutes deviennent aussi vulnérables que les vulgaires chemins vicinaux du fait que les camionneurs ne respectent absolument aucune interdiction (d’ailleurs ils sont très rarement sanctionnés car eux, ils travaillent !) et que les automobilistes payeurs estiment devoir aller jusqu’à destination dans n’importe quelles conditions. Les aéroports éternuent au moindre frimas. Lentement le milieu économique, largement tributaire des transports routiers pour son approvisionnement, de l’état des réseaux pour ses employés devant effectuer des trajets pendulaires quotidiens de plus en plus longs, des conditions purement climatiques se met en berne alors que le contexte n’a rien de sibérien.
Tout au long de l’année les soubresauts de la météo nécessitent des cellules de crise, des mesures d’urgence, des interruptions de services fondamentaux. Alors que le progrès est réputé améliorer le fonctionnement global de la nation il rend en fait l’homme dépendant de ses applications matérielles. L’absence réelle d’anticipation et ensuite le manque absolu de coordination accentuent les défaillances qui se creusent à une vitesse sans cesse plus rapide. Et, comme dans le même temps, les gens souhaitent des réponses encore plus rapides à des difficultés collectives ayant des retombées sur leur vie personnelle, les conflits se multiplient.
En revanche, dès que la neige aura fondu, que les routes auront séché, que les écoles auront réouvertes, que le courant sera revenu on oubliera vite les carences constatées en attendant paisiblement des jours… pires qui démontreront que la leçon n’est que rarement retenue malgré toutes les affirmations rassurantes.
La Préfecture multipliera les avis d’alerte pour se " couvrir ". EDF continuera à réduire ses effectifs au nom de la rentabilité. La DDE supprimera ses services de voirie en raison de la décentralisation. L’urbanisation par mitage de l’espace s’accentuera en raison de la raréfaction du foncier. Et la prochaine fois seulement 5 centimètres de manteau blanc suffiront à faire écrouler le château de cartes.
Mais je déblogue…
Photos Eric Mouchet
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27 janvier 2007 6 27 /01 /janvier /2007 08:30
J’ai reçu de la part d’un lecteur des chroniques de L’AUTRE QUOTIDIEN un texte de grande qualité (même s’il est parfois technique) qui démonte la supercherie manifeste des annonces de diminution de la pression fiscale. Malheureusement, on sait bien que dans la société actuelle, on peut dire n’importe quoi sans grand risque d’être démenti, puisque l’apparence l’emporte sur la raison.
Je vais exceptionnellement laisser la place aujourd’hui à cette démonstration qui détruit l’opinion dominante, car elle est le fruit d’une étude effectuée par une personne honnête, objective et implacable dans la mise à mal des propos sarkozistes. Je le remercie sincèrement de m’avoir beaucoup appris, et… probablement à vous aussi ! Voici son text, légèrement aménagé.
 
Dans Le Monde du 23 janvier 2007, Nicolas Sarkozy précise ses ambitions fiscales pour la France. Son raisonnement est le suivant : en baissant l'impôt sur le revenu, on rend du pouvoir d'achat aux français, lesquels vont consommer d'avantage, ce qui aura pour effet d'augmenter les recettes de l'Etat via la TVA. Un petit décryptage s'impose.

Rappelons d'abord que l'impôt sur le revenu est un impôt progressif et " redistributif ", l'impôt solidaire par excellence : plus vos revenus sont importants, plus vous payez, et donc plus vous contribuez à la solidarité nationale. Dit autrement, une partie de ce que vous gagnez est redistribué à l'ensemble des français via le financement des services publics de la santé, de l'enseignement, de la police, de la justice, etc... car on ne place pas dans un coffre-fort suisse les fonds collectés par les impôts.

Illustrons ce mécanisme avec un exemple simple (et des chiffres volontairement simplifiés) : supposons que chaque Français reçoive de l'Etat 1000 € par an via l'accès aux services publics (scolarité des enfants, accès à l'hôpital, sécurité...). Via l'impôt sur le revenu et son assiette progressive, un français (appelons-le Jean) qui gagne 1000 € par mois paiera 500 € d'impôt sur le revenu par an ; un autre (disons Béatrice) qui gagne 2000 € mensuel paiera 1500 € d'impôt annuel (elle gagne le double de Jean mais contribue au triple à la solidarité nationale, et c'est là tout l'intérêt de la progressivité de l'impôt : la redistribution solidaire des ressources) et enfin, Nicolas qui gagne 4000 € chaque mois paie quant à lui 5000 € par an en impôt sur le revenu (même chose donc...).
, et en net (c'est-à-dire compte tenu que chacun reçoit en retour 1000 € via les services publics), Jean reçoit de l'Etat 500 €, tandis que Béatrice ne contribue réellement au fonctionnement de l'Etat pour 500 € et Jean pour 4000 € - mais il reste que Jean a un revenu net d'impôt de 11 500 € (contre 12 000 avant redistribution), tandis que celui de Béatrice est de 22 500 e (contre 24 000 avant redistribution) et celui de Nicolas de 43 000 € (contre 48 000 avant redistribution) ; chacun d'entre eux ayant par ailleurs un accès égal aux services publics de l'Etat (du moins en théorie...). Si l’on ajoute un exemple concret encore plus éclairant à Créon en 2006 un enfant fréquentant l’école maternelle a coûté à la commune 1 800 € entièrement financés par la puissance publique, soit une somme, pour un enfant, infiniment supérieure à ce que leurs parents acquittent en impôts locaux.

Disons maintenant que la population française est répartie de la manière suivante : pour 20 Français qui gagnent 1000 € par mois (et sont donc dans le cas de Jean), 4 gagnent 2000 € (comme Béatrice) et 2 gagnent 4000 € (comme (Nicolas). On remarquera que dans cet exemple très simplifié l'Etat a des dépenses strictement équivalentes à ses recettes. Faisons alors comme le préconise Mr Sarkozy et baissons l'impôt sur le revenu de tout ce petit monde (c'est d'ailleurs peu ou prou la politique menée par les gouvernements Raffarin-Sarkozy-Villepin depuis cinq ans).
Rendons donc à chacun 10% de ce qu'il paie en impôt sur le revenu : Jean récupère 50 € de pouvoir d'achat, à comparer à son revenu annuel net qui était de 11 500 € (donc une augmentation de moins de 0,5 % de son pouvoir d'achat) ; Béatrice de son côté récupère 150 € (soit un gain de 0,7% sur son pouvoir d'achat) ; quant à Nicolas, il gagne dans l'opération 500 € : +1,15% de pouvoir d'achat en sus - et en valeur, dix fois plus que Jean, lequel gagne

pourtant quatre fois moins... Terrible constat mathématique qui détruit un effet d’annonce, mais que le lecteur et encore plus le téléspectateur ne fera jamais, car personne ne prendra le temps de lui expliquer. Cette analyse, jamais effectuée, démontre pourtant amplement que l’impact d’une baisse d’imposition n’a absolument rien d’égalitaire. Au contraire, elle renforce l’inégalité existante !

INJUSTICE FISCALE

Mais regardons maintenant cette "opération Sarkozy" d'un autre point de vue : selon ses propres termes, 2600 € sont ainsi "rendus aux français" en pouvoir d'achat. Sur ces 2600 €, 1000 € vont aux deux Français qui gagnent déjà… 4000 € par mois, 600 € vont aux quatre français qui gagnent 2000 € par mois et encore 1000 € sont répartis entre les…vingt Français qui, eux, gagnent seulement 1000 € par mois. Dit autrement, le cadeau fiscal de Mr Sarkozy profite autant à 10% des français les plus riches qu'à 75% des contribuables français les plus pauvres. On peut sans doute avoir une autre conception de la justice fiscale !


On aura par ailleurs remarqué que cet exemple a mis de côté tous les Français qui en réalité gagnent suffisamment peu pour ne pas payer l'impôt sur le revenu (48 % des personnes en mesure de l’acquitter) et qui de fait ne profiteraient pas du tout du "cadeau" de Mr Sarkozy. De même qu'on n'a pas ici évoqué le cas des très riches... qui échappe déjà en grande partie par les déductions légales combinées.
Le second problème est maintenant que notre Etat dont les dépenses étaient équilibrées (c’est une théorie) se retrouve avec 2600 € de moins dans ses caisses… et ne peut donc, obligatoirement, que rendre moins de services, et moins redistribuer. Mais Nicolas Sarkozy nous dit qu'il a la solution : ce pouvoir d'achat qu'il redistribue de cette manière socialement douteuse ira à la consommation, donc rapportera à l'Etat en TVA. Remarquons d'abord que l'hypothèse est pour le moins très discutable : dès lors que ce pouvoir d'achat est distribué pour moitié sur des catégories sociales suffisamment aisées pour avoir déjà eu la possibilité de constituer une épargne, et qui donc a les moyens de consommer à hauteur non seulement de ses besoins, mais également de beaucoup de ses désirs, on peut facilement comprendre qu'une bonne partie de ce pouvoir d'achat supplémentaire viendrait en réalité tout simplement grossir une épargne déjà constituée.
LE COMPTE N'Y EST PAS !
Mais admettons, admettons que tout ce pouvoir d'achat soit consommé et rapporte à l'Etat 19,6% de TVA. Ce serait alors seulement tout juste… 20% de la somme investie par la diminution qui serait récupéré par l'Etat. Le compte n'y est pas du tout, et il faudra donc également diminuer les dépenses (dépenses pour l'école, pour la santé, pour la justice, pour la sécurité...) si l’on ne veut pas creuser un déficit déjà beaucoup trop lourd. Et ainsi, ce ne sont plus 1000 € qui pourront être redistribués à chaque Français via leurs services publics, mais plus que 920 , soit une perte de 80 € pour chacun ! Les gens qui auront déjà perdu subiront une double peine ans la mesure où se sont les plus petits revenus qui " consomment " les services publics. Les autres ont recours au... privé puisqu'ils en ont les moyens!Faisons donc finalement les comptes de la supercherie, du miroir aux alouettes électorales. Jean gagnerait… 50 € annuel sur sa feuille d'impôt, qu'il consomme et sur lesquels donc il paye 20% en TVA, soit 10 €, et on arrive donc un gain net annuel de 40 € auquel il faut ajouter le fait qu’il ira manifester ensuite contre les suppressions de postes dans les écoles, les hôpitaux, les autres services publics car il ne recevra plus de l'Etat que… 920 €. Au total, ce brave Jean, alors qu’on lui vend une réduction de sa charge fiscale, n’aura absolument rien gagné et se retrouve donc perdant de 40 € ! Il aura donc, de fait, été politiquement abusé de manière indolore car il ne fera jamais ce calcul !


Béatrice qui doit gagner 150 € annuels sur sa feuille d'impôt, moins 30 € reversés en TVA, aura finalement un gain net annuel de 120 €. Et au total (en tenant compte des sommes que l'Etat ne peut plus lui redistribuer), un gain réel de seulement 40 € . Il sera victime d’une illusion absolue !


Nicolas, pour sa part, gagne 500 € d'impôt sur le revenu, reverse, s’il est un bon citoyen et s’il consomme tout ce dont il bénéficie, 100 € en TVA (à moins bien sûr qu'il ne choisisse d'épargner, mais bon...), et fait donc un gain net annuel de 400 €, lesquels lui permettront facilement de financer les 80 € que l'Etat ne consacre plus à sa santé ni à sa sécurité, et il lui reste même plus de 300 € pour payer un soutien scolaire privé à ses enfants (l'enseignement public étant défaillant faute de moyens suffisants), ou un accouchement dans une clinique privée pour sa femme


(l'hôpital public n'ayant plus les moyens de fonctionner efficacement), à moins plutôt qu'il ne choisisse de les placer dans une caisse de retraite privée...
UNE ESCROQUERIE FLAGRANTE
Mais on a oublié dans cette démonstration de préciser que la TVA est un impôt proportionnel, donc totalement non progressif et non redistributif, contrairement à l'impôt sur le revenu, et voilà donc une injustice sociale supplémentaire que de vouloir rendre d'un côté de l'impôt sur le revenu et prélever de l'autre par la TVA. Mais on se souvient que c'est une pratique habituelle des amis de Nicolas Sarkozy, lesquels il n'y a pas si longtemps, lorsque Alian Juppé était premier ministre, avaient fait passer la TVA de 18,6% à 20,6% tout en prétendant baisser l'impôt sur le revenu. De même que nous savons déjà d'expérience que la baisse de l'impôt sur le revenu est accompagnée de la régionalisation de nombreuses dépenses, lesquelles sont alors financées via les impôts locaux (bien moins redistributifs eux-aussi voir la récente chronique sur ce sujet)... Au final, les impôts auront augmenté, et auront d'autant plus augmenté que vous êtes moins riches.

En conclusion, il faut évidemment remercier Nicolas Sarkozy de remettre au cœur du débat politique ces évidences qui font que prétendre que droite et gauche seraient des notions dépassées est une vaste duperie. Il y a pour les Français un véritable choix à faire - et il ne s'agit pas seulement de la fiscalité. Espérons que le débat - et l'information sur le débat - sera à la hauteur des enjeux qui président à ce choix. Faute de second tour, ce ne fut pas le cas en 2002. Il est aujourd'hui plus que temps que le débat ait lieu au grand jour, tout masque baissé et toute langue de bois rentrée. Ce petit texte a l'ambition d'y contribuer un peu…
 
Ah ! si cette belle démonstration pouvait être diffusée, démultipliée la démocratie y gagnerait. Mais voilà, la télé n’offre jamais le temps de faire de telles opérations citoyennes. Grâce à un lecteur, elle est accessible au plus grand nombre et je l’en remercie sincèrement. Allez-y : diffusez l’adresse pour le lire sans modération. C’est gratuit et non imposable !
Mais je déblogue…
 
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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 08:00
La société devient impitoyable. Chaque jour ou presque, je constate qu’au nom du profit, on ne respecte plus du tout les moindres principes moraux. Les personnes les plus fragiles échappent de moins en moins à cette envie irrépressible d’exploitation de l’homme par l’homme. Chaque jour, les " abus de faiblesse " se multiplient dans l’indifférence générale. Ils touchent toutes les catégories sociales et portent sur les personnes âgées les plus handicapées. Des affaires déplorables filtrent chaque jour, lentement, dans un contexte où la loi du silence pèse pourtant sur les gens concernés. Elles sont souvent extrêmement misérables, sordides, mais il faut toujours les approcher avec précaution. Ce climat qui s’instaure autour du 4° âge, maintenu à domicile, commence sérieusement à peser sur le quotidien des services qui délivrent un soutien matériel. Il faut, bien souvent, être en éveil, car les abus ne sont pas évidents à déceler, mais pourtant bien réels.
Il n’existe pas qu’une seule manière d’exploiter les plus faibles, et souvent de manière adroite ou discrète. On sent les pratiques, on les devine, mais il manque les preuves formelles afin de desserrer l’étau qui enserre ces femmes et ces hommes résignés, réputés entourés. La pression morale joue un grand rôle dans cette approche d’une vieillesse détestable. Elle s’appuie sur une demande financière pressante, et peu à peu renforce une dépendance morale encore plus cruelle que la dépendance physique. Aucune plainte, aucune récrimination, aucune révélation : seulement une impression de tristesse, une remontée d’angoisse ou de temps en temps un indice qui peut mettre sur la voie.
La " vieillesse " entre de plain pied dans les nouvelles formes de profit. Elle est d’abord créatrice d’emplois et ensuite elle créée un circuit de solidarité sociale dont on ne mesure pas toujours l’impact croissant. Héritières ou héritiers des années fastes, certains de ces " retraités " d’un autre temps financent par exemple des milliers de postes, grâce à leurs besoins dans l’accompagnement quotidien. Ils apportent aussi autour d’eux des preuves d’attachement à leur famille et contribuent à l’amélioration du niveau de vie de leurs enfants et plus encore de leurs petits-enfants. Sans le soutien de papy ou de mamie, bien des jeunes rameraient avec un pauvre RMI. Le problème, c’est que la solidarité s’inverse. Le tout, c’est de savoir s’ils le font spontanément, ou s’ils se sentent… obligés de le faire. Même si c’est cruel, ou parfois très difficile, il arrive bien souvent que la curatelle ou la tutelle apparaissent comme les seules solutions pour préserver ce qui peut encore l’être, tellement le pillage est discrètement organisé. Ces solutions extrêmes, très mal vues par la personne concernée et plus mal encore par sa famille proche. Et pourtant…


UNE CHANCE POUR EUX
La semaine dernière, dans le courrier, j’ai trouvé la lettre d’une personne qui dénonçait les conditions déplorables de vie de sa mère et de son père, lourdement handicapés, et installés chez son frère. Une missive courroucée, détaillée, véhémente, qui accusait en fait le Maire de ne rien faire pour mettre un terme à cette situation jugée déplorable. Le problème, c’est que pour agir, il est indispensable d’avoir connaissance des éléments accusateurs. Or, cette famille a pris en charge ses parents âgés, venant d’un autre département, et n’a aucune obligation à déclarer cette situation en mairie. Mieux, quand nous avons tenté de nous en " approcher ", nous nous sommes vus opposer un refus catégorique.
En difficulté financière avérée, ces gens considèrent que le fait d’héberger leurs parents constitue une chance pour eux. Ils " s’alimentent " sur les retraites, et grâce à l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), ils rémunèrent la… petite fille jusque là au chômage. En fait, cette dernière n’apporte aucune aide, aucun véritable soutien laissant à sa mère le soin de gérer le lourd handicap des deux personnes qu’elle héberge. La lettre décrit fort bien ce mécanisme qui procure environ 1500 € supplémentaires au foyer alors que, véritablement, les intéressés relèveraient d’un établissement d’accueil qui coûterait au enfants. Lourdement " touchés ", les parents croupissent dans un espace familial verrouillé. Ils attendent en silence la fin de ce qu’ils croient être la meilleure solution.
Moralement, les retraités interrogés n’avouent donc absolument rien, et il sera impossible de leur faire dénoncer un traitement pour le moins approximatif. Ils sont angoissés par la seule idée de devoir partir vers un établissement pour personne âgées dépendantes. Cette appréhension envers un lieu réputé être celui qui conduit vers la fin de vie pose un véritable problème. Il s’accompagne en effet d’une forte culpabilité de ne pas pouvoir faire face à la dépense qu’engendre un séjour de longue durée. Il y a une pudeur réelle à ne pas se tourner vers des descendants pour qu’ils complètent des retraites extrêmement faibles. Alors, actuellement, ils acceptent leur sort qui arrange tout le monde. Ils ne souhaitent aucune enquête, aucun soutien.
Il existe une dizaine de cas de ce type sur le Créonnais, sans que les services sociaux locaux puissent intervenir, en raison de la liberté de choix respectable accordé à de braves gens réputés lucides. Ce cas n’est plus rare et il y aurait beaucoup d’autres déclinaisons.
INSTITUTION D’UNE MESURE DE PROTECTION
On a donc beaucoup critiqué les systèmes de la curatelle, et encore plus de la tutelle, réputés pervertis. D’ailleurs, le parlement s’est emparé de ce système qui avait, c’est indéniable, un grand besoin de réforme. Chaque famille peut un jour se trouver concernée par l'institution d'une mesure de protection à l'égard de l'un de ses membres, frappé par la maladie, l'âge ou le handicap. Une telle mesure peut également être mise en place à l'égard de personnes faisant preuve de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté (par exemple, les personnes ne remplissant plus leurs obligations familiales). Dans tous ces cas, la capacité des personnes majeures à accomplir les actes de la vie civile et à gérer leurs biens, peut être réduite, voire supprimée. On estime aujourd'hui le nombre de majeurs à protéger par la loi à environ 600 000. Leur nombre a doublé au cours des cinq dernières années, et l’on prévoyait qu’il atteindrait le million en 2010 sur les bases actuelles.
L'urgence d'une réforme des dispositifs de protection des majeurs est donc apparue dès 1998 après la parution d'un rapport d'inspection qui pointa de nombreuses dérives : juges débordés et négligents, placements abusifs, fonds détournés (voir les événements de ces derniers jours). Un premier projet de loi a vu le jour sous le gouvernement Jospin, mais il resta sans suite pour cause d'élection présidentielle. Décembre 2004, sur la base des travaux du précédent gouvernement, un nouveau texte est annoncé par le ministre de la Justice de l'époque, Dominique Perben.
PARTICIPER AUX DECISIONS
Le projet vise à créer des mesures de protection plus respectueuses des libertés individuelles, tout en encadrant mieux les recours aux dispositifs de protection. "Il ne faut plus considérer les majeurs vulnérables comme des incapables majeurs, mais comme des personnes qu'il convient de protéger, tout en respectant leur volonté" selon les initiateurs du projet de loi.
C'est pourquoi, la réforme envisage de donner au majeur protégé la possibilité de participer aux décisions le concernant (ce ne sera pas très simple). Elle rendrait obligatoire son audition par le juge des tutelles (aujourd'hui seul un majeur sur trois est entendu) et le juge devrait réexaminer la pertinence de son choix au moins tous les cinq ans (à voir). Le projet prévoit également l'instauration d'un "mandat sur protection future", acte notarié par lequel un majeur aurait la possibilité de désigner son tuteur, ce qui anticiperait sur des situations de crise dramatique.
Enfin, il est envisagé de parvenir à une professionnalisation indispensable des intervenants extérieurs à la famille exerçant les missions de protection juridique. Serait ainsi créé le métier de mandataire de protection juridique, impliquant la mise en place d'une formation initiale et d'un contrôle de qualité des professionnels.
Ce projet global devient urgent pour réellement protéger certaines personnes âgées des envies manifestes qu’elles suscitent. Bien évidemment, il y aura des situations difficiles, mais il va devenir indispensable de se préparer pour l’avenir, dont on sait qu’il nécessitera des décisions courageuses.
Il n’est pas facile de reconnaître que la vieillesse peut être un véritable naufrage, surtout quand on pense qu’elle ne vous atteindra jamais. Il existe une tradition maritime : lors des naufrages, tout ce qui arrivait sur les plages pouvait être récupéré par les gens avides de profits. Elle revit autour du grand âge. Un grand débat est à organiser sur ce sujet, car il rattrapera tôt ou tard la société.
Mais je déblogue…
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25 janvier 2007 4 25 /01 /janvier /2007 07:53
Dans toutes les campagnes électorales, il y a des comportements forcément équivoques. Ils passent d’autant plus facilement que dans chaque camp on trouve des exemples qui excusent les errements des autres. En puisant dans l’histoire, il est aisé de rappeler que ce qui constitue une anomalie actuelle fut accepté sans problème dans le passé. Le sous-entendu reste le même : nous ne faisons que ce que vous avez fait sans état d’âme. Sauf qu’il n’y a pas de vérité pérenne, car cette reproduction de mauvaises habitudes pourrait bénéficier du changement sans la continuité. Or, malgré les protestations réitérées, malgré les communiqués de presse, malgré les arguments les plus probants, rien ne bouge selon le principe simple mais efficace que ce qui est pris n’est plus à prendre.
Personnellement, je trouve particulièrement scandaleux le cumul inédit de quatre fonctions capitales pour Nicolas Sarkozy.
Mon émoi n’est partagé que par celles et ceux qui connaissent véritablement le poids des atouts dont il dispose. Impossible de parler de démocratie véritable dans ces présidentielles, tant que l’on aura parmi les candidats… le Ministre de l’Intérieur. Certes, jusqu’à présent il y avait eu des Premiers Ministres dans la course, mais aucun d’eux ne détenait directement les clés de l’organisation du scrutin. Il y avait, au minimum, des rôles séparés sur les services ayant en charge le vote lui-même. Si l’on ajoute que l’UMP et ses fonds considérables relèvent de la même personne, on a une idée particulière de l’iniquité profonde de cette campagne.
Nicolas Sarkozy est dans la situation extraordinaire de quelqu’un qui peut utiliser tous les moyens humains de la plus puissante administration française, en toute légalité, et réserver les fonds privés pour se déchaîner dès que le moment sera venu. Si l’on ajoute la présidence du département le plus riche de France, il ne doit pas y avoir de difficultés pour payer quelques pince-fesse ou des apéros.

UNE BROCHURE DE 111 PAGES D’INTERDICTIONS
Alors que les candidats socialistes aux législatives viennent de recevoir une brochure de… 111 pages, bourrée de recommandations, d’interdictions, de sommations afin de ne pas être pris en défaut sur les comptes de campagne, il n’y a aucun problème pour celui qui justement a en charge la mise en œuvre de ces règlements draconiens. Une galette, partagée avec un candidat, entre dans les comptes de campagne, des cartons d’invitation trop honnêtes, une salle prêtée… la menace est partout, au point que l’on peut se demander s’il est véritablement possible de faire une campagne de proximité. Une photo publiée dans la presse ou prise par un admirateur mal intentionné, sans qu’il existe la note de la manifestation dans les registres du mandataire financier, et la contestation survient. Celui de Nicolas Sarkozy doit avoir un talent particulier, car il lui faut partager toutes les dépenses liées à ses déplacements, ses réceptions, ses réunions selon le moment de la journée. L’avion du GLAM qui lui permet d’aller serrer les mains dans un lieu où il se rend comme Ministre de l’Intérieur ne le regarde pas… Même si le bain de foule relève de la campagne électorale, les effets d’annonce aussi, la rencontre avec les élus également, les frais seront imputables aux contribuables… Il faut véritablement croire au père Noël pour penser que les interférences sont impossibles. Il n’y a véritablement aucune contrainte, car on sait déjà que les " gendarmes " du financement sont tous des potes à lui.
En fait, le ministre candidat président a chaque soir le choix entre 4 colonnes pour inscrire la bonne somme. Deux d’entre elles sont gratuites et le jeu va consister à rester le plus longtemps possible dans cette situation favorable. Le moment venu, il sera temps de lâcher les sous massivement collectés auprès du " peuple " de droite,  car la première partie quotidienne de la campagne ne va pas coûter très cher.
MAIN MISE SUR TOUS LES SERVICES
Mais, dans le fond, les faits les plus graves viennent de la main mise de l’entourage du ministre-candidat-président sur tous les services de police. A tous les niveaux ,ses proches sont en mesure de lancer n’importe quelle enquête discrète, effectuer toutes les manipulations médiatiques qu’ils souhaitent, rassembler des éléments utilisables dans cette vaste intoxication de vérités et d’odieux mensonges qui va débuter. On vient de le voir avec le coup monté, et manqué, de l’ISF. On le verra certainement avec d’autres actions savamment distillées depuis la Place Beauvau.
Le ministère de l'Intérieur a, par exemple, formellement démenti dans un communiqué, l'information selon laquelle il aurait demandé aux Renseignements généraux (RG) une enquête sur un membre de l'entourage politique de Ségolène Royal. Les responsables socialistes ont en effet vivement réagi hier à un article du Canard enchaînéun "ordre en provenance du cabinet" du ministre de l'Intérieur. Mais, bien entendu, c’est absolument faux. Et d’ailleurs, bien malin celui qui pourra le prouver A moins qu’un autre général méticuleux comme Rondot ait pris soigneusement des notes le jour de… la réunion interministérielle où il fut question de SR. Et en plus, il faudra qu’il les emportent avec lui dans sa retraite ! Le Canard Enchaîné cite un fonctionnaire des RG, selon lequel "s’il y avait la moindre chance de lui accrocher une casserole, il fallait y aller", et qui affirme que la section enquête des RG produit "note sur note" à l'usage du ministre et candidat de l'UMP avec "de nouveaux noms à épingler".
accusant Nicolas Sarkozy d'avoir diligenté une enquête sur l'ex-dirigeant de Greenpeace France, Bruno Rebelle, ex-directeur de Greenpeace France, qui a rejoint récemment l'équipe de campagne de Ségolène Royal.
LES MUNITIONS SERONT STOCKEES
Julien Dray a dénoncé les "pratiques inacceptables" du ministère de l'Intérieur. Y voyant la confirmation de "la confusion totale des genres entre fonction ministérielle et candidature à l'élection présidentielle". Il a demandé " au chef de l'Etat de rappeler les règles élémentaires, et de donner toutes les garanties du respect des principes démocratiques". Cause toujours Julien, durant un mois les munitions seront stockées, et ensuite on trouvera bien quelques Godfrain pour expédier les balles mortelles sur Internet, vers le Parisien ou le JDD… Le Canard dispose de suffisamment de relais au sein des RG pour ne pas se lancer dans une telle aventure sans biscuits. L’info est authentique, mais tout le monde s’en moque, et ça ne fera pas douter un électeur sarkozien. La place Beauvau table essentiellement sur l’indifférence généralisée, et sur le silence des endormeurs de consciences des " Jités " du soir. Soyez-en certains, Béatrice Schönberg vous informera personnellement  des dessous de la place Beauvau !
La France n’a plus un spasme de contestation. Elle a été placée dans une camisole de force UMP qui lui interdit tout mouvement démocratique d’humeur. On cadenasse vite et fortement tous les organismes du contrôle institutionnel, afin d’éviter des remous potentiels. Hier, le CSA a bénéficié de la nomination d’un proche de Raffarin dont on sait qu’il est devenu le bras droit de Sarkozy et … le futur candidat à la présidence de l’UMP ! A la Cour des Comptes, Seguin, un autre copain historique, monte la garde. Il n’y a qu’au Conseil constitutionnel que l’annonce de l’arrivée de Jean Louis Debré peut donner l’impression que Chirac impose un cerbère hostile. En fait, s’il ne se rallie pas encore, c’est uniquement pour ne pas hypothéquer sa maigre chance d’apparaître comme étant au-dessus des chacailleries partisanes.
Le ministre-candidat-président continuera donc, alors qu’il clame des propositions contraires à ce qu’il approuve le mercredi matin en Conseil des Ministres. Il doit avoir du mal à ne pas clamer sa différence, en présence de ses collègues. Belle image de la politique que celle d’un Sarkozy ministre, tout sourire dans la salle de réunion de l’Elysée, soutenant un gouvernement que le candidat éreinte indirectement le soir en meeting avec des propositions qu’il se garde bien de formuler quand il le faudrait.
Actuellement Il possède absolument tous les atouts, toutes les bonnes cartes dans les manches. Il attend. Il se veut " cool cool ", " zen zen " et preneur de " Lexomil mil, mil " comme le font superbement remarquer les Guignols. La situation s’aggrave de jour en jour mais , après les forums citoyens et les réunions de brain-storming spontanées, tout va s’améliorer. Le ministre-président-candidat n’a plus qu’à bien se tenir. Il se transformera en canditat-président-ex-ministre. Et fondamentalement, tout changera. Vous pouvez toujours y croire.
Mais je déblogue…
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24 janvier 2007 3 24 /01 /janvier /2007 07:43
L’hiver a montré le bout de son nez. J’aime bien me sentir en paix, chez moi, quand je sais que dehors le temps impose sa loi. Enfant, je jubilais quand un orage se déchaînait et que je me trouvais à l’abri de sa fureur. Par cette soirée glaciale, mais pas encore polaire, rédiger une chronique prend des allures de veillée au coin d’une cheminée que je n’ai pas. Egoïstement, je ne ressens que le plaisir de cette douce chaleur d’aller, avec les mots, vers les autres, alors que trop nombreux sont eux qui n’ont pas ce privilège. Le plaisir simple vient du recul que je peux ainsi prendre par rapport à l’angoisse que génère une journée passée au service des affaires publiques. Là je déconnecte. Je paresse. Je fignole. Je me livre sans méfiance. Je ne suis enfin redevable de mes actes que vis à vis de moi-même. La liberté de ne rien espérer ou redevoir à autrui devient un atout essentiel, dont celles et ceux qui n’ont pas exercé une responsabilité déléguée ne connaissent pas la valeur. Le temps prend une autre dimension.
Tout à coup la sonnerie du téléphone vient briser cette décompression. " Allo, Monsieur le Maire… Les pompiers. Il faut vous rendre au 10, rue Charles Dopter pour un feu d’Immeuble… " La réalité finit toujours, au moment où l’on s’en croît épargné, par vous reprendre, par vous agresser. Je n’ai même pas eu le temps de m’installer devant mon écran, dans le monde virtuel de mes amis, qu’il s’évanouit en une fraction de seconde. Il me faut me replonger dans ce quotidien tellement différent de ce que les gens imaginent. Ils ne veulent pas voir ces ruptures permanentes entre la vie privée et la vie publique, cette pression qui fait que l’on doit savoir que l’on ne s’appartient pas, dès que l’on veut demeurer fidèle à un engagement : être sur le terrain des réalités. Pas question de replonger dans cette écriture que j’affectionne. La paix intérieure se brise. Me voici acteur d'un télé réalité que personne ne veut voir.

PARTIR VERS L’INCONNU
Se rechausser, se vêtir au maximum pour partir vers l’inconnu et affronter la bise. Arrivé sur place, une bonne douzaine de sapeurs-pompiers est déjà à pied d’œuvre. Ils tentent dans une fumée âcre, insupportable, opaque, d’identifier l’origine d’un incendie que l’on ne pressent pas important mais qui affole le voisinage. Les gendarmes arrivent. Conciliabule de crise. Enquête commune rapide. Le froid me glace jusqu’aux os, mais il faut tenter de prendre un tant soit peu la mesure du désastre.
Les appareils respiratoires sont armés, et avec d’infinies précautions, des couples en tenue de feu, attachés, partent dans le brouillard noir qui s’échappe par la porte. Il faut que j’aie l’assurance qu’il n’y a personne dans les étages. Je tente d’appeler les gens avec mon portable. L’un d’eux est chez sa fille. C’est réglé. Les autres viennent à ma rencontre et m’assurent qu’ils sont tous descendus en hâte. Le drame vient d’être évité. Pour le reste il suffit d'un peu de patience et de rassurer les voinsins inquiets.
Après plusieurs missions exploratoire, les jeunes volontaires, tirés eux aussi de leur confort familial pour apporter leur savoir-faire, repèrent le foyer : une lampe électrique de bureau laissée trop longtemps allumée ou un mégot oublié, ont fini par traverser leur support en matière plastique et mettre à feu les dossiers d’une agence immobilière. Ce début d’incendie bénin a eu des conséquences qui pourtant m’affolent. Je découvre avec mon écharpe sur le visage que le splendide plafond suspendu à coulé. Il est en lambeaux et à dégagé ces gaz nocifs, cette fumée irrespirable. Bien des meubles du bureau ont connu le même sort… Je prends conscience de la réalité de ces matériaux, réputés modernes, qui ne résistent pas à la moindre montée de température. Ils se transforment en gaz en quelques secondes, et s’avèrent plus dangereux en vase clos que le feu lui-même. La situation est totalement maîtrisée en une demi-heure. Le temps de voir passer une demi-douzaine de jeunes qui traînent, malgré un froid pénétrant, de dialoguer avec les inévitables badauds, passionnés par ce déploiement de matériel (dont la grande échelle pour aller inspecter la toiture), et le quitte les lieux une heure après.
Je suis sans cesse étonné par la sérénité, la motivation, la cohésion des sapeurs-pompiers, qui tels des fourmis, effacent peu à peu les traces de ce qui aurait pu mal tourner. Je repars frigorifié, mais rassuré, vers ce que je crois de plus en plus être mon refuge. Mon épouse me demande un bref compte rendu, car elle ne souhaite pas partager ces soucis qui fragilisent sans cesse la confiance que l’on peut avoir dans un destin paisible. Je me replonge dans l’écriture, avec la même délectation que celui qui s’immerge dans un bain chaud. Je retrouve la sensation bienfaisante de pouvoir enfin donner du temps à l’inutile. Je respire.

MONSIEUR LE MAIRE … VENEZ VITE !
La sonnerie du téléphone me poursuit. Elle revient, comme incongrue, dérangeante, au cœur du silence qui à nouveau m’enveloppait de sa chaleur. " Allo… Monsieur le Maire… Venez vite. Une voiture vient de s’encastrer dans le centre de secours ! " Comme c’est le chef de centre qui me prévient et que je connais parfaitement sa voix, je ne peux que faire confiance à ce messager du malheur. Nouveau passage par la phase habillage, avec une dose supplémentaire compte tenu de l’expérience antérieure. Il est près de 23 heures, et me voici reparti vers un autre malheur. Dans toutes les maisons que je longe, on contemple probablement à la télévision du malheur artificiel. On se nourrit d’images fabriquées pour démontrer aux gens qui les contemplent que leur bonheur ne doit pas être gaspillé. Quelle réalité vais-je découvrir...
A l’arrivée, on extrait une femme en piteux état d’un véhicule fracassé frontalement contre un pilier en béton de la caserne. Visiblement, ou la conductrice était dans un état second, ou elle a foncé délibérément à pleine vitesse dans l’obstacle, pour mettre fin à ses jours. Son automobile est démantelée. Les airbags l’ont sauvée car elle avait "oublié" sa ceinture. Cet accident masque une autre réalité. Dure. Insupportable. Séparation familiale et, à quelques pas de là, derrière un rideau, une silhouette furtive. Je découvre que la blessée habite à une dizaine de mètres, et que cet acte délibéré a eu comme premier témoin… sa fille de 13 ans et les 3 pompiers de permanence à la radio qui ont été secoués par l’explosion terrible consécutive au choc. Tout le monde imagine les effroyables conséquences qu’aurait généré ce geste s' il s’était produit quelques minutes après le retour des intervenants sur l’incendie.
Le plus dur reste à faire : aller rencontrer l’adolescente qui ne cesse depuis derrière le rideau d'épier, pour essayer de comprendre ce qui se passe. Elle est calme, étrangement résignée, peu bavarde. Elle restera seule cette nuit, car son père ne peut pas la prendre en charge. On sent bien, avec les gendarmes qui sont à nouveau sur les lieux et qui m’accompagnent, que plus rien ne l’étonne. Elle s’adaptera, et nous demande si demain... elle pourra aller au collège. Tout le monde lui laisse son portable et nous la rassurons sur l’état de sa mère qui est partie vers le tripode de Bordeaux. Etrange impression.
Je me sens mal à l’aise. J’ai l’impression d’être inutile. Je ressens la détresse, mais je ne sais pas en parler. Ou alors, je n’ose pas l’aborder. Je me replie dans la nuit ,car ma présence n’a plus aucun intérêt. Les jeunes sapeurs-pompiers ont tourné le dos au malheur. Ils réarment les véhicules au cas où dans les heures suivantes, ailleurs, on ait encore besoin d’eux. Sur le chemin du retour je retrouve mes quatre zonards qui arpentent, sous leurs capuches de sweat, les rues de la cité. Ils cherchent une connerie à faire… le résultat sera pour demain matin, en Mairie ! Les lumières ne filtrent plus de nulle part. Le froid entre partout. La télé réalité a le pouvoir.

PAS DE CONSECRATION MEDIATIQUE
Me voici à nouveau dans la quiétude. J’ai bien du mal à retrouver mes copains les mots. Ils me semblent ne plus porter les mêmes valeurs. Leur amitié ne me paraît plus aussi chaleureuse qu’antérieurement. Je les cherche et ils fuient. Dans le Jité de PPDA, on ne se servira pas d’eux et on ne parlera absolument pas de ces avatars de la vie. Même la presse écrite locale n’en fera pas une ligne, tellement ils appartiennent au quotidien le plus banal.
Je me surprends à ne plus moi-même m’émouvoir de ce que je viens de traverser. Dans le fond, nous ne serons que fort peu nombreux, demain, à avoir vécu ces événements, par une nuit glaciale, car ils ne sont pas entrés dans les maisons, ils n'ont pas franchi les seuils vérouillés. Le malheur ne fait tache d’huile que quand la télé le fait partager. Il n’existe qu’avec cette consécration médiatique qui le sacralise, reléguant le reste aux oubliettes de l’indifférence. Le nôtre n’a pas la cote. Il n'apporte ni sensationnel, ni pitié.
Rien, dans le fond, ne m’oblige pourtant à endosser cette réalité. Rien ne me contraint à en accepter les côtés dérangeants. Rien ne me condamne à continuer. Il suffirait qu’en me rasant un matin, survienne la tentation de Venise, et que je ferme les volets pour entrer dans le confort de l’écriture. Le téléphone ne m’apporterait que mes mauvaises nouvelles, celles que l’on ne peut jamais refuser d’assumer. Celles qui concerneraient les autres passeraient inaperçues.
Je ne suis pas certain que, sur l’écran noir de mes nuits blanches, je ne verrais passer que des images familières, sans être assuré qu’elles soient pour autant plus agréables. N’empêche que, quelque part, il y aurait un poids de moins : celui de la responsabilité d’assumer le sort des autres!
Mais je déblogue…
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23 janvier 2007 2 23 /01 /janvier /2007 08:07
Selon une formule célèbre, il est encore plus grand mort que vivant. C’est une tradition sociale qui veut que quand vous quittez cette terre on vous couvre de louanges comme pour expier les mauvaises paroles antérieures. Dans le fond, cette attitude permet probablement aussi de se rassurer. Au cas où…un jour on se trouve à la place de celle ou celui dont on parle. L’abbé Pierre n’échappe pas, logiquement, à la règle bien que pour être encore plus dithyrambique que ce dont il a déjà bénéficié depuis des décennies, il faut avoir une imagination débordante. En fait, bien davantage qu’un homme exceptionnel, c’est simplement la mauvaise conscience de bien des gens qui tire sa révérence. Et qui sait si ça ne soulage pas les uns, autant que ça attriste les autres. Ils n’auront plus cet œil noir et rusé, qui épie leurs " non faits " et leurs " non gestes " pour, de temps en temps, les placer face à leurs promesses oubliées. Le soulagement doit bien naître dans des esprits peu chagrins, car pragmatiques ou cruels.
Celui que mon vieil ami Serge Raffy, rédacteur en chef du Nouvel Observateur, appelle dans un entretien publié hier, le " Tapie de l’Evangile ", s’est toujours arrangé pour être incontournable durant un demi siècle. Quand il s’absentait pour cause de désespoir dans la politique, on allait le chercher, pour démonter les certitudes en une ou deux phrases bien senties. Il était devenu, intelligemment et lucidement, un " exploitant " d’un système médiatique raffolant à la fois de bons sentiments et de coups de gueule sincères. Il leur offrait de la réalité quand elle vivait dans le secret ou le virtuel. L’abbé chiffonnier avait compris, bien avant tout le monde, que la provocation constituait le sésame vers la célébrité. Comme tous les guerriers de l’idéal il n’ignorait pas qu’il prendrait des gnons dans la mêlée, mais il avait une protection : celle des hommes de foi concrète.
Sa soutane, dont il n’a jamais voulu se démettre, lui servait en effet de cuirasse, comme celle dont se paraient les chevaliers défenseurs de la veuve et de l’orphelin. Elle le prémunissait des morsures d’une caste, honteuse d’être placée face à ses insuffisances et ses renoncements. Les flèches des indifférents, les moulinets des glaives de la légalité, les lances institutionnelles se brisaient sur ce vêtement qui le rendait immortel. Sous sa pèlerine, Henri Gouès devenu Pierre, se donnait une stature impressionnante de Superman de la charité.
Cet abbé, surgi du plus profond de la nuit de l’indifférence, avait parfaitement compris que la lumière ne pouvait venir que par l’appropriation dosée des médias. Il y déversait ses colères, comme d’autres y apportent leur autosatisfaction. Son fameux appel de 1954, sur les ondes de Radio Luxembourg, restera dans la même lignée que le " J’accuse ! " de Zola dans l’Aurore, ou les phrases de De Gaulle le 18 juin 1940. Il y a peu d’hommes qui, comme eux, ont su être là au bon moment, au carrefour des consciences, avec les mots justes et la passion qu’il faut pour toucher les cœurs de pierre comme ceux d’amadou. Nul ne peut prétendre que ce qui fut, en ce jour, parfois spontané, généreux, emporté, chaleureux n’est pas devenu ensuite calculé, efficace, raisonné, froid au nom de la nécessité d’agir. Il a su, avec une patience d’entomologiste, observer ce monde médiatique pour lui apporter épisodiquement ce qu’il voulait : le sensationnel vertueux.
Jacques Chirac, dont le besoin en image " pieuse " n’a jamais été aussi prégnant, va donc vite sauter sur l’opportunité de récupérer une part de ce monopole du cœur qui constituait la rente de situation de l’abbé Pierre. Durant cette semaine, il s’agira de bénéficier de l’effet transfert. Les morts célèbres continuent en effet à être des puits où l’on peut quérir une part de leur gloire. Il suffit de constater combien de gens affirment les avoir toujours soutenus dans leur action, ne jamais les avoir abandonnés, même dans les moments difficiles, s’être empressés de les défendre quand ils erraient dans les incertitudes pour se persuader que la sincérité s’estompe devant les retombées potentielles. Si l’on n’a pas été récupéré de son vivant, on le sera certainement lorsque la mort sera venue, quand leurs paroles vous rapprochent des autres, vous redonnent un semblant de virginité et surtout font oublier provisoirement vos insuffisances, c’est une véritable aubaine. Autant en profiter.
L’abbé, dans son testament, avait prévu que ce culte de la personnalité qu’il avait tout fait pour éliminer le suivrait dans la tombe. Il n’avait absolument rien demandé de " national ", afin de préserver justement ce qui avait constitué sa force : être estimé  non pour ce qu’il faisait, mais pour ce qu’il représentait. Ses "différents objets personnels" devront, selon ses dernières volontés, être récupérés par ses légataires, comme "des comptes courants dont la gestion sera désormais confiée à des successeurs". Il a souhaité, rançon économique de son succès, que le nom "Abbé Pierre", qui a été déposé, bénéficie d'une protection légale. Certainement hostile à la culture des reliques " sanctifiables ", il a exigé que "sa légendaire pèlerine noire qu'un colonel de pompiers lui avait donné lors de la fameuse insurrection de la pauvreté de février 1954", soit remise au musée des sapeurs-pompiers de Paris, où, c’est certain, elle fera l’objet d’un pèlerinage pendant une décennie ou deux.
Il a également délivré un véritable message à la hiérarchie de cette église qui ne l’a  jamais  véritablement aimé, en demandant de "faire parvenir au pape un paquet contenant un ostensoir fabriqué avec une lampe de poche". Une manière de lui rappeler que la lumière vient de l’action et pas de la théologie. Il n’est pas certain que ce soit l’objet favori de Benoît XVI ! Enfin, il a prévu que durant ses funérailles soient interprétés des chants grégoriens en… latin, un Magnificat en français, et sur le chemin du cimetière d'Esteville (Seine-Maritime) où il rejoindra les premiers apôtres rencontrés à Emmaüs, le chant des adieux, "Ce n'est qu'un au-revoir", un choral dont les paroles ont été composées par le père Jacques Sevin, fondateur du scoutisme français, sur une musique traditionnelle écossaise. Il passera ainsi de la plus pure tradition catholique, pour aller, avec un chant païen, vers la terre de la solidarité définitive.
Ces détails démontrent que toute sa vie, il a justement fait de cette fraternité de proximité son credo. Inutile d’aller chercher, avec lui, dans le lointain, les éléments pour s’épanouir dans les autres. La rencontre utile aura été sous un pont, près d’un tas d’ordures, dans une station de métro, dans des cartons anonymes, sous une porte cochère et non pas à l’autre bout du monde. Oser regarder la misère dans les yeux, chez nous. L’écouter, faute parfois de pouvoir la soigner, interpelle davantage les esprits que des partages exotiques. Ses combats ressemblaient davantage à des corps à corps épuisants qu’à ces batailles politiques convenues, qui plaisent tant aux généraux exterminateurs, mais qui les exonèrent de leur propre responsabilité.
Hier, Henri Grouès est mort comme le dormeur du val… de Grâce. Sa dépouille humaine portait une blessure sur le coté. Un blessure jamais cicatrisée causée par toutes les flèches de l’indifférence que sa soutane n’avait pas arrêtées. Il a laissé la défroque de l’abbé Pierre sur la terre comme un mythe susceptible de résister à la redoutable épreuve du temps. Hier un homme a quitté le monde, c’est Henri Grouès, qui avait su se fondre dans l’aura donnée par l’action rebelle méthodiquement organisée de l’abbé Pierre. Il avait su concilier le cœur et la raison, et si le cœur d’Henri Grouès s’est arrêté, les raisons qui l’ont fait battre ne disparaissent pas avec lui ! Il faudra maintenant attendre qu’un autre se lève pour reprendre les combats d’un Don Quichotte évitant les moulins à vent, pour taper là où les consciences ont mal.
Mais je déblogue…
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22 janvier 2007 1 22 /01 /janvier /2007 08:08
S’il est un mot tabou dans le discours politique français, c’est bien celui-ci : impôt. Il affole les chargés de communication et, plus encore, il déstabilise les cotes de popularité les plus solides. A tous les étages de la vie collective, il s’invite au débat sans, trop souvent, qu’il y ait d’analyse objective du contexte. Dans les repas de famille ou entre amis, si vous voulez être populaire plaignez vous avec des trémolos dans la voix de trop contribuer à la vie publique. Quand vous passerez sur une route rénovée, un bâtiment public de qualité, que vous assisterez à une manifestation collective subventionnée n’oubliez surtout pas la réflexion de circonstance : « Eh bien, qu’est-ce qu’on va payer comme impôts ! » Ecoutez attentivement les candidat(e)s aux élections de tous les niveaux, car ils vont être nombreux à promettre que demain, on gèrera gratis. Ou presque… En réalité, aucun d’eux ne proposera une réforme précise, concrète, durable d’une fiscalité désuète. C'est trop risqué !
Contrairement à la culture anglo-saxonne, la nôtre repose sur un mythe : il pourrait y avoir une vie collective de qualité sans aucune participation financière individuelle. Si on ajoute que jamais on n'effectue le lien entre les demandes constantes d’amélioration des services, des équipements, des encadrements, de la qualité de la vie et la manière dont il faut les financer, on obtient les fondements d’un comportement démagogique exploitable par tous les populistes de la terre. Toutes les discussions sans fin, toutes les contestations permanentes, toutes les affirmations péremptoires ne changent absolument rien à la réalité que peu de monde connaît. D’ailleurs, on est vite désespéré par l’indigence citoyenne dans ce domaine. C’est probablement le sujet dont on débat le plus, mais sans jamais éduquer, former, expliquer et qui permet donc d’affirmer ce que l’on veut sans grand risque. Il n’y a en effet qu’uns constante : chacun se plaint de trop payer d’impôts. Même celles et ceux qui n’en paient pas, ou qui s’arrangent pour ne pas en payer !
Un système d’imposition reflète pourtant l’état d’une nation et sa capacité à répondre aux nécessités du progrès. Le nôtre aurait besoin d’une véritable refonte, car il n’est plus du tout adapté aux profondes modifications intervenues dans les compétences des diverses structures. Il a été créé, il y a des décennies, et rafistolé vaille que vaille, chaque année, au moment du vote des recettes budgétaires de l’Etat. Le principe en est simple : on ajuste les produits en essayant de décevoir le moins de monde possible. En fait, on en oublie le fondement même de la République, qui repose non pas sur l’exonération de la contribution à la vie collective, mais sur l’équité de cette contribution. Et par lâcheté politique, on continue à accentuer les discours sur le premier concept. François Hollande vient d’en faire l’amère expérience, lui qui a osé rappeler le second principe. La réplique a été immédiate : comme il voulait rétablir un minimum de justice, quelques personnages subtils se sont chargés de l’attaquer sur sa propre participation. Bizarre. Bizarre !
UN TOLLE SI ON VEUT AUGMENTER LES IMPOTS
Le Premier secrétaire du PS a en effet provoqué un tollé? en voulant augmenter les impôts "pour les contribuables qui ont un salaire de plus de 4.000 € net" soit "200.000" personnes en France. Ce sont les contribuables "qui sont dans les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu. Et rien que pour cela, il ne s'agit que d'une remise en cause des baisses d'impôts sur les plus hauts revenus proposés par la réforme Villepin 2007", soulignait-il.
A la question "N'est-ce pas contre-productif d'annoncer cela en période électorale?", le premier secrétaire du PS répondait : "Au contraire. C'est dans le projet socialiste: : nous revenons sur ces avantages fiscaux faits aux plus riches, comme d'ailleurs nous supprimerons le bouclier fiscal pour les gros patrimoines".
"Cela ne concerne que les contribuables qui ont un salaire de plus de 4.000 € net, soit 5.000 € brut: 200.000 contribuables sont concernés", précisait François Hollande, présenté comme le futur locataire de Bercy si la gauche remportait la présidentielle. "En revanche, je veux rassurer tous les autres contribuables, les 20 millions de ménages qui verront leurs contributions inchangées, voire pour certains baisser à travers la baisse de la fiscalité indirecte et la réforme de la fiscalité locale", ajoute-t-il, assurant s'exprimer comme "Premier secrétaire du PS" et pas comme porte-parole de Ségolène Royal.
Cette proposition réaliste a immédiatement été décriée par le chœur des vierges effarouchées, comme si elle ne rétablissait pas un minimum d’équité. François Hollande a été tancé, admonesté, raillé, alors que sa déclaration était au minimum… de gauche ! Il y aurait en effet bien des bémols à mettre à cette déclaration de principe, peu audacieuse, mais au moins honnête.
PEU D’ENTRE EUX REGLENT L’INTEGRALITE DE LEU DU
Il faudrait, par exemple, savoir combien de foyers fiscaux, dans ces catégories des ménages affichant plus de 4000 € nets mensuels, paient réellement leurs impôts directs. En effet, il y a tellement dé déductions possibles pour celles et ceux qui ont le savoir faire… et de l’argent à donner, à placer, à investir légalement dans le cadre des dispositions de la loi des finances que peu d’entre eux règlent déjà l’intégralité de ce qu’ils devraient acquitter. Par exemple, il faut redire que les défiscalisations découlant du dispositif De Robien sur le logement coûtent plus cher à l’Etat que les aides qu’il accorde, la même année, à la construction de logements sociaux.
L’UMP et quelques…socialistes ont hurlé au crime fiscal, en entendant la proposition de Hollande, alors qu’elle ne comporte absolument rien de révolutionnaire. La mesure révolutionnaire serait simplement de supprimer tous les abattements, toutes les exonérations et mettre tout le monde dans une parfaite égalité de situation !
Apparemment, les citoyens ont un bon sens rassurant. François Hollande a dû apprécier que 57 % des Français soient favorables à sa proposition. 38 % des personnes interrogées sont opposées à une telle mesure et 5% ne se prononcent pas. Dans le détail, 68% des électeurs ayant l'intention de voter pour Ségolène Royal au premier tour sont favorables à cette proposition ce qui devrait la faire réfléchir, et seulement 29% sont contre.
Quant à ceux qui pensent voter pour Nicolas Sarkozy, ils sont évidemment 52% à se dire pour, alors que 45% y sont opposés. Dans les deux cas, 3% ne se prononcent pas. Ces tendances n’ont absolument rien d’extraordinaire car la très grande majorité des gens ne seraient bien évidemment pas touchés par cette mesure. Et elle a bien conscience que quand on atteint ce niveau de ressources nettes il doit être possible de trouver quelques Euros supplémentaires pour contribuer solidairement à la vie collective.
UNE SEULE COLONNE DE TAXE COMMUNALE
Il en va d’ailleurs de même pour les impôts locaux tant décriés. Si l’on prend par exemple à Créon la taxe d’habitation qui est la base même du système fiscal communal, il faut savoir que 195 foyers en sont déjà exonérés ( plus de 15 % ) pour diverses raisons (statut social, âge…) et que environ 17 ne la règlent pas, car leur contribution est inférieure au minimum recouvrable par les services du trésor, 70 paient entre 100 et 200 €, et que… 800 règlent moins de 500 €. Ce qui fait en définitive de la TH un dispositif parfaitement inégalitaire.
Il serait courageux d’inventer une seule colonne dite « taxe communale » qui se substituerait globalement à tout le dispositif actuel (Taxe d’habitation, foncier bâti, foncier non bâti) et qui serait adossée, comme la CSG, à tous les revenus bruts. Les élus fixeraient par ailleurs chaque année, pour toutes les personnes ne réglant pas d’impôts sur le revenu, une taxe forfaitaire minimum car il est normal que, même symbolique, il y ait une faible participation, mais une participation, de certains à la vie collective.
Toutes les transactions immobilières réalisées sur la commune seraient également taxées au profit de celle-ci, selon un taux fixé annuellement. Elle serait payées dans tous les cas par le vendeur (le système des plus values serait supprimé) et non pas par l’acheteur. En complément, une taxe sur tous les loyers privés (dépassant le barème social au m²) perçus par les propriétaires locaux permettrait peut-être de limiter l’envolée des prix. Bien évidemment, il ne s’agit que de propositions globales méritant une étude plus précise, mais pour avancer, il faut bien tenter d’innover.
Pour la "taxe d’exercice d’une activité économique" (ex-taxe professionnelle) il y aurait deux taux . L’un serait tout simplement adossé au montant de la TVA collectée annuellement par toutes les entreprises et pour les professions libérales ou celles non assujetties à cette TVA elle serait calculée sur les revenus nets (frais professionnels déduits) déclarés, sans autre critère.
Il faut bien avouer que la tendance actuelle n’est pas à l’équité fiscale, mais à une pseudo suppression fiscale, que l’on confond souvent dans les débats avec les prélèvements sociaux (pour les acteurs économiques) ou avec les services (eau, assainissement, déchets…) pour les particuliers. Et dans cette période il serait véritablement étonnant que le débat porte sur autre chose que la forme et surtout pas sur le fond.
Mais je déblogue…
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