Il y a les grandes déclarations sur l'immigration. Elles occupent l'essentiel des espaces médiatiques puisqu'elles correspondent à l'opinion dominante qu'il faut absolument flatter pour obtenir de l'audimat et du lectorat. Quel que soit le pays européen, on trouve « son » immigré venu de l'autre côté de la frontière, celui qui vient perturber le bon fonctionnement d'une société qui aime bien dormir sur ses certitudes. Les Roms, les Albanais, les Ethiopiens, les Moldaves, les Ukrainiens, les Africains de toutes origines... les Afghans, les Turcs, les Kurdes, les Ouzbeks, et que sais-je encore, sont forcément les cauchemars des gouvernements, qui les ballotent sans jamais régler le moindre problème. Les bateaux, les radeaux, les camions, les remorques... déversent chaque jour la misère de la terre sur une autre terre ne pouvant ou ne voulant pas les accueillir. Il arrive même parfois qu'ils échappent aux camps, qui se veulent de rétention plutôt que de concentration, pour trainer dans les villes, se réfugier dans des lieux que bien des mémères refuseraient pour que leur toutou fasse ses besoins naturels ! Dramatique, ce comportement qui, selon la formule célèbre, conduit tôt ou tard certains hommes à devenir des loups pour les autres hommes.
D'ailleurs, plus la pénurie menace et plus les meutes hurlent avec les loups, au prétexte que l'insupportable est atteint. Parfois, il arrive que certains principes soient plus forts que le tsunami des certitudes, mais c'est de plus en plus rare. N'empêche que les plus terribles sont souvent celles et ceux qui, après avoir défendu une position, virent de bord pour adopter la position inverse. Les transfuges voulant absolument démontrer leur reconnaissance au chef sont les plus redoutables, car ils sont capables de justifier l'injustifiable ! Eric Besson est le parfait exemple de cette attitude détestable, consistant à se renier en permanence, laissant l'impression que l'on ne doit surtout pas croire en une position politique quelconque. Ou bien ce que ce transfuge de la Gauche caviar affirmait hier était empreint de la plus grande hypocrisie, ou bien il ne croit pas un mot de ce qu'il affirme maintenant. La métamorphose n'existe pas dans la vie publique à ce point là ! Par exemple, ce grand démocrate joue aux mimes empressés : quand Sarkozy passe, les aspérités sociales gênantes doivent être rabotées. Plus la peine de passer des consignes aux Préfets de tous grades : ils devancent les volontés présidentielles ou ministérielles. Alors, quand Eric Besson s'annonce, on rafle ! Des campements de fortune cernés par des centaines d'uniformes. Près de deux cents migrants interpellés et placés en garde à vue.
Plusieurs opérations coups de poing ont été menées à Calais, et sur des aires d'autoroute de la région, où affluent en permanence des centaines d'exilés qui cherchent à passer en Grande-Bretagne. Conduites sur réquisition judiciaire, mais à l'avant-veille d'une... visite du ministre de l'Immigration sur place, ces vagues d'arrestations ont suscité une volée de critiques. « Un coup de communication qui ne répond pas au besoin de protection de ces gens, dont la plupart viennent d'Afghanistan et d'Irak », juge France Terre d'asile. « Est-ce courir après les passeurs que de rafler ces réfugiés qui dormaient ? » interroge un abbé, du collectif « calaisien C'Sur ». En fait, il faut absolument faire du chiffre et donner raison au visiteur, qui a promis que... 5 000 passeurs seront arrêtés et jugés en 2009, comme si les passeurs, prévenus, allaient s'exposer à une rafle prévisible. Là, rien ne vaut un beau coup de jugulaire qui plaît tellement au défenseur de la Patrie en danger ! Aucun risque, ils ont fait la malle depuis belle lurette.
KARCHERISATION CALAISIENNE
« Il fallait réaffirmer, face à la dégradation de la situation, que force doit rester à la loi ! » a expliqué Eric Besson, qui se défend de toute corrélation entre la rafle et sa visite. Le ministre, qui a fait du dossier « Calais » une priorité, doit annoncer aujourd'hui une première série de mesures qui ne changeront absolument rien à rien.
« Rétablir l'Etat de droit dans cette ville, là est la question de fond, que ce soit deux jours avant ou trois jours après ma venue », insiste le ministre de l'immigration surtout pas clandestine, pour qui l'objectif est d'engager la guerre aux passeurs. « Ce type d'opération est nécessaire. Notre ville est prise en otage ! Il y a en ce moment huit cents migrants à Calais », souligne la maire (UMP) de la ville, Natacha Bouchart, qui s'emporte contre les Britanniques, non signataires des accords de Schengen, et dont les conditions d'accueil pour les étrangers, estime-t-elle, demeurent « trop attrayantes ».
Depuis la fin des années 1990, à l'unisson de l'Union européenne, la Grande-Bretagne a pourtant fermé ses portes de façon drastique : enfermement illimité des demandeurs d'asile dans des centres de rétention prisons, établissement de contrôles d'identité pour les étrangers et expulsions massives... Dans les réseaux qui leur font franchir les frontières, et qui vendent désormais le mirage des pays scandinaves, le bouche-à-oreille l'a depuis longtemps diffusé : hormis pour quelques « chanceux », l'eldorado anglais n'est plus le rêve espéré. Auparavant transitoire, le passage par Paris s'inscrit de plus en plus dans le temps. Et ceux qui parviennent encore à traverser la Manche n'ont désormais pour seule issue, lorsqu'ils s'extirpent des camions, que de se fondre dans la clandestinité. Encore et toujours la clandestinité, dont on sait qu'elle ne conduit qu'aux pires situations sociales et humaines. Elle renforce le sentiment d'insécurité des uns et des autres, mais ne change pas un iota aux flux migratoires intemporels.
L'opération Karchérisation de Calais n'aura aucun effet. On aura amusé la galerie durant une semaine avant les élections européennes, et avec l'espoir, dans le Pas de Calais, de voler quelques voix au FN, mais le problème se déplacera ailleurs.
RIEN DE CONCRET
« La garde à vue des neuf migrants est terminée, ils ont été libérés », sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, a annoncé le parquet, sans autre précision. Hier matin, près de 200 migrants au total, essentiellement des Afghans, avaient été interpellés à Calais et sur des aires d'autoroute de la région, lors d'une importante opération qui avait mobilisé près de... 500 policiers et gendarmes. Qui a estimé le coût de ce type de rafle pour la collectivité ? Hier, Eric Besson a indiqué sur RMC que l'opération policière " visait à rechercher des passeurs, et je crois savoir qu'une dizaine d'entre eux sont en garde à vue ". La garde à vue des neuf Afghans avait été prolongée "pour des vérifications techniques (portables, répertoires...)", avait indiqué peu après le procureur de Boulogne-sur-Mer. Comme ces neuf Afghans, tous les interpellés de mardi ont été laissés libres, à l'exception de trois migrants qui ont été placés en centre de rétention administrative, et de huit mineurs conduits dans des foyers, selon la police. Enfin, six autres migrants ont fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Depuis la fermeture en novembre 2002 du centre de la Croix-Rouge à Sangatte, des centaines de migrants (au moins 800, Afghans, Erythréens, Somaliens, Soudanais, Iraniens, Nigérians, Kurdes...) errent dans le Calaisis, dans l'espoir de gagner clandestinement l'Angleterre, notamment en montant à bord de camions embarquant dans des ferries. Ils ne vivent que de la plus dure des drogues : celle d'un avenir qu'ils croient logiquement meilleur que leur passé ou leur présent. Eux ne changeront pas d'avis !
LA LISTE DU GISTI
Personne n'a encore établi un simple comparatif : combien d'étrangers ont été reconduits aux frontières, et combien sont entrés dans le même temps en France ? Les statistiques non officielles seraient intéressantes. Tenez, il faudrait les demander à l'Insee. Mais Eric Besson y perdrait de sa superbe, et ce n'est pas envisageable. Alors, on hurle avec les loups ! Il a entamé le 8 avril dernier une polémique avec l'association Gisti, association sérieuse et fiable qui avait reçu, comme d'autres associations, une lettre affirmant que le délit de solidarité n'existait pas, et qu'en 65 années d'application de la loi, personne en France n'avait jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière. Aussi, les juristes de Gisti ont publié mardi une liste "non exhaustive" de 32 personnes, condamnées pour avoir porté assistance à un sans-papiers.
C'est cette liste que conteste Eric Besson. « Ils avaient dit depuis deux mois qu'ils apporteraient la preuve que, contrairement à ce que j'affirmais, des bénévoles humanitaires avaient pu être inquiétés. Or dans leur propre liste, il n'y a aucun bénévole », a-t-il lancé mercredi. « Aucun des étrangers en situation irrégulière visés n'est d'ailleurs présenté comme relevant d'une situation de détresse », a aussi souligné Eric Besson, mardi. Le ministère n'a toujours pas expliqué comment il faisait la différence entre un « bénévole » et un « particulier ».
Selon l'association, elle « n'a recensé sur la liste que les cas où ne figurait aucune condamnation connexe ». C'est d'ailleurs pour cela que la liste est « relativement limitée, car nous aurions pu lister une centaine de cas ». C'est également pour cette raison « qu'il s'agit souvent de la condamnation d'un conjoint ou d'un membre de la même famille ». Cette liste ne tient compte que des poursuites ayant entraîné condamnation, y compris avec dispense de peine. Ne sont donc pas recensées ici les poursuites ayant abouti à un non-lieu, ou à une relaxe. Elles ont pourtant donné lieu, à chaque fois, à leur lot d'intimidations, de convocations (...), de gardes à vue, de mises en examen, de perquisitions..."Le ministre est en train d'ajouter la mauvaise foi au mensonge", insiste Claire Rodier du Gisti. Il dit : "personne n'a été condamné. Nous démontrons que si". Il est vrai que Besson ne risque rien, il a juste émigré du PS le plus ambigu, à l'Ump la plus dure. Un chemin qui ne nécessite pas un autre visa que celui de l'ambition personnelle au détriment des autres.
Mais je déblogue...